longues files, traînées par de petits remorqueurs, y déchargent leurs
grains, embarqués, pour l’exportation, sur de grands navires, livrés
aux minoteries, ou emmagasinés dans les élévateurs. E n comptant
son faubourg d’Islazu, la population de Brüila atteint presque
70,000 habitants, dépassant même sa rivale, Galajii, qui reste plus
spécialement l’entrepôt du commerce de la Moldavie. .
La position et l’importance relative des villes danubiennes s’explique
aussi facilement que celle des villes subkarpatiques. Il n’en
est pas de même pour les villes de plaine, comme Craïova et Bucarest,
dont la fortune a éclipsé les anciennes métropoles : Târgoviste,
liâmnic, Câmpullung, Severinu.
Ici, la nature semble indifférente au choix de l’emplacement d’une
cité. Tout dépend des routes que suit le commerce, par suite d’habitudes
invétérées dont la raison n’est pas toujours aisée à découvrir.
Longtemps, il semble avoir évité les plaines steppiques de la basse
Munténie, ce terrible désert des Gètes rsrwv èi.nuia, dont parlent
déjà les Grecs f, qui attira, dès les premiers siècles de notre ère, les
barbares nomades, et resta longtemps une solitude parcourue par
les bandes des Petchénègues et des Coumans. E n Munténie, les
seules traces romaines connues sont dans la région des collines et
sur le bord du Danube 2. On considère comme probable l’existence
d’une voie partant dé Flamânda pour gagner Roçdori de Yede
(Sorium), et, de là, aboutir à la région des collines de Dâmbovita 3.
La route de la vallée de l’Oltu est mieux connue, et c’était certainement
la grande voie de la Yalachie. La route de Severin, par les
vallées du Jiu et du Motru, et la route du Yulcan. sont plus problématiques.
Ce qui- semble certain, c’est que la circulation se faisait
beaucoup plus dans le sens transversal, du N. au S., que dans le
sens longitudinal, de l’E. à l’O.
L ’ébauche du réseau de routes, que l’on trouve au X IX e siècle,
et dont les voies ferrées actuelles ont suivi à peu près exactement
le tracé, date de plus tard. Il a trouvé des points d’attache forcés
dans les villes danubiennes d’une part, et les marchés de la bordure
karpatique de l’autre. La première route, allant de l’O. à l’E., en
partant de Severin, ne pouvait suivre un autre chemin pour tra1.
Pausanlas, I, 9, 5. — Strabon, VII, 3,14.
2. Camp de Zimnicea, Poteries de Roçïori de Vede (Bolliacïn T o cilescu , op. cit.).
Briques avec inscriptions de Drajna de sus.
3. Tocilescu. Istoria Româna.
verser la zone montueuse de l’Olténie, que la vallée du Motru, et elle
avait avantage à longer le rebord du plateau tertiaire pour venir
passer l’Oltu en face de Slatina. Slatina et Craïova devenaient ainsi
des étapes forcées, carrefours des routes de l’Oltu et du Yulcan avec
la grande route de Severin. Si la tradition qui montre la capitale de
l’Olténie se déplaçant successivement de Severin à Strehaïa et de
Strehaïa à Craïova est exacte, on doit penser que la route du Motru
est la plus ancienne voie longitudinale en Yalachie.
Les routes E.-O., en Munténie, se sont développées plus tard. Dans
ces grandes plaines, le cheval ou la charrette suivent à leur loisir la
piste tracée. On voit encore maintenant le paysan du Bàrâgan ou
du Buzeu éviter, comme à plaisir, la grande route tracée avec soin
et bordée de fossés, pour conduire sa caruja par une piste qui la
longe dans le champ voisin. Les raisons de la position et de la fortune
de Bucarest sont difficiles à trouver. C’est la seule grande ville de
toute la région des plaines de Munténie ; située à la lisière du B â-
râgan, dans un endroit malsain, elle est complètement en dehors du
réseau des routes naturelles qui s’infléchissaient vers le X. pour
gagner la région toujours assez peuplée des collines tertiaires collées
à la haute montagne.
On ne doit cependant pas oublier que Bucarest occupe le centre
d’une région relativement très peuplée. De Târgoviste à G iurgiu et
Oltenija, s’étend une zone où l’hydrographie paraît avoir été, de
tout temps, plus riche, et qui offre encore un réseau de vallées anastomosées,
m ultipliant les points d’eau, dans une région aride partout
ailleurs. C’est par là que devait descendre forcément iine population
venant de la montagne, et c’est'là qu’elle devait s’établir d’abord,
soit qu’elle descendît par la vallée de l’Arge^, par celle de la Dâm-
bovita, de la Jalom ija ou de la Prahova, qui toutes semblent converger
vers cette sorte de Mésopotamie valaque. Il y a là, non pas
une route, mais une zone de mouvement des populations, qui, d’ailleurs,
représente le chemin le plus court des passages danubiens de
Calara^i et Giurgiu aux cols les plus fréquentés des Karpates. Bucarest
est une de ces villes de plaine qui naissent, sans qu’aucune
raison naturelle détermine d’une façon précise leur emplacement,
au sein d’un groupe de populations assez dense, nar la fusion d’un
certain nombre de petits villages très rapprochés. Qu’un homme
d’E tat en fasse sa capitale, le mouvement de concentration s’accentue
; les voies de commerce sont attirées par la métropole ; elles