Lorsqu’on gagne Bucarest en chemin de fer en partant de Târgu
Jiu, le trajet de Càrbunesci à Eiliaçi peut donner une juste idée de
l’aspect le plus attrayant de cette contrée. La ligne suit la large
vallée du Gilortu, où la rivière serpente au milieu de champs de
maïs, parfois à demi-enterrés sous le limon déposé après les grandes
pluies de printemps. De hautes collines s’élèvent à droite et à gauche
ravinées par une érosion puissante, qui parfois détache des mamelons
isolés et creuse des vallons aux berges escarpées. Leurs flancs encore
boisés ne s’abaissent pas par une pente continue, mais par une série
de ressauts formant des terrasses. On a bientôt remarqué qu’une de
ces terrasses se poursuit avec une netteté et une continuité frappante,
dominant de 20 à 50 mètres le fond de la vallée. C’est là que se
postent les villages toujours éloignés du fleuve. Leurs maisons à
demi cachées parmi les vergers, grimpent le long des coteaux et
se montrent partout où débouche un vallon latéral. Au milieu de
l’été, quand la brise fait onduler à perte de vue les panaches de maïs
et que les collines baignées de soleil détachent leur silhouette tranquille
sur un ciel d’un bleu éclatant, on a l’impression de traverser
un pays calme, riche, facile et doux à l’homme.
Mais pour avoir une idée complète de cette région il faut quitter
les grandes vallées. En gravissant les pentes assez raides des collines
par un de ces chemins pierreux, encore bons pour la caruta du
paysan, on débouche sur une plate-forme ondulée, couverte de taillis
de chênes qui bouchent la vue de tous les côtés. On peut marcher
longtemps sans voir aucune habitation ; des vallons plus ou moins
profonds forcent à de continuelles montées et descentes. Parfois la
forêt s’éclaircit, un hameau apparaît groupé autour d’une source ;
l’eau est rare sur ces hauteurs. L ’aspect sera le même jusqu’à ce
qu’on débouche dans une grande vallée comme celle de l’Amaradia
ou de l’Oltefu.
Telle est à peu près partout la région des collines, pays montueux,
n ’offrant nulle part de relief supérieur à 600 mètres, dédale de vallées
qui s’abaissent de 250 mètres à 100 mètres, et de croupes arrondies
qui sont les restes d’un plateau incliné vers le S. de 500 à 250 mètres.
Des argiles, des marnes, des sables, déposés par les mers miocènes
et pliocènes, restés à peu près horizontaux et ravinés par une puissante
érosion, sont les seuls éléments qui constituent cette région.
On sait qu’à la fin du tertiaire, l’arc karpatique était déjà à peu
près formé. Au Pontien, la Yalachie et la Moldavie septentrionale,
n’offraient déjà plus qu’un lac saumâtre, où se déposaient successivement
des marnes passant du gris blanchâtre au gris bleu avec
Valenciannesia annulata, des marnes, jaunes, tendres, souvent sableuses,
riches en congéries et contenant les premiers Tylotoma,
enfin des sables mêlés de petits lits marneux avec Dreyssensia, Umo
et Tylotoma 4 Ces niveaux ne se retrouvent pas partout ; ce n’est
qu’en Olténie qu’on peut les observer tous les trois 2. L’alternance
des couches sableuses et marneuses qu’ils présentent a favorisé la
production de ressauts de pente en forme de terrasses. Avec le pliocène,
on voit la dessalure des eaux s’accentuer ; c’est un véritable lac
qui s’étale en Yalachie, de plus en plus envahi et comblé par les
sédiments. Des marnes argileuses, auxquelles succèdent des sables,
puis de nouveau des marnes, tels sont les dépôts laisses par cette
grande lagune qui, en Olténie, ne semble pas avoir ete plus loin au
N. que Pesceana (sur le Jiu) 3. A ce moment une bonne partie de la
région des collines était exondee et déjà soumise a une vigoureuse
érosion. Les couches prenaient la légère inclinaison vers le S.-E. qu’on
observe dans les vallées du Gilortu, du Jiu et du Motru. Le plai-
sancien paraît être resté horizontal.
C’est donc uniquement l’érosion qui a créé le relief de la région.
Les rivières se sont établies en suivant la pente générale du sol vers
le S.-S.-E., et en s’allongeant sur les surfaces découvertes par les
eaux en retrait. Le Motru, le Jiu, l’Amaradia et 1 Olteju ont centralisé
le drainage. Leurs affluents sont à peu près tous comme eux
des cours d’eau conséquents. L ’évolution du réseau hydrographique
ne semble pas riche en épisodes intéressants. Cependant, il paraît
certain que le creusement des vallees ne s’est pas fait sans a-coup.
Le fond de toutes les grandes vallées, Olteju, Gilortu, Jiu, est formé
par une terrasse de cailloùtis, recouverte de limon plus ou moins
profondément entaillée par la rivière. C’est sur cette terrasse que sont
établis routes et chemins de fer. Au-dessus, on observe à flanc de
coteau, une terrasse dans la roche en place, dont la continuité est si
parfaite qu’elle ne peut être due à une couche plus résistante. Le
même phénomène se retrouve dans toute la Munténie, dans les vallées
1. s. S'i'EPanesc u. Etude sur les terrains tertiaires de Roumanie. Tylotoma est
une espèce de Vivipara dont l’évolution permet de suivre le retrait des eaux et
là dessalure progressive du lac plaisancien.
2. S. Stefanescu. op. cit., spéc. pp. 143-145.
3. S. S tefan esc u ,. op. oit.