Y H I
A l’E. de la Praliova commence une région montagneuse qui n’a
pas d’analogue en Yalachie, et qui présente tous les caractères des
Karpates tels qu’on les trouve en Moldavie. Plus de sommets dépassant
2,000 mètres. Un observateur placé assez haut pour embrasser
d'un coup d’oeil toute la chaîne, ne verrait qu’un dédale de crêtes
aux formes émoussées, atteignant toutes à peu près la même altitude.
Quelques massifs font saillie, d’autant plus remarquables qu’ils sont
isolés : Csukas, Tataru, Sireu, Penteleu. Ils se ressemblent tous : ce
sont des crêtes formées par les bancs de conglomérats cénomaniens,
très escarpées du côté où l’érosion attaque les couches par la tranche,
plus abordables sur le versant qui suit la pente des couches (v.
planche G).
Le paysan n’a de nom d’ensemble pour aucun de ces petits massifs,
l’aspect de chaque sommet diffère complètement suivant le point
d’où on le regarde et la nomenclature est riche en doublets. Le
Csukas est connu du Yalaque sous les noms de Tigaile et Cura Roçn.
Les escarpements qui dominent en amphithéâtre la haute vallée de
Teleajna, où se cache le monastère de Cheïa, ne se retrouvent pas en
effet du côté transylvain. Là, s’étale un plateau de 1,600 mètres que
le sommet appelé Csukas surmonte de ses pyramides aux formes
fantastiques (1,957 m). Vu du Sireu, le massif prend encore un autre
aspect : déchiqueté par l’érosion des affluents du Buzeu, il semble
une ruine. C’est Piatra Zsgan.
De même le massif du Sireu où les couches pendent vers le K.-O.
s’abaisse par de brusques escarpements sur la vallée du Sireu, tandis
que les hauts pâturages couvrent les pentes douces du versant N.,
et porte des noms différents, suivant le côté par où on l’aborde. Deux
lacs, dont l’un est presque complètement desséché brillent au voisinage
du sommet.
Du haut d’une de ces crêtes isolées, le reste des Karpates semble
un grand plateau ondulé et profondément découpé par des vallées
aux flancs abrupts. Les vallées sont le seul trait net du relief, et la
plus importante de toutes a été choisie pour donner son nom à la
région : Monts du Buzeu. Leurs directions sont d’ailleurs en rapport
avec la tectonique, qui est déjà celle d’une région régulièrement
plissée en synclinaux et anticlinaux parallèles. Les vallées transversales
: Buzeu, Doftana, Teleajna, s’ouvrent largement sur la plaine
et la région des collines. Ce sont des routes naturelles de pénétration
dans la montagne. Elles aboutissent à des cols relativement peu
élevés comme le Brato? (1,500“), qui débouchent dans la plaine de
Kronstadt. L’attraction de la grande ville s’exerce encore dans toutes
ces hautes vallées, qui sont d’ailleurs peuplées en grande partie de
Transylvains.
Ce sont aussi des bergers transylvains qu’on rencontre souvent
sur les hauts pâturages. La vie pastorale est ici bien plus développée
que dans les monts du Bucegiu, où les escarpements se
montrent justement aux altitudes où les stîne ont coutume de s é-
tablir. Rien n’égale les prairies du Csukas, du Sireu, du Penteleu.
Le Sireu seul nourrit environ 20,000 brebis. Le fromage de Penteleu
est renommé dans toute la Roumanie. Les gres du flysch, riches en
éléments calcaires sont un sol béni pour les plantes alpines. Les
pentes herbeuses du Csukas, marbrées de bouquets sombres de sapins
qui se groupent autour des gros blocs de calcaire empâtés dans la
masse des conglomérats, semées de fleurs aux teintes éclatantes,
offrent sous un beau soleil de juillet, un des aspects les plus frais
et les plus riants qu’on puisse chercher dans la montagne.
Les monts du Buzeu sont, en somme, l’amorce des Karpates moldaves,
plus bas, moins grandioses, plus ouverts et plus peuplés que
les Karpates valaques en général. Ceux-ci sont au contraire, dans
l’ensemble, une montagne sauvage, massive, triste, fermée et inhospitalière.
Leur sévère beauté a cependant son charme qu’on ne peut
oublier, lorsqu’on a gravi les cimes du Paringu ou des monts de
Fogarash.