Ils partent par petits groupes et reviennent généralement au bout
de quelques années. Pourtant il en est qui se fixent définitivement.
D’importantes colonies bulgares existent dans le département de
Prabova, à Ploiesti notamment. Tout le long du Danube on trouve,
en Yalacliie comme en Bulgarie x, un fort mélange d’éléments roumains,
bulgares et serbes. Dans le Teleorman, cinq villages sont
entièrement bulgares. La ville d’Alexandria, fondée en 1833 fut au
début plus bulgare que roumaine 2. La terrasse danubienne d’Ol-
ténie compte aussi un certain nombre de gros villages d’origine
bulgare. L’état d’anarchie qui régnait au début du siècle a été pour
beaucoup dans ces exodes de villages entiers qui passaient le Danube,
pour échapper aux pillages des Turcs.
Tous les éléments étrangers que nous venons d’étudier en Yalachie
sont en somme, malgré leur dispersion, assez bien localisés : les Juifs
dans les grandes villes de Munténie spécialement, les Grecs dans les
villes aussi et particulièrement dans les ports danubiens, les Bulgares
autour des centres importants, et dans les gros villages de la
plaine au voisinage du Danube. Il nous reste à parler d’un dernier
élément exotique qui est au contraire disséminé partout uniformément.
Ce sont les Tziganes.
L ’aspect de ces parias, encore esclaves au début du siècle et affranchis
seulement en 1843 3, est sensiblement le même que celui de
nos bohémiens. C’est la même face cuivrée, aux traits souvent délicats
chez les enfants, aux yeux vifs, tour à tour imoudents et
craintifs, la même saleté, les mêmes instincts de mendiant et de
parasite. Des mensurations minutieuses sur un grand nombre de
sujets de Roumanie, Hongrie et Russie, n’ont pas révélé de différences
importantes 4. La taille est toujours assez petite, l’indice
eéphalique élevé, les cheveux noirs ou très foncés, les yeux noirs,
le teint brun ou jaune. Les données anthropologiques et linguistiques5
semblent confirmer l’hypothèse qui fait des Tziganes des
émigrants d’origine hindoue.
1. Dans le district de Vidin les Bulgares ne représenteraient que 47 % de la
population (Jire c e k , p. 53).
2. Dictionn. Géogr. Jud. Teleorman, p. 280.
3. Voir CogÏlntceanit, Desrobirea tiganilor, Acad. Rom,, 1891.
4. W e i s s b a c h . Die Zigeuner, Mitt. Anthrop. Ges. Wien, XIX, pp. 109-117.
s. F. M ik lo s ïc h . Ueber die Mundarten und Wanderunuen der Zigeuner Europas,
Denkschr. d. Wiener Ak. cl. Wiss., 12 parties, 1872-1880. D’après lui les dialectes
tziganes auraient une origine vieil-hindou indiscutable. Mais il s’agit d’une descendance
latérale.
Il est impossible de connaître, même approximativement le chiffre
des tziganes valaques. Les uns sont restés des nomades incorrigibles,
qui passent la frontière dès qu’on les a soupçonnés de quelque rapine,
les autres s’assimilent lentement à la population, en se fixant définitivement
soit en ville, soit à la campagne. Celui qui a fait son
service militaire se croit en quelque sorte réhabilité, il se considère
comme Roumain, et il n’est pas pour lui d’injure plus sanglante que
le nom de Tzigane. Devenu sédentaire, marié, c’est souvent un
artisan intelligent, actif, et même quelquefois honnête. Il garde
l’apanage des métiers, où l’adresse et l’ingéniosité sont plus néces.-
saires que la force. C’est lui qui sera toujours le forgeron, le chaudronnier
du village. E n ville, il sera menuisier, maçon et toujours
il restera musicien d’instinct, lâular passionné.
Juifs, Grecs, Hongrois, Bulgares, Tziganes, tous les éléments
étrangers n’apparaissent en Yalachie qu’à l’état sporadique. Huile
part, on ne retrouve comme en Hongrie, en Pologne, dans les B alkans
ou même en Moldavie et en Dobrodgea, une masse compacte de
parler et de type étranger. A peu près toute la Yalachie est exclusivement
roumaine.
H
Est-ce à dire que cette population roumaine soit pure de tout
mélange P II n’en est évidemment rien. Pas plus que les Bulgares
et les Hongrois leurs voisins, pas plus que les Italiens, les Français,
pas plus qu’aucune race, la race roumaine ne peut être restée immuable
au cours d’un passé agité. La vieille et naïve théorie des
chroniqueurs roumains, propagée par les patriotes transylvains avec
un but politique, et d’après laquelle les Roumains seraient les descendants
directs des colons romains de Trajan, n’est plus maintenant
acceptée sans contrôle en Roumanie par aucun esprit cultivé et
réfléchi. Répétée à l’envie par les innombrables voyageurs qui ont
traversé les provinces danubiennes et qu’a frappés l’aspect latin de
la langue, on peut dire qu’elle est actuellement plus répandue à
l’étranger chez les philo-roumains, que chez les Roumains eux-
mêmes. Ceux-ci se rendent compte en effet, qu’un peuple ne saurait
passer pour exclusivement latin, lorsque à peu près la moitié des