racines de sa langue sont slaves ou turques 1J quand à peu près toute
sa toponymie est slave ou maghiare 2, quand son pays a vu passer,
pendant tout le Moyen-Age et une partie des temps modernes, un
flot presque continu d’envahisseurs des races les plus diverses.
Dire exactement ce que représente la race roumaine est une chose
aussi difficile que de définir n ’importe quelle race de notre occident
latin. Nous touchons ici à une des questions les plus embrouillées
peut-être par les préjugés, les passions politiques, et l’insuffisance
de documentation, qu’il soit possible de rencontrer. Essayer de la
préciser et d’en montrer la véritable signification est tout ce que
nous pouvons tenter, sans avoir la prétention de la résoudre ; car
c’est tout à la fois une question anthropologique, historique et philologique,
en même temps qu’un problème ethnographique.
Existe-t-il un type physique du Roumain ? Enlevez le costume
national, l’anthropologue le plus habile saura-t-il reconnaître le
Yalaque, du Bulgare^ du Hongrois, du petit Russe ? Il est permis
d en douter. On trouve en Valachie comme partout, des physionomies
complètement différentes. Le type le plus fréquent est de stature
plutôt élevée, les épaules larges, les jambes relativement courtes,
les cheveux noirs ou foncés, le crâne sphérique, les traits réguliers,
avec une coupe de figure plutôt ronde qu’ovale, les yeux gris
ou bruns, le front bombé, le nez droit et ferme. La démarche» est
lente et digne, mais le regard très vif, et le geste prompt comme
l’éclair lorsqu’il en est besoin. Les enfants, les jeunes femmes et les
jeunes hommes ont parfois des visages d’une beauté calme, qui attire
l’attention. Ce type est assez général dans la région des collines,
mais dans la montagne on rencontre assez souvent des figures aux
pommettes saillantes, un port plus raide, une taille beaucoup plus
1. C’est à H açd etj (Sur les éléments turcs dans la langue roumaine, Bue., 1886)
et S a in e a n u Elemente turcesci în liraba româna (B ue., 1885), qu’on doit surtout la
connaissance des éléments turcs de la langue roumaine. Cf. S a in e a n u . Istoria
iiiologiei române, Bue., 1892, pp. 3.09-310. — T h e o p h il L ô b e l. Elemente lurceçti,
arabesti | i persane în limba româna, Leipzig, 1894. — L’oeuvre la plus complète
et la plus méritoire, malgré de graves défauts, sur les éléments étrangers de la
langue roumaine et particulièrement sur les éléments slaves, est le Dictionnaire
d’étymologie daeo-roumaine de A. d e C ih ac, 2" partie, Francfort, 1879. L’auteur
reconnaît 500 radicaux latins, 1,000 slaves, 300 turcs, 180 grecs, 500 maghiars et
albanais. Quelle que soit l ’exagération en faveur des slavismes et des maghia-
rismes, on ne peut douter que la part des radicaux latins soit inférièure à 40 %.
2. Les études sur la toponymie roumaine sont malheureusement encore peu
nombreuses.'Voir H a çd eu . Etymologicum magnum. — D an. Die toponymia româ-
nesca, Conv. litterare, 1896. — T om asch ek . Zur Kunde der Ilâmus Halbinsel.
petite. Dans la plaine et dans certaines parties des collines, on
trouve des cheveux blonds, châtains, la taille est quelquefois très
réduite, parfois très élancée avec les épaules fuyantes. Dans les
grandes villes et surtout le long du Danube, des familles roumaines
de sentiment, de langue et de passé, ont nettement le type grec.
L a conscription, qui a fourni dans un certain nombre d’états européens
l’occasion d’études anthropologiques sérieuses, pourrait en
Roumanie rendre de grands services, mais il faudrait ne pas se
contenter de mesurer la taille et le tour de poitrine. D’après les
données publiées jusqu’à présent la taille moyenne pour toute la
Roumanie est de l m60, la capacité thoracique de 85 c/m 1/2. Les tailles
plus élevées se trouvent en général surtout en Olténie et dans les
collines de Munténie 1. On regrette vivement l’absence d’observations
sur la couleur des cheveux et des yeux et de mesures cranio-
logiques. Il semble qu’en général la brachycéphalie et le type brun
soient prédominants en Yalachie 2. Ces données sont insuffisantes
pour apprécier les affinités anthropologiques du Yalaque.
Si l’on manque de documents pour étudier la question roumaine
au point de vue anthropologique, on est, en quelque sorte, écrasé par
l’abondance des publications qui l’envisagent au point de vue historique
et philologique 3. Depuis vingt ans surtout, il ne se passe
guère d’année où l’on ne voie éclore un travail important, accompagné
du cortège habituel de comptes rendus critiques et d’articles
de polémique.
1. I. F e ltx . Geografia medicalâ a Romaniei, Bul. Soc. Geogr. Rom., XVIII,
3, 1897, pp. 15-109, sp. p. 53, d’après la Siatistica médicale a recrutatiunei, publiée
tous les ans à partir de 1888.
2. Les 31 crânes valaques étudiés par K o p ee n ic k i (manuscrit utilisé par Gius.
N ic o lu c c i. Anthropologia del Lazio, Roma 1873) ne peuvent être considérés comme
suffisants pour caractériser la forme moyenne du crâne, roumain. Kopernicki
avait reconnu deux types, un sous-brachycéphale autochtone (î), un dolicocéphale
étranger. Quant aux mesures de W e is s b a c h (Die Schädelform der Rumänen
Denkschr. d. K. Ak. d. Wiss. Wien, 1869), elles ont porté sur des Roumains transylvains.
Il les a trouvés en grande majorité assez fortement brachycéphales. —
F e lix croit que le type brachycéphalé brun domine en Roumanie. C’est aussi
l ’opinion de O b e d e n a ru , article Roumains, in D e c h am b re , Sc. médicales.-— Diction, encyclop. des
3. On trouvera dans S a in e a n u . Istoria fiiologiei române, pp. 393-401, une bibliographie
très complète, à laquelle il faut ajouter. : D isesco. Origines du Droit roumain,
tr. fr., Paris, 1899. — H a çd eu .. Negru Vodâ, introduction au tome IV de
Etymologicum Magnum, Bue., 1898. — D an. Din toponimia românesca, Convorb.
litter., 1896, pp. 305 et sqq. etc.