où les cultures ont fait disparaître l’ancienne forêt. La prédominance
des chênes dans les espèces arborescentes et leur grand nombre de
variétés 1 sont le seul indice d’une flore un peu méridionale. Les
arbres qui s’y associent appartiennent tous au domaine forestier de
l’Europe centrale ; ce sont les ormes, les érables faux-platanes, les
érables champêtres, les charmes. La rareté du noyer et du châtaignier,
cantonnés dans la Yalachie occidentale 2, montre bien que les
conditions climatériques se rapprochent surtout de celles de l’Europe
continentale.
Les forêts humides le long des cours d’eau ; les prairies inondées
où les renoncules, les althées, les menthes, les valérianes, se mêlent
aux petits joncs glauques; les fourrés de pruniers sauvages, d’églantiers,
de noisetiers et de cornouillers à la lisière des bois, sont autant
d’aspects familiers de l’Atlantique à la mer Noire. L a richesse de
teintes et l’éclat des fleurs au printemps sont le seul spectacle nouveau
pour l’oeil accoutumé à la flore des contrées plus septentrionales,
le seul témoignage d’un climat plus chaud et plus lumineux.
Mais, si les formations végétales n’ont rien qui sente le monde
méditerranéen, le botaniste saura découvrir dans le catalogue des
espèces qui y prennent part, plus d’une figure étrangère à l’Europe
centrale et continentale. L ’apparition du lilas h l ’état spontané, à
Yârciorava et Tismana 3 est bien faite pour surprendre celui qui
croirait la Yalachie complètement en dehors des influences méridionales.
Le frêne (Fraxinus Ornus) qui, pas plus aue le noyer et le
châtaignier, ne dépasse à l’E. l’Oltu, est encore un arbre intéressant
à ce point de vue. Parm i les plantes herbacées de la zone du chêne
en Yalachie, on a trouvé 85 espèces méditerranéennes. Les unes sont
répandues d’un bout à l’autre du domaine méditerranéen, depuis le
Portugal jusqu’en Orient ; les autres (et ce sont les plus nombreuses),
sont confinées sur le littoral des mers Egée et Adriatique, communes
à l’Istrie, l’Illyrie, la Croatie, la Dalmatie, la Macédoine, la
Thessalie. 22 sont propres à la région des Balkans et au littoral
1. Espèces principales : Q. pedunculata, sessiliflora, confería, cerrls, pubescens.
g. Grecescu. Conspectul Florei Romane, p. 740; cite le noyer à Valea Bahnei,
Cloçani, Bumbesci, Tismana, Cozia ; le châtaignier à Tismana, Horezu. Nous'avons
observé le châtaignier à Dealu Pâcruiei, très exactement limité aux affleurements
de granit.
3. Grecescu. Conspectul Florei Române, p. 734. — P a x . Grundzüge der Pflanzenverbreitung
in den Karpaten, p. 117, cite aussi Syringa vulgaris à Mediash et
S. josikea à Marampreç.
caucasique de la mer Noire, s’étendant à la fois en Bosnie, Serbie,
Bulgarie, Dobrodgea, Crimée et Abkasie h
Descendons plus près du Danube ; le tapis végétal prend une teinte
plus méridionale. Une vaste plaine au sol limoneux s etend a perte
de vue, à peu près, complètement dépourvue d arbres. Dans la Yalachie
orientale surtout, c’est la véritable steppe. Le Crivet balaye
d’un bout à l’autre cette immense étendue, y soulevant, en hiver, des
-tempêtes de neige ; en été, des tourbillons de poussière. La secheresse
et le froid en ont proscrit dès longtemps les arbres les plus résistants,
bien avant que l’homme ait détruit les derniers vestiges de forêt.
La végétation ligneuse n’y est représentée que par quelques fourrés
épineux ou des taillis de chênes bas spéciaux (Q. cerris, Q. pedunculata)
dans les endroits les moins secs. Bien qui ressemble au véritable
maquis.
L’abondance des graminées pérennes et stolonifères2 végétant jusqu’en
automne, rapproche ces steppes de la steppe russe où la période
végétative est plus tardive et plus prolongée que dans la steppe méditerranéenne.
Les grands fourrés de chardons, hauts de 2 mètres, qu on
rencontre dans le Baragan et sur la terrasse du Buzeu (v. pl. G X IY ),
font penser à la steppe de Kasan. D’ailleurs, bon nombre des espèces
steppiques s’étendent jusqu’en Bussie. Cependant, les influences méridionales
sont encore assez sensibles. A la faveur des fortes chaleurs
d’été, 45 plantes communes aux Balkans et au Caucase ont pu s’établir
dans les steppes de Yalachie 3. Dans les dépressions où se conserve
un peu d’humidité, on trouve une dizaine d’espèces proprement
méditerranéennes 4.
D’après des recherches récentes sur la flore des pays les plus septentrionaux
de la péninsule balkanique 5, il semble que la limite du
domaine méditerranéen englobe la Serbie et la Bulgarie méridionale,
en suivant à peu près l’arête des Balkans. L a Yalachie se trouve
ainsi presque aux portes de ce monde méridional, et peut être soumise
à des invasions d’espèces étrangères profitant des variations de
son climat, qui prend parfois, certaines années, une teinte méditer-
1. Grecescu, op. cit., pp. 753-754.
2. Grecescu, op. cit., p. 758.
3. Grecescu, op. cit., p. 758.
4. Grecescu, op. cit., p. 762.
5. Lujo A damovic. Die 'Méditerranéen Elemente der Serbischen Flora, Engler's
Bot. Jahrb., XXVII, 1899, pp. 351-389.