boutique et atelier, ou d’ouvriers qui forment une sorte de caste à
part.
C’est encore un des caractères curieux de l’industrie rurale spontanée
en Valachie. Ceux qui s’y adonnent exclusivement sont en
quelque sorte en dehors de la société. Le plus souvent ce sont des
tziganes, à demi nomades. Le chaudronnier qui confectionne et
répare la câldare, le chaudron en enivre indispensable pour cuire la
m am aliga, ambition de tout jeune ménage; le charron qui remet en
état la cdruta souvent disloquée par les cahots; le forgeron qui ferre
les chevaux et les vaches de labour sont presque tous des bohémiens.
Le paysan construit lui-même sa maison sur le modèle de la maison
voisine mais là où la pierre est mise en usage pour édifier une école,
une auberge, ou pour faire le rez-de-chaussée de la maison d’un
riche villageois, c’est le tzigane qui sera le maçon. On retrouve à
Bucarest dans les quartiers extérieurs, ces équipes au teiut bronzé,
les pieds nns, vêtus de haillons, les femmes gâchant et transportant
le mortier, une vieille pipe au coin de la bouche.
I I
Pour avoir une idée assez exacte des conditions économiques de la
Valachie il y a trente ans, il suffirait d’arrêter ici ce tableau de son
activité industrielle. Les changements importants survenus depuis
n ’en ont cependant pas encore fait disparaître les traits essentiels.
Si l’on considère comme une loi que le développement de la grande
industrie est lié à la présence de richesses minières, on devra avouer
que la Valachie n’est pas naturellement destinée à devenir une région
industrielle.
Les voyageurs qui traversaient au siècle dernier les provinces
danubiennes parlent souvent des richesses du sol : l’or, l’argent, le
enivre, s’y trouveraient en abondance 1. En réalité, l’or était recuelli
par les tziganes dans les alluvions des torrents descendant des K arpates.
Comme dans les Alpes, comme en Bohême, cette exploitation
primitive a dû cesser à peu près complètement. La terrasse d’alluvions
aurifères de Gemenea et Candesti 2, les minéraux de la région
1. Notamment De Ba u eb . Mémoires sur la Valachie, Francfort, 1778. — De -
m id o f f . Voyage du prince D... en 1837, Paris, 1840, etc. Voir ces divers témoignages
réunis par La h o v a ei. Oltul, pp. 11 et sqq.
2. P o fo v ic i-H a tzeg. Etude géologique des environs de Sinaïa, p. 199.
de l’Oltu et du Lotru, qui traités chimiquement ont donné une teneur
en or assez importante lJ permettront-ils de reprendre l’exploitation F
c’est ce dont il est permis de douter. Le fer et le cuivre ont certainement
été extraits autrefois des calcaires secondaires traversés
de filons minéralisés, comme le prouvent les noms de Baïa de fer,
Baïa de Arama, et les traces d’exploitation encore visibles à cette
dernière localité.
L’anthracite de Schéla dans les monts du Vnlcan 2, les lignites de
Margineanca (dép. Dâmbovija) qui donnent plus de 10.000 tonnes
par an, celles de Filipesci de Pâdure (Prahova), de Brânduçu et
Piscu eu Braz 3, paraissent être des combustibles d’une réelle valeur,
mais s’il est possible qu’on découvre de nouveaux gisements de
lignite tertiaire, il est peu vraisemblable qu’on trouve jamais de quoi
soutenir l’industrie locale sans l’apport de houilles étrangères.
Il en est un peu de même pour les matériaux de construction. A
part les belles carrières de grès de Gura Vâi, découvertes par Hun-
tinger en 1881 4 et les lentilles de calcaire cristallin de la vallée de
l’O ltu 5, on ne trouve guère en Valachie de roches assez bien litées
et assez solides pour se prêter à une exploitation systématique. Le
paysan cependant attaque un peu partout le sol. Il n’est pas de lit de
torrent d’où l’on ne tire ou n’ait tiré des cailloux et du sable, pas
d’escarpement rocheux qui n’ait fourni quelques mauvais moellons.
Chacun ouvre et abandonne l’exploitation suivant ses besoins 6 et
malgré la loi de 1895 qui a cherché à réglementer les conditions
d’extraction, il est encore difficile de se rendre compte exactement
de l’état des choses.
Les monts du Bucegiu où les calcaires secondaires affleurent largement
et où la population s’avance plus loin que partout ailleurs
à l’intérieur de la montagne, abondent en fours à chaux et en petites
1. C. A limanesteanu. Le sous-sol de la Roumanie, pp. 20-21.
2. L. Mrazec. Ueber die A n Ihracilbildungen des S. Abhanges der Südkarpaten,
A k.W iss. Wien, 19 déo. 1895. — A. de S aligny. Sur l’anthraoite de Skéla.
3. A i.imanesteanu. Combustibili minerali în România, 1896. — P uçcaru et F iliti. Statistica industriel miniere din fara afarâ de cariere, Servlciul Minelor, Bue.,
1899.
4. Statistica carierelór din tara, Bull. Min. Agric. Supplément, 1898, p. 22.
5. Ces lentilles ont été découvertes et mises en exploitation tout récemment lors
de la construction de la voie ferrée, encore inachevée.
6. Statistica carierelor, p. 21.