IV
Les eaux s’écoulant par le défilé des Portes de Fer trouvaient, en
effet, dès le début de l’époque diluviale, un chenal tout tracé et déjà
assez large à partir du confluent du Tiu et de l’ancienne Cerna. Ce
chenal n’avait probablement pas la position exacte du Danube actuel ;
il était situé un peu plus au N., car c’est le long de la faille de Griurgiu
que la circulation des eaux avait commencé à s’établir. Le recul du
fleuve vers le S. a été attribué en partie aux vents qui soufflent surtout
du ÎN. et N.-E., soulevant des vagues capables de faire chavirer
les petites embarcations 1, en partie à la poussée et à l’alluvionnement
des rivières valaques, bien plus vigoureuses que les affluents bulgares
2. Cette dernière explication concorderait avec celle qu’on reconnaît
généralement comme la plus vraisemblable pour la Theiss et
le Danube hongrois 3, et semble plus près de la vérité que l’hypothétique
loi de Baer, invoquée par Peters et Suess 4.
Quoi qu’il en soit, si l’on remarque que le rehord de la falaise de
loess valaque est constamment plus élevé que le plateau situé plus
au Ni, on sera porté à admettre facilement que le Danube, au début
de la période diluviale, pouvait avoir un cours légèrement plus septentrional
que maintenant. Au moment de l’ère steppique, qui succéda
à la période glaciaire, le débit des fleuves se trouva considérablement
diminué ; le loess, comblant toutes les inégalités du sol, a fait
disparaître en grande partie cet ancien tracé. C’est avec la seconde
période que l’érosion recommença, et que fut creusé, dans le loess,
le lit actuel. L’équilibre fut vite atteint, et l’état de choses actuel, où
le creusement est moins actif que la sédimentation, date, sans doute,
de bien loin déjà, dans toute la partie du cours qui s’étend en aval de
Griurgiu.
E ntre Bistre fu et Griurgiu, on a pu voir se poursuivre encore
quelque temps l’oeuvre de déblaiement qui s’accomplit actuellement
sous nos yeux, plus près des Portes de Fer. Maintenant, cette section
1. L. Mrazec. Quelques remarques sur le cours des rivières, loc. cit.
2. Supan. Grundzüge der physischen Erdkunde, 1896, p . 530. — L. M ra z ec , op. cit.
3. H a la v a ts. Die geologischen Verhältnisse des Alföld zwischen Donau und
Theiss, Mitt, a. d. Jahrb. d. K. Ung. Geol. Anst., XI, 1897.
4. Peters. Die Donau, p. 351. — Suess. Ueher den Lauf der Donau, Oesterr. Rev.,
1863, p. 262, cité par M razec, op. cit.
du bas Danube ressemble au cours moyen d’un grand fleuve, où
l’érosion et l’accumulation s’équilibrent à peu près. A Bistreju, à
Potelu, on observe le recul du fleuve vers le S., abandonnant un bras
plus septentrional. Plus loin, à Corabia et Sistovo, c’est, au contraire,
une boucle méridionale qui a été abandonnée. Le balancement du
courant fluvial continue, mais les suites en sont légèrement différentes
de celles qu’on remarquait plus haut. Le hras abandonné, au
lieu de se dessécher progressivement, se change en lagune allongée
plus ou moins en forme de croissant. L ’île devient un marécage que
les hautes eaux envahissent presque entièrement. C’est que 1a- puissante
érosion qui agissait plus en amont commence à s’engourdir.
La pente, qui était de 55 millimètres par kilomètre de Severin à
Calafat, n’est plus que de 40 entre Calafat et Bechetu, et tombe
à 37 de Bechetu à Turnu Màgurele 1.
Le fleuve large de 880 mètres à Cetatea, 745 mètres à Calafat, de
plus de 1 kilomètre à Bistreju et Corabia, est semé d’îles basses et
de bancs de sable allongés qui se déplacent constamment. L ’oeil
cherche en vain les hauteurs qui, près de Severinu, dominaient
le fleuve, m aintenant encadré entre des berges limoneuses de
quelques mètres. La forêt de saules s’étend à perte de vue sur les
îles, cachant tout. L ’embouchure des fleuves roumains disparaît, indiscernable
dans ce fouillis d’îles et de bras fluviaux. Celle du Jiu
passe complètement inaperçue. Celle de l’Oltu s’entrevoit, large de
100 à 150 mètres, à demi obstruée par des atterrissements sableux
à fleur d’eau, que cercle un cordon blanc de petites vagues, déferlant
sous le souffle du vent. Presque toutes les rivières ont une tendance
, 1. Le tableau suivant, établi d’après les indications du Service hydrologique
du Ministère des Travaux publics, à Bucarest, donne les principaux éléments
morphologiques pour le Danube valaque.
Distance hNaiuvteeasu e adu.exs hPaeuntetes aeuaxu x dNe ilv’éetaiuag e à Pl’eéntitaeg e Pmroaxfoimnduemur Largeur
Vârciorova...... km. m. m. m. m. m.
19 Turnu-Se vérin . . 42,37
cco o •
7,20' 575
Calafat................ 136 • 0,0613 0,0554 34^035 26,185 8,27 745
Bechet................ 116 0,0467 0,0407 28,61 21,363 7,70 675
Turnu Màgurele. 82 0,0343 O',0374 25,79 18,305 12,10 718
Giurgiu............... 108 0,0458 0,047 20,84 13,22 4,0 732 124 0,0482 0,0508 C alaraçi . . . . . . . . 14,85 - 6,906 (3,1) Bräila................... 195 0,0352 0,0298 8,02 1,076 19,85 409