absente de ces vastes plaines, où les maisons isolées sont à peu près
entièrement inconnues. De gros villages, comptant en moyenne
1,000 habitants et plus, se groupent au bord des vallées. On en trouve
encore presque entièrement formés de bo'rdei. C’est dans les départements
de Teleorman et de Ylaçca qu’on a la plus forte proportion
de ces curieuses habitations souterraines, creusées dans le limon,
et recouvertes d’une sorte de butte de branchages au toit incliné
(v. chap. XY I). Les maisons les plus confortables ont les murs en
pisé et sont couvertes de roseaux.
Même distribution de la population, mêmes types d’habitations
sur la Basse Terrasse d’Arges. L ’aspect général du pays ne diffère
pas sensiblement. Les belles vallées d’Argeç et Dâmbovija sont
bordées de gros villages. Le plateau limoneux, assez élevé, qui s’étend
entre l’Argeç et le Danube, est à peu près désert ; c’est presque déjà
le Bâràgan. Dans l’ensemble, c’est une région bien peuplée (54 habitants
par kilomètre carré), assez analogue à notre haute terrasse
d’Argeç, continuation de cette zone, si bien arrosée, si riche et si
fréquentée, qui traverse diagonalement la Yalachie, en suivant la
ligne de plus grande pente du sol, par laquelle les eaux ont toujours
été tentées de s’écouler de préférence.
Il suffit de passer l’Arges pour entrer dans un pays complètement
différent. L e B ârâgan est le type le plus parfait de ces régions déshéritées,
qui caractérisent les parties basses et situées à l’E. de la
terrasse diluviale. Toutes les conditions physiques étaient réunies
pour faire, du plateau compris entre la Jalomi(a et le Danube, une
véritable steppe. Au 1 le part la nappe de loess et de graviers diluviaux
n’est aussi épaisse. Le sondage de Mârculesti n a rencontre 1 argile
plastique qu’à 72 mètres de profondeur, soit à 37 mètres au-dessous
du niveau de la mer Aoire 1. Sur ce sol poreux, les précipitations
atmosphériques ne laissent tomber qu’une couche d eau, dont 1 épaisseur
est inférieure à 500 m/m. peut-être même à 400 m/m 2. La nappe
aquifère s’arrête à 20 mètres au-dessous de la surface du sol;
pour l’amener au jour, il faut des puits coûteux et qui, tout entiers
creusés dans le loess, se bouchent rapidem ent2. Les arbres ne peuvent
enfoncer leurs racines jusqu’à de pareilles profondeurs. Le vent terrible
qui se déchaîne sur ces plaines, soulevant, en hiver, des tempetes
1. A limanesteanu. Sondagiul din Bârâgan.
2. Calaraçi, 469 "/“ ; Ciulnila, 455 ”/“• Pas de station à la surface du plateau.
3. A limanesteanu, op. cit.
de neige, et, en été, des ouragans de poussière, se charge, d’ailleurs,
de les mutiler et de leur rendre l’existence impossible. Seules les
plantes de steppe peuvent prospérer : grandes graminées, qui
poussent aux premières pluies de printemps, plantes à bulbe, qui
crèvent le sol, feuillent et fleurissent en quelques mois, composées
et dipsacées aux hautes tiges, aux feuilles étroites, épineuses ou
duveteuses, capables de braver la sécheresse.
Telle était encore, il y a quelques années, la seule végétation du
Bârâgan. E n hiver, des bandes de loups affamés parcouraient la
solitude, couverte d’un tapis de neige, terreur des bergers transhumants
qui paissaient leurs troupeaux près du Danube, ou du voyageur
obligé de traverser ce désert. E n été, la fumée lointaine d’un
campement de tziganes, était la seule trace de la présence de
l’homme ; on pouvait voir les lièvres, les putois, bondir et s’enfuir
au milieu des herbes ; les troupes de corbeaux, de perdrix, de râles
de genêts, s’élever et s’abattre à chaque instant ; dans les fourrés de
chardons, on trouvait des hérissons, et la curieuse silhouette de la
grande outarde (Otis tarda, en roumain drop) était aussi commune,
en chaque saison, que les vols de cigogne au printemps.
Depuis la construction de la voie ferrée Bucarest-Cernavoda, les
choses ont un peu changé. On a reconnu la merveilleuse fertilité de
la terre noire, qui recouvre partout le loess. Si les essais faits pour
amener à la surface des eaux artésiennes, venant des Karpates, n’ont
pas réussi, ils ont montré l’existence d’une nappe aquifère profonde
très abondante. Partout où Ton a foré des puits dans de bonnes conditions,
la population a pu se grouper, et, tout autour, de vastes espaces
ont été défrichés. Ces villages neufs, de. formation artificielle, en
grande partie peuplés par des habitants de la montagne, souvent
même par des Transylvains, se reconnaissent autant à leurs noms
pompeux, évoquant les gloires nationales, qu’à leurs rues régulières,
larges, plantées d’acacias, bordées de maisons souvent assez bien
construites XJ Leur approche se révèle par des champs labourés, montrant,
en automne, leur terre noire, en été, leurs panaches de maïs
et leurs blés dorés.
Mais ces établissements sont encore peu nombreux. La population
totale du Bârâgan (en dehors de la Mostistea), n’est que de
25,000 habitants, ce qui donne une densité moyenne de 6 à 7 habi-
1. Ma no lescu . Igiena [.ëranului român.