Sous l’ombre profonde du hêtre, on cherche vainement les fleurs.
Les mousses et les lichens parent les fûts élancés des arbres séculaires;
des fougères (Aspidium, Scolopendres), quelques liliacées
(Allium ursinum, Scilla bifolia), des orchidées (Cephalenthera,
Neottia), et quelques ombellifères amies de l’ombre (Sanicula),
forment seules le tapis du sous-bois. Ce n’est qu’au printemps qu’on
trouve une riche feuillaison de fleurs, profitant de la feuillaison tardive
du hêtre. La plupart sont fanées dès qu’apparaissent les premières
feuilles. L a belle anémone des Karpates, les pulmonaires, les
touffes délicates des spirées ont disparu en juin. L’oseille sauvage,
avec les orobus jaune et rouge, la mercuriale pérenne, la violette
des bois, les lamium, végètent encore jusqu’à la fin de la feuillaison
complète du hêtre. En août, le sous-bois est dépouillé et nu h
Les clairières sont, au contraire, d’une merveilleuse richesse, quand
la dent du mouton n’y a pas encore passé. Là croissent en foule, au
milieu d’une herbe drue, les renoncules, les lamium, les grandes
scabieuses, des marguerites aux larges fleurs, toute une série de
chardons à grosses inflorescences roses ou blanches, les fleurs délicates
des polygala, des melilots, se mêlent aux clochettes bleues des
campanules.
L a zone subalpine supérieure ou zone du sapin, commence vers
1,200 mètres. Le hêtre disparaît et la forêt est presque entièrement
formée par le sapin argenté (Abies pectinata, en roumain brad) et
l’épicea (Picea excelsa Link, en roumain moliv) ; on les trouve
encore jusque vers 1,400 mètres, mêlés à des era-bles faux-platane
(Acer pseudoplatanus ), rarement à des pins sylvestres. Plus haut,
on rencontre quelquefois des melèzes. Mais ce bel arbre tend, ici
comme partout, à disparaître à peu près complètement. Le mélèze
et le pin cembro manquent complètement en Olténie2. On les signale
dans le Retiezat 3.
Le sous-bois est encore plus pauvre, dans la forêt de conifères,
que sous le feuillage du hêtre; mais les moindres éclaircies sont
envahies par une foule de fougères, de lycopodiaGées, tapissés de
renoncules des Karpates (Ranunculus carpatJiicus), de myosotis, de
valérianes (Val. montana, V. tripteris). Au milieu des touffes d’un
1.BEÂNDZA.op. cit. — P a x . Grundzüge des Pflanzenverbreitung in den Karpaten,
I, p. 135.
2. Grecescu, op. cit., p. 727.
3. P a x , op. cit., p. 126.
vert éclatant de l’oseille sauvage, la campanule karpatique balance
ses grosses fleurs bleues allongées, les belles inflorescences du
telekia (Telehia speciosa), une des plantes les plus caractéristiques
des Karpates vainques (v. figure 18), se groupent, ainsi que les chardons,
en touffes pittoresques h
F ig u r e 18. — Plantes caractéristiques des Karpates méridionales (d’après Fax).
A gauche, Hicracium transylvanicum, zone forestière (1/3 grandeur naturelle)..—
A droite, Saxifraga luteo-viridis, rochers calcaires (2/3). — An milieu, inflorescences
de Telekia speciosa- (2/3).
1 B b  n d za, op. cit. et Prodromal florei rom ane. P a x , op. cit. — Un certain
nombre de chardons ont des stations bien définies : Cirsium eriophorum, C decus-
satum, C. ensithales, Carduus alpestris, rochers et rocailles ; Cirsium pauci[lorum,
lieux humides ; Carduus personata, bord des torrents.