Cette figure donne une idée plus exacte de la réalité, qu’une
évaluation, difficile à rendre précise, de la limite supérieure des
fiameaux. lia courbe, venant mourir en biseau entre 1,000 et
1,200 mètres, indique, d’une façon suffisante, la limite moyenne
des habitations permanentes isolées jjfj
Pour la géographie humaine,
comme pour la géographie physique,
la montagne est le mondé
des contrastes violents. Nulle part
la répartition de la population
n’est plus inégale. Dans les K arpates,
elle est presque entièrement
concentrée dans les vallées; certains
de ces couloirs profonds sont
de véritables fourmilières. La densité
de la population s’élève à
133 habitants par kilomètre carré,
dans la vallée du Buzeu, à 161
dans la vallée de Prahova.
F ig u re 20. — Courbe représentative
de la diminution de la population
avec les altitudes croissantes.
Si la densité moyenne des Karpates est assez faible, c est que les
vallées peuplées sont peu nombreuses. On ne peut doutei que la
raison en doive être cherchée dans la structure physique de ces montagnes,
où les vallées sont presque toutes transversales. Ce sont
leurs belles vallées longitudinales qui font la richesse relative des
Alpes ; la population s’y est portée dès longtemps et s’y est développée
comme dans un monde a part. Dans les Karpates, rien de
pareil : la sauvage gorgé où la Cerna se précipite entre des récifs
calcaires, la vallée un peu plus large du Lotru, où 2,000 habitants
se groupent en 3 ou 4 hameaux, ne peuvent être comparées à des
régions telles que le Graisivaudan, la Valteline, les Grisons, le
Pinzgau. Ce n’est qu’à partir des monts du Buzeu, que les plissements
réguliers du flysch amènent la formation de vallées longitudinales
telles que la Bîsca, qui, jusqu’à G ura Teghi, abrite plus de 130 habitants
par kilomètre carré.
1. Voici les chiffres de densité obtenus pour les diverses zones : au-dessous de
200 mètres, 55 ; 200 à 300, 55,6 ; 300 à 500, 52,9 ; 500 à 700, 40,7 ; 700 à 1,000, 2 ;
Les vallées surpeuplées, dans les Karpates valaques, sont au
nombre de deux ou trois seulement ; ce sont des vallées transversales,
qui doivent leur richesse relative à des circonstances physiques
ou économiques toutes particulières. On n’en trouve aucune
dans la région cristalline, qui s’étend de la Jalom ija aux Portes de
Per. Là, toutes les vallées sont plus ou moins semblables à celle du
Jiu, étroite gorge, où, malgré une route construite à grands frais,
les postes de cantonniers sont, avec le monastère de Lainici, les
seules habitations permanentes.
L ’Oltu fait exception à la règle, mais la section de sa vallée où
s’alignent les villages, entre les deux étranglements de la Tour
Rouge et de Cozia, fait, en réalité, partie d’un bassin sédimentaire,
zone d’affaissement très ancienne. C’est le bassin crétacé et tertiaire
de Brezoiu-Titesti, dont nous avons reconnu l’importance dans l’histoire
de la chaîne karpatique. Dans les grès sénoniens et éocènes,
l’érosion a élargi la vallée, sculpté une foule de ravins ; des terrasses
dans le roc, surmontées de cailloutis et de limon loessoïde,
témoignent d’arrêts dans le creusement. C’est sur ces terrasses que
sont presque invariablement établis les villages. Toujours plus développées
au débouché des vallées latérales, elles semblent n’être pas
autre chose que des cônes de déjection recoupés et entaillés jusqu’à
leur soubassement par une érosion plus active '. On conçoit aisément
pourquoi les établissements humains préfèrent cette situation à toute
autre. Elle offre les avantages des cônes de déjection, si recherchés,
dans les Alpes, par les habitations (sol fertile, position à l’abri des
inondations du fleuve principal), sans en avoir les inconvénients 2.
Les cônes de déjection actuels, où les débâcles sont encore à craindre,
portent, eux aussi, quelques hameaux, mais les groupes les plus
importants sont tous sur les terrasses limoneuses (Câineni, Gri-
blesci, Robesci, Sârâcinesci, Calinesci, etc.).
La vallée de Prahova est encore une vallée transversale, mais,
creusée le long de la grande faille du Bucegiu, elle offre une série
d’étranglements, dans les grès marneux, et d’élargissements où
s’étalent de larges terrasses diluviales. Ces terrasses, formées de
1. E. de Ma rto n n e. Recherches sur la période glaciaire dans les Karpates méridionales,
Bull. Soc. Sc. Bue., 1900, pp. 53-54.
2. Voir Lôwl. Siedelungsarten in den Hochalpen, Forsch. z. D. Landes und
Vollcskunde, II, 1898.