on compte sept espèces, toutes de très grande taille. Les plus communes
sont le Morun (Acipenser Huso), qui donne le caviar de
première qualité et atteint jusqu’à 6 mètres de long, le Nisetru (A cipenser
Güldenstâtti), et le sterlet du Volga (Cega = Acypenser Ru-
thenus), étranges animaux au museau allongé, au corps couvert de
plaques osseuses et piquantes.
La vie de tout ce monde de poissons est en rapport avec les saisons
et les variations de régime du fleuve. C’est au printemps, avec
les premières hautes eaux, que les troupes de grands esturgeons
remontent le Danube, où on les voyait apparaître jadis jusqu’à Budapest,
quelques-uns jusqu’à Vienne et Linz 1. C’est à l’automne, entre
août et décembre, qu’ils redescendent vers la, mer Noire, fuyant les
basses eaux qui séparent les bras et lacs latéraux du courant principal.
On ne les trouve en effet qu’en eau profonde, sauf au moment
des grandes crues ; le principal artifice du pêcheur consiste justement
à empêcher les retardataires de regagner le fleuve, en barrant les
petits canaux. Les étangs marécageux, encombrés de roseaux géants,
sont au contraire le séjour préféré des carpes, brèmes, tanches,
comme aussi des silures et des brochets, ces terribles carnassiers,
qui viennent y déposer leurs oeufs aux hautes eaux, et y trouvent
encore leur vie jusqu’en hiver.
C’est là aussi qu’est le rendez-vous des animaux qui se nourrissent
de poissons, de vers ou de mollusques, habitant la vase des marais.
Là se glissent, entre les touffes de roseau, les rats d’eau et les loutres,
là tourbillonnent dans l’air les vols d’oiseaux pêcheurs, cormorans,
mouettes, et planent les flamands, les hérons, les râles d’eau.
Le monde des oiseaux est peut-être ce qui attire le plus l’attention
dans la Balta. C’est un fait constant que partout où l’homme est
absent, la faune ornithologique offre une variété et une richesse
qu’elle n ’atteint nulle part ailleurs. Le catalogue complet des espèces
qui peuplent la Balta 2 présenterait l’assemblage le plus hétéroclite,
tant au point de vue systématique qu’au point de vue biologique :
rapaces et passereaux, colombins et gallinacés, échassiers et palmi-
1. M ojsisovics v o n M ojsvab. Das Thierleben des ôsterr. ungar. Tiefebenen, p. 35.
2 . Voir Mémoire su r les oiseaux observés par le comte A llé o n , dans la Dobroudja
et la Bulgarie, Constantinople, 1884. Catalogue extrait in L ich erd o p o l, Bucuresci,
pp. 73-76. Ci. Comes M a rsig li. Danubius pannonico-mysicus, t. V, f” (superbes,
planches gravées donnant des représentations assez exactes des principales espèces
danubiennes). Je dois en outre des renseignements inédits à l’obligeance de M. An-
tipa.
pedes, pecheurs et herbivores, oiseaux aquatiques et forestiers, habitants
des contrées septentrionales et hôtes des neennes. contrées méditerra-
On ne compte pas moins de 26 espèces de canards, dont les plus
curieuses sont Tadorna cornuta, le Caliîar, à la poitrine rouge, et
/ . casarca, au plumage tout blanc, sauf les ailes, noires, et la poitrine,
rayée d’une bande rouge. Les corbeaux sont moins variés,
mais encore plus nombreux. C’est une véritable obsession sur la
Balta, que les croassements des bandes de Corvus pica; aux basses
eaux, on les voit partout fort occupés à dévorer les cadavres des
poissons a demi-pourris, qui forment sur la berge des canaux un
cordon puant. Les pluviers ont 10 espèces; les hérons aux longues
pattes frêles, au plumage tantôt blanc, tantôt cendré, offrent autant
e variétés, les unes petites, les autres atteignant jusqu’à un mètre
(Ardea cznerea), celles-ci portant l’aigrette si recherchée, celles-là
ornees de quelques plumes seulement. Deux sont spéciales au bas
Danube : A. garzetta et A. aigretta.
Mais, ce qui donne peut-être le caractère le plus original à cette
taune, ce sont des espèces inconnues ou disparues presque partout en
Europe : cygnes sauvages, qui vivent en troupes sur les lacs et les
bras morts; flamands au long cou recourbé, aux pattes et au ventre
roses (Phemeopterus roseus), qui volent par groupes de trois ou
quatre; spatules au bec aplati en forme de cuiller, tous pêcheurs ou
fouisseurs de vases; et surtout les pélicans, dont on compte trois
especes, terribles mangeurs de poissons dont la taille va jusqu’à
un metre, avec un bec long de 40 centimètres, auquel pend le goître.
bi 1 on ajoute des légions de petits oiseaux : merles, mésanges, roitelets,
bruands, etc., sans oublier les grands fauves, aigles et vautours,
qui planent et s’abattent par moments sur la Balta, on aura
une idée de l’étonnante variété de cette faune.
Tout ce monde s’agite et se déplace constamment, suivant la saison
et le moment. La physionomie de cette triste et monotone région
en est complètement modifiée. C’est, paraît-il, un enchantement que
de parcourir au printemps, un peu avant les grandes eaux, les
canaux récemment dégelés, où, dans les jeunes Rousses des saules,
éclatent de tous côtés les chants des mésanges, des merles et des
rossignols. Bientôt les troupes de grues font leur apparition, avec
les spatules, les flamands aux ailes roses, les hérons à aigrette; le
vautour, plane et s’abat sur la proie nouvelle. A l’automne recom