CHAPITRE XIX
La Vie économique de la Valachie.
L’Agriculture.
I. L’élevage. — II. La culture des céréales, blé, maïs, orge. — III. Autres
cultures, cultures industrielles, vigne, prunes. — IY. Les forêts.
Si la Valachie est, de tous les pays roumains, celui où la vie économique
semble être le plus intense, c’est encore vers l’exploitation
de la terre que cette activité est presque exclusivement tournée. Les
destinées troublées de ce pays ne sont pas seules responsables de cet
état de choses, conséquence forcée de la position géographique de
la Valachie, de la nature de son sol et de son climat, autant que des
habitudes invétérées de la race qui la peuple.
P ar son climat continental, qui n’est pas cependant exempt d’influences
méditerranéennes, par ses riches forêts, qui, après des siècles
de dévastation, couvrent èncore 23 % de la surface totale 1, par son
sol, formé, dans toute la région des plaines de Munténie, d’un manteau
épais de loess, et de limons loessoïdes dans toutes les grandes
vallées, la Valachie est un de ces pays qui marquent la transition
du domaine forestier de l’Europe centrale et septentrionale au
monde des steppes et de la végétation méditerranéenne. De l’Ukraine
à la Bulgarie, de la Galicie à la Flandre, le loess ou des limons argilo-
sahleux d’aspect analogue, y couvrent de grandes étendues, offrant
un sol fertile, chaud et sec, naturellement peuplé de graminées, et
prêt à accueillir les céréales. Ces pays découverts, d’accès facile,
I. Notice sur les forêts du royaume de Roumanie-. Total des départements
valaques : 15,772 h.
sans être complètement dépourvus de bois, paraissent avoir été des
premiers occupés en Europe 1 ; l’activité humaine s y est d abord
manifestée et s’y manifeste encore surtout comme une activité
rurale.
Les trouvailles préhistoriques faites en Valachie ne laissent aucun
doute sur l’ancienneté des établissements humains 2, et témoignent
de relations avec des pays agricoles 3. P ar ses montagnes aux pâturages
d’accès relativement facile, ses plaines steppiques desséchees
en été, la Valachie se rattache, d’autre part, au cercle des contrées
méditerranéennes, où l’élevage et la transhumance sont des habitudes
invétérées. Les plus anciens documents que nous possédions
sur les habitants de ce pays nous les montrent comme des pasteurs
semi-nomades h L’élevage et la culture du sol, pratiquée a peu près
comme l’entend encore maintenant l’Arabe, telles furent, sans doute,
les premières formes de l’activité humaine en Valachie. Il est probable
que l’agriculture proprement dite s’est développée sous 1 influence
des colons gréco-romains, venus d’Asie-Mineure, de Grèce,
d’Illyrie, de Pannonie, et est devenue en faveur pendant les quelques
siècles de tranquillité assurés par l’empire hulgaro-roumain des
Assans. On a remarqué que bon nombre des mots du vocabulaire du
laboureur sont slaves.
Le lent peuplement des plaines de loess a, de plus en plus, fait de
la culture du sol une nécessité et un usage général. On assiste encore
actuellement à la transformation de *¥ung<urean, berger transhumant,
en un laboureur modèle, lorsqu’il s’établit dans un village
neuf du Bärägan ou du Buzeu.
I
L’élevage est cependant resté, même actuellement, une forme
iftrès importante de l’activité rurale. Le nombre des propriétaires
de bétail en Valachie représente les deux tiers du chiffre des chefs
• T.'Voir Ge a dm a n . Das mitteleuropäische Landschaftbild nach seiner geschichtlichen
Entwickelung, Geogr. Zeüschv., 1901, pp. 361 et sqq. ; cf. P e n c k . Deutschland,
p. Ml.
2. Trouvailles de l’âge de pierre à Severin, Vodastra, Petroçfla, Hunia mare,
■Craiova, Calafat,' Calomflresci, etc. Vodastra est la station la plus Importante.
Voir T o c il e s c u . Dacia înainte de Romani, pp. 780-793, résumant B o l l ia c .
3. Du moins les objets de bronze, voir T o c il e s c u , op. cit., pp. 848 et sq q .
4. Voir Tomasci-iek. Die alten Thraker, toc. .cit., pp. 111 et s.qq.