laquelle la vallée de la Topolni(a est sciée comme une rigole chargée
de recueillir les eaux. Des bosses s’élèvent çà et là comme des excroissances
parasites. La plus haute est celle du Godeanu (762m), dominant
de plus de 300 mètres le reste du plateau. Au loin vers le N., se
dessine la silhouette de Piatra Cloçanilor et les cimes déchiquetées
de la chaîne cristalline des monts de la Cerna. A droite, vers le S.,
on voit nettement le plateau s’abaisser brusquement et l’on devine
la vallée du Danube. Vers l’E., une longue crête, qui n’est autre que
le rebord des collines tertiaires commençant à Baïa de Arama,
ferme l’horizon. Sur tout ce plateau qui semble un marchepied gigantesque
pour gravir les cimes des Karpates, l’oeil cherche vainement
les villages. Des forêts forment çà et là des taches sombres, mais la
note claire des vergers, piqués de maisonnettes au toit fumant,
n’apparaît presque nulle part.
Si l’on descend vers la vallée de la Topolni^a, on peut vérifier
l’exactitude de la vue d’ensemble qu’on vient d’avoir. C’est une alternance
de profonds ravins, souvent même de véritables gorges et de
croupes arrondies, formant des dos plats toujours voisins de
500 mètres. Les villages sont rares, tapis dans les vallées, à flanc de
coteau, toujours à une certaine distance du lit de la riviere.
Le nom de H aut plateau de Mehedinpi, donne à cette région par
un géologue roumain, semble bien lui convenir. Formée essentiellement
de schistes cristallins plisses suivant une direction K.-K.-E.
S.-S.O., et dans lesquels se trouve pincée une traînée de calcaires
mésozoïques, allongée du N. au S., elle doit son individualité à un
affaissement qui s’est produit le long de failles parallèles au rebord
actuel des Karpates 1. De petits bassins tertiaires dont on trouve
les restes à Bahna, Topile, Eântânele et Balta 2, montrent qu’elle a
même été réduite avant le miocene a 1 état de plaine basse. L érosion
qui a raviné si profondément le plateau est due sans doute a un mouvement
d’exhaussement postérieur et à la formation de la vallee
danubienne. Elle semble encore être plus active dans la partie
méridionale où la Topolnij;a et la Bahna drainent toutes les eaux
vers le Danube, que dans la partie septentrionale ou la Cosu^tea les
entraîne vers l’E. au profit du Motru.
1. L Mbazec. Note sur la géologie de la partie S. du haut plateau de Mehedinti,
Bull. Soc. Sc. phys. Bue., 1896.
2. Sabba S t e f a n e sc u . Etude sur les terrains tertiaires de Roumanie.
Le N. de cette région est d’ailleurs à tous égards plus favorisé
que le S. La traînée calcaire s’y étale, formant un plateau encore en
grande partie couvert d’une belle forêt de chênes et de hêtres, crevé
de dolines, plein de grottes, de vallées sèches, de lacs périodiques.
Ponoare est célèbre par ses ponts naturels, ses cavernes, ses quatorze
iezeri (lacs) 1 (v. planche F). Le fond asséché des dolines où se rassemble
une bonne terre végétale est toujours occupé par un petit
champ ; au bord des plus grandes on trouve généralement un groupe
de maisons. C’est à ses nombreuses dolines que Ponoare doit son nom
(ponor = doline), et peut-être son existence.
A part ces régions calcaires, le haut plateau de Mehedinji est un
pays pauvre et dur à l’habitant. Le sol est maigre, pas de limon
comme dans la région des collines. Sur les flancs escarpés des vallees,
le ruissellement emporte la terre végétale. De grandes forêts de
chênes et de châtaigniers couvraient jadis toute cette contrée, imprudemment
déboisée. Les pluies sont très abondantes (Balta 956 m/m,
Baïa de Arama 1,106 m/m), et l’imperméabilité du sol, jointe à la
pente excessive des thalwegs, rend les crues redoutables. La Topol-
nija surtout et la Bahna sont connues pour des rivieres mauvaises.
Le climat est rude dans toute la région. Sur le plateau, les gelées
nocturnes commencent dès septembre et la neige tombe en octobre.
En automne et au printemps, le brouillard noye les vallées profondes
et ne se lève pas toujours dans l’après-midi. Le blé vient mal. La
population est misérable, les maisons mal bâties, sans air, souvent
groupées en petits hameaux de 100 à 200 habitants. La densité
moyenne atteint à peine 20 habitants par kilomètre carre. Pas un
seul centre important : dans le S. c’est Turnu Severin, qui est la
ville; dans le N., on est davantage attiré vers Baïa de Arama.
Le haut plateau de Mehedinfi est le coin le plus déshérité de
toute l’Olténie, comme la zone des dépressions subkarpatiques en est
le pays le plus riche. La moyenne est donnée par la région des
collines qui s’étend au S. jusqu’à Craïova et à l’E. jusqu’à l’Oltu.
1. Draghiceanu. Mehedinti, Si.nd.ii geologice, Bue., 1885. — Toula. Eine geologische
Reise in die Transsylvanischen Alpen, Ver. {. Verbr. Naturwlss. Kenntn.
Wien. — Mrazec, loe. eit., et d’autres ont célébré les merveilles de Ponoare.
Bonne photographie du pont naturel dans Toula.