Les contrastes entre la Yalachie orientale qu’aucune barrière
physique ne sépare de la Moldavie, et la Yalachie occidentale, qui,
malgré les Karpates, a les affinités les plus évidentes avec le Banat,
sont marqués par les termes connus dans toute l’Europe de grande
et petite Valachie, et par les désignations populaires de Munténie
et Olténie, dont le sens prim itif très clair a été obscurci dans la
littérature roumaine par l’aversion des Roumains pour le nom de
Yalacbie. Ils ont leur corollaire dans les destinées longtemps
différentes de ces deux pays, l’un fortement occupé par les Romains,
et colonisé en même temps que le Banat ; l’autre plus négligé, abandonné
probablement à peu près complètement par la population
romanisée au moment des invasions et resté, avec ses steppes inhabitées,
livré aux bordes barbares pendant plusieurs siècles. L’Ol-
ténie, peuplée de Roumains depuis un temps reculé, siège du premier
état valaque dont Severin était la capitale (XIe siècle), centre de la
résistance à l’invasion tartare (X IIIe siècle), reste toujours un peu
à part de la Munténie et n’oublie jamais ses relations avec le Banat.
Les Hongrois réussissent presque à mettre la main dessus
(X IIIe siècle) et dans ses luttes avec les Turcs, l’Autricbe la leur
arrache pour l’annexer aux pays banatiques (X Y III6 siècle). La
Munténie livrée longtemps aux barbares, et où l’élément roumain
venu de Transylvanie s’implante d’abord dans la montagne, au voisinage
des cols de la région de la Prabova, tend toujours à s’agrandir
vers l’E., du côté de la Moldavie, et des luttes incessantes se produisent
vers la frontière indécise de ces deux provinces.
L’évolution historique a fini par faire ressortir les affinités de
la Munténie et de l’Olténie entre elles, plus grandes, malgré: tout,
que celles qu’elles peuvent avoir avec aucun des pays voisins. La
Yalacbie, devenue déjà depuis quelque temps une unité politique
assez stable, a vu dans la dernière moitié du X IX e siècle, son sort
changer encore une fois par l’union avec la Moldavie. De cette fusion
de deux provinces, que rapprochaient la géographie physique autant
que l’ethnographie, est née la principauté de Roumanie, bientôt
changée en royaume et agrandie de la Dobrodgea. Si la Yalachie
y a perdu son individualité politique, sa situation économique, matérielle
et morale y a tellement gagné qu’elle est devenue presque un
pays nouveau.
Tous les progrès accomplis ailleurs en plus d’un siècle ont été en
grande partie réalisés ici en vingt ou trente ans. Cette brusque
poussée de sève, due à une tranquillité inconnue depuis longtemps,
autant qu’aux ressources jusque-là inutilisées du sol et des hommes,
n’a pas été sans quelque désordre et n’a pas toujours donné les
meilleurs résultats ; elle ne pouvait manquer d’opérer souvent des
changements plus superficiels que profonds. On ne saurait pourtant
s’empêcher d’admirer sa vigueur et d’y voir une confirmation éclatante
de ce principe général de la géographie politique, d’après
lequel toute augmentation de territoire augmente la valeur de
chaque partie du sol, en rendant plus étroits les liens de l’homme
avec lui.
La Yalachie est actuellement de toutes les provinces balkaniques,
celle où le réseau des voies de communication, et particulièrement
des chemins de fer, est le plus développé, celle qui compte le plus
de grandes villes, la seule qui puisse en citer une de plus de
200,000 âmes. L’aspect moderne des ports danubiens, le caractère
occidental des quartiers centraux de Bucarest, frappent le voyageur
venant de Turquie ou de Bulgarie, qui se voit déjà aux portes de la
vieille Europe. Si la campagne lui réserve quelques surprises, on ne
peut cependant oublier quels progrès y ont été réalisés. Les plaines
steppiques du Bârâgan et du Buzeu, à peu près complètement
désertes il y a cinquante ans, se peuplent de jour en jour et deviennent
des terres livrées à la grande culture. On y voit disparaître les
misérables habitations de troglodytes creusées dans le limon ; certains
villages construits depuis peu y ont assez bon air. Si les efforts
tentés pour améliorèr la condition du paysan, n ’ont pas toujours
donné ce qu’on en attendait, on ne peut nier qu’une amélioration
sensible ait ete réalisée. L ’instruction primaire diminue de plus en
plus le nombre des illettrés.
Partie d’un tout politique plus vaste, la Yalachie voit son sort
économique lié à celui des provinces auxquelles elles se rattache,
aux conditions d’échange avec les pays voisins, communes à tout
l’ensemble du pays. Elle reste un pays agricole, de plus en plus
porté à se faire exportateur de céréales ; mais des expériences douloureuses
commencent à faire comprendre la nécessité de revenir
à des formes d’exploitation rurale un peu négligées : l’élevage et la
culture forestière. Grâce aux richesses du sous-sol en sel et en pétrole,
l’industrie s’éveille avec l’aide des capitaux étrangers.
Non seulement la Yalachie a gagné à entrer dans un tout politique
plus vaste, mais elle semble etre devenue la tête de cet organisme