On s’explique ainsi bien des faits qui paraissent d’abord obscurs,
et notamment la discordance fréquente entre les lignes directrices
d’une tectonique ancienne et les grands traits du relief actuel. C’est
dans cette discordance qu’il faut peut-être cbercber la cause des
divergences d’opinion plus apparentes que réelles entre des géologues
éminents, préoccupés par le grave problème du raccordement des
Karpates aux Balkans. Il semble bien vrai, comme le dit Inkey, que
les plissements des schistes cristallins présentent une continuité
remarquable ; mais ces dislocations très anciennes sont loin d’être
toujours les facteurs du relief, et c’est précisément dans la région
banatique, que leur importance est annulée par l’influence de cassures
plus récentes, obliques à la direction des plis. La recherche de
l’âge est toujours capitale en géographie physique, et plus que
partout ailleurs dans les questions de tectonique. S’il est un fait
qui semble bien résulter de tout ce que nous savons actuellement
sur l’origine des Karpates, c’est que leur relief est dû, moins aux
plissements anciens des schistes cristallins, qu’à des mouvements de
soulèvement en masse, et à des affaissements le long de plans de faille.
Ces mouvements du sol ne paraissent pas d’ailleurs être complètement
terminés à l’époque actuelle. Le sondage du Bârâgan qui a
révélé la présence de graviers diluviaux jusqu’à 30 mètres au-dessous
du niveau de la mer Noire, prouve que l’affaissement de la plaine
de Munténie a continué, vraisemblablement, pendant la période quaternaire.
Actuellement la Yalachie est encore agitée fréquemment
par des tremblements de terre, qui montrent que les forces orogéniques
ne sont point endormies.
D’après les recherches de M. D raghiceanu1, les deux principaux
foyers séismiques se trouveraient d’une part en Olténie et Banat, de
l’autre, dans la Munténie orientale, à la limite de la Moldavie
(fig 11)-
Le premier de ces foyers semble concorder avec les lignes de dislocation
assez complexes, par lesquelles s’opère le raccordement des
Karpates et des Balkans ; le second coïncide avec l’axe de courbure
maximum de l’arc karpatique, avec la région où les couches tertiaires
récentes se montrent le plus disloquées. C’est là que les manifestations
séismiques ont le plus attiré l’attention, à cause des désastres
qu’elles ont parfois causés.
1 M. D ra g h ic e a n u . Les tremblements de terre de la Roumanie et des pays
environnants, Bue., 1898, in-8”, 84 p., 2 cartes.
F ig u re 11. H Principaux foyers séismiques-en Valachie, d’après M. Draghiceanu.
Les chroniques du X Y Ie et du X V IIe siècles parlent souvent de
tremblements de terre. Au X IX e siècle, on note avant 1840, quatre
séismes, dont un détruisit une partie de Bucarest (1814), et dont
l’autre (janvier 1838), bouleversa le sol entre Locçani et Bâmnicu
Sârat, d’une manière extraordinaire h Des fentes s’ouvrirent sur une
longueur de 700 à 1,000 mètres avec dénivellation de 1 à 2 mètres.
De tous côtés on observait des crevasses, des fentes, des trous d’où
sortaient de l’eau et du sable jaillissant jusqu’à une hauteur d’une
toise. A Corbu, un lac de 200 mètres de long se forma ainsi ; sur le
Siret, la glace soulevée à la hauteur de demi-toise fut jetée sur le
rivage.
On n ’a pas depuis enregistré de tremblement de terre de cette
violence, mais les secousses séismiques sont fréquentes en Yalachie.
On en enregistre tous les ans un certain nombre 2. Il est donc permis
de penser que les mouvements en masse, auxquels l’arc karpatique
doit en grande partie son relief, ne sont point complètement apaisés.
!.. Ce séisme nous est très bien connu par le rapport de Sohüller publié dans le
Bul. Soc. Geogr. Rom., 1883, et reproduit en partie par Draghiceanu, op. cit.,
avec figures,
2. Les Annales de l’Institut Météorologique de Roumanie en donnent tous les
ans le catalogue. Le Buletin lunar les signale chaque mois.