tants par kilomètre carré. Encore faut-il remarquer que les habitations
sont groupées le long de vallées sèches et de dépressions où la
nappe d’eau profonde est plus près de la surface. Le Bârâgan n’est
pas absolument horizontal; plus élevé à l’E. et à l’O., il offre une
légère concavité le long d’une ligne passant par Calaraçi et Ciulnif,a.
C’est là que sont la plupart des villages.
De toutes les dépressions, la plus peuplée est celle de Mostistea.
Lorsqu’on traverse en chemin de fer cette belle vallée, aux berges
couvertes de petits bouquets de bois, au fond plat et verdoyant, avec
une large rivière aux eaux dormantes, sorte d’étang bordé de roseaux,
sur lequel plane un vol d’oiseaux aquatiques, on éprouve une impression
de soulagement. C’est comme un petit monde à part, au
milieu des solitudes desséchées qu’on vient de parcourir. Cette dépression,
assez large pour abriter une rivière comme l’Argeç ou la
Jalomija, et que suit seulement un chapelet de lacs allongés, communiquant
entre eux après de grandes pluies, a attiré l’attention comme
un problème irritant. On a voulu y voir un ancien cours de la Jalo-
m ifa 1. Il semble bien qu’on ait affaire, en réalité, à une de ces
vallées atrophiées comme on en trouve tant dans la plaine valaque.
L ’alluvionnement du Danube, qui tend à barrer le débouché de ses
affluents, et l’affaissement du Bârâgan attesté par la présence du
diluvium à 30 mètres au-dessous du niveau de la mer, ont contribué
à rendre impossible le maintien d’une rivière régulière dans une
vallée creusée à une époque de précipitations plus abondantes. La
dépression de Mostistea est restée, en tout cas, un centre d’attraction
puissant pour la population, qui y trouve des sources jaillissant sur
les berges, au contact du loess avec l’argile tertiaire 2. La densité
atteint 128 habitants par kilomètre carré.
Pour retrouver pareil surpeuplement, il faut franchir tout le plateau
du Bârâgan et atteindre la vallée de Jalomij;a, qui en forme,
au il., la limite. Presque toute la population y est groupée sur la berge
méridionale, qui forme un talus à pente raide, avec de véritables
falaises de loess, bien connu sous le nom de Coasta. Les sources
jaillissent là à flanc de coteau, les argiles tertiaires étant cachées
par les alluvions modernes 3. De l’autre côté, le sol s’élève en pente
1. Aijm a n e st e a n u . Sondagiul din Bârâgan. — Mrazec. Remarques sur le cours
des rivières en Valaehie.
2. Gr. Stefan esc tj. Relation sommaire..., loc. cit.
3. Gr . St e f a n e s c u , ibid.
plus douce. C’est le commencement de la grande plaine, qui s’étend
jusqu’à B râila et Focçani, presque aussi monotone et aussi déserte
par endroits que le Bârâgan, si bien qu’on a été tenté d’y étendre ce
nom. Il est plus juste de garder à ce terme populaire sa signification,
et de donner le nom de Terrasse du Buzeu à cette nouvelle région,
assez originale pour mériter une place à part.
IV
C’est ici, en effet, que la terrasse diluviale est le plus basse. Plus
de la moitié se trouve au-dessous de 50 mètres, et c’est à peine si elle
domine le Danube par un abrupt de 20 à 30 mètres. Le ruissellement
a été jadis très intense et de nombreuses rigoles ont été creusées dans
le limon, mais, à part le le Buzeu et le Râmnic, toutes les rivières
ont été réduites à l’impuissance, autant par le changement de climat
que par l’affaissement du sol, qui a atteint ici sa plus grande amplitude.
La vallée du Calmajuiu n’est plus guère qu’une suite de bas-
fonds marécageux, où circule, au milieu de roseaux, un filet d’eau
qui tantôt disparaît, tantôt s’élargit, en prenant l’allure d’une sorte
d’étang allongé. D’autres vallées sont occupées par de véritables
lacs, dont l’eau dormante est souvent chargée de sels h
Ces dépressions lacustres sont un des charmes de cette nature
steppique si désolée. P ar une chaude journée d’été, après des lieues
à travers la plaine brûlée et nue, quand soudain s’ouvre à vos pieds
une de ces larges dépressions encadrées de falaises jaunes de loess,
où brille comme une sorte de mer d’huile avec des reflets verts et
bleus, la nappe étincelante d’un grand lac, au milieu d’un tapis
rouge et argenté de plantes salines, on ne peut s’empêcher de s’arrêter
devant ce spectacle étrange.
Toute la terrasse du Buzeu est semée de pareils lacs, presque toujours
logés dans une vallée démesurément large, mais dont on peut
facilement retrouver les contours, et prolongés en aval par des m arécages.
Leur profondeur ne dépasse pas 2 mètres. Les eaux n’en sont
pas toujours salées. A B alta Alba, l’eau du lac et des puits voisins
qui s’alimentent à la même nappe est buvable, malgré une odeur
désagréable. Le lac le plus salé est Lacul Sârat, aux environs de
1. Sur notre carte au 1/200,000* sont figurés la plupart de ces-lacs, les lacs
salés étant distingués par un filé des eaux pointillé.