I
La zone qui s’étend au-dessus de la forêt dense est, sans conteste,
ce que la végétation des hautes montagnes offre de plus curieux. La
transition des formations arborescentes aux formations herbacées,
qui, seules, peuplent les sommets, s’y fait par une série d’étapes, où
se manifeste la souplesse du végétal pour s’adapter aux conditions
les plus défavorables.
Quand c’est le hêtre qui forme entièrement la forêt, la limite est
généralement très tranchée ; la zone de transition n’est formée que
par quelques grands arbres isolés sur les pentes gazonnées, aux
branches mutilées par le vent et la foudre, à l’aspect contourné.
Dans ce cas, la limite de la forêt et la lim ite des arbres sont très
rapprochées et toutes les deux très basses (flanc S. du Paringu,
Csukas, monts de la Cerna, Frumoasa, Bou, etc.).
Rarement on voit le hêtre essayer de s’adapter, en modifiant son
port et sa stature, aux conditions climatiques, qui prévalent à partir
de 1,400 mètres. Mais il montre alors une souplesse que le sapin et
le pin atteignent à peine. Tantôt il forme des buissons hauts de.
1 à 2 mètres, dominés par quelques arbres élancés, tantôt il s’accroupit
sur les pentes raides, cramponné, dans les éboulis, avec des
branches couchées sur le sol, comme celles du pin de montagne,
formant un tapis d’où surgissent des arbres rabougris, souvent décapités,
d’aspect fantastique. Ce type de limite des arbres, si commun
dans les Yosges, dans le Plateau Central (Cantal), est rare dans les
Karpates ; nous ne le connaissons que dans les montagnes de la Cerna
(Scâriçoara, Bulzu) h
La forêt de sapins ne finit jamais brusquement, comme la forêt de
hêtres. Le plus souvent, on voit des vides se produire qui s’élargissent
de plus en plus. La forêt se résoud en des bouquets de sapins disséminés
au milieu d’une sorte de maquis, formé par le pin de montagne
(Pinus Mughus), aux branches couchées sur le sol, ou par le
genévrier nain (Juniperus nana). Peu à peu, les bouquets de sapins
deviennent plus maigres, plus clairsemés, les arbres plus chétifs,
avec les branches toutes tournées vers la montagne. Enfin, le tapis
de pins et de genévriers subsiste seul. Cette zone peut atteindre
200 mètres et plus de largeur (Fogarash : Piscu Negru, Jeseru;
Bucegiu : Sfîntu Ilie; Paringu, etc., etc.).
1. Ce type existerait aussi dans les Karpates septentrionales (Fatra). — P a x .
Grundzüge, p. 124.