offre seule les formes pures des schistes cristallins, ciselés par les
anciens glaciers qui, dans la crête presque constamment voisine de
2,200 mètres, ont découpé des cirques grandioses S
En somme, les monts de la Cerna sont le commencement des montagnes
du Banat. Le relief, les orientations, la tectonique y sont les
mêmes. Peu élevés en général, riches en articulations, en passages,
ils ne créent pas une barrière entre le Banat et l’Olténie. On comprend
aisément les affinités que ces deux régions ont toujours eues
l’une pour l’autre. Actuellement encore, les relations sont constantes,
si elles ne sont pas toujours des plus honorables. La montagne de
Cloçani à la Sulija est presque toute l’année franchie par des bandes
de contrebandiers ou de voleurs de chevaux, qui se réfugient de
l’autre côté de la frontière.
De toutes les Alpes de Transylvanie, les monts de la Cerna sont
la partie la moins massive, la moins fermée, celle qui est le moins
une barrière. A cet égard, elle a plus de ressemblances avec la
région du flysch qui s’étend à l’È. de la Dâmbovija.
V II
A utant les Alpes de Transylvanie sont en général inhospitalières,
autant les Karpates de la Hunténie orientale sont une montagne
ouverte et d’accès facile. Huile part ce caractère n’est mieux marqué
qu’entre la Dâmbovija et la Prahova.
Là se rencontrent les derniers massifs alpin s, dépassant
2,000 mètres : Piatra Craiului, Bucegiul, Leota. Là se trouvent
aussi des vallées comme celles de Prahova et Dâmbovija, conduisant
à des cols voisins de 1,000 mètres, routes internationales dont l’importance
croît de jour en jour. P ar la variété des formes des sommets
par la netteté des contrastes du relief, par la richesse des horizons
géologiques, cette région, qui doit son nom au massif du Bucegiu,
mériterait d’être un lieu classique d’excursions pour le géographe
et le géologue 2.
1. E. d e Ma rto n n e. Nouvelles observations sur la période glaciaire, CR. Ac. Sc.,
1901.
2. Cette région a fait l’objet d’une excellente monographie géologique. P o pov ic i-
H a tzeg . Etude géologique des environs de Câmpuiung, avec carte au 1/200,000'.
Les rapports du relief avec la géologie ont été surtout signalés par T oula. Eine
geologische Reise in die Transsylvanischen Alpen, Schr. d. Ver. {. Verbr. Naturw.
Kenntnisse Wien, XXXVII, 1897, et S im io n escu . Ueber die Geologie des Quellge-
bietes der Dâmbovlcoara, Jahrb. d. K. K. Geol. R. A., 1899.
Jusqu’à Rucâr la vallée de là Dâmbovija, offre le pittoresque spectacle
d’une entaille profonde et régulière dans le massif cristallin,
dominée par des pyramides calcaires comme P iatra Prisloapelor,
avec, à l’arrière-plan, la silhouette élégante de Piatra Craiului. Au
H. de R ucar commence une véritable région de karst; le haut plateau
calcaire est crevé par des effondrements comme Podu Dâmbo-
vijei, véritable petits poljés, où se nichent lès villages (v. pl. CVI).
Rucar lui-même occupe un bassin d’affaissement au contact des
schistes cristallins. Les rivières qui s’étalent dans les dépressions
percent la masse calcaire en des canons presque impraticables, que
le paysan appelle Cheile. Sur le plateau, les ruisseaux disparaissent
dans des entonnoirs, pour reparaître en des grottes, qui s’ouvrent à
l’intérieur des gorges x. Le soubassement barrémien de marnes calcaires
sur lequel reposent les bancs épais du calcaire tithonique et
le plaquage de grès cénomaniens qui les recouvrent, vient introduire
un nouvel élément de variété dans le relief. Le canon de la Dâmbo-
vicoara présente une série d’élargissements chaque fois que viennent
au jour le barrémien ou le cénomanien. Rien de plus curieux et de
plus caractéristique, que les formes de bosses arrondies prises par
les grès grossiers au-dessus de Rucar.
Dans toute cette région, la végétation a un caractère à part. Les
sapins se plaisent sur le grès cénomanien, ils s’accrochent aux anfractuosités
du roc dans les gorges les plus étroites ; les bouleaux, les
aulnes, peuplent les dépressions cerclees de hautes murailles calcaires.
La flore est d’une richesse étonnante ; les grès, le calcaire, les
schistes cristallins, les gorges humides où le soleil pénètre à peine,
et les plateaux secs et ensoleillés, forment autant de stations différentes.
Mais pour avoir une idée complète de la variété et de la beauté
qu’offre la flore de ces montagnes, il faut aller encore plus haut,
et gravir au printemps les escarpements de Piatra Craiului.
Du haut de cette crête calcaire étroite, allongée du H. au S., et
dont la silhouette offre une élégance de formes, unique dans les
Karpates, on domine la large dépression du col de Bran (Tôrzburger
pass), par où passe la route de Kronstadt. Les bouquets de sapins, les
champs, les prairies se mêlent sur les croupes ondulées, trouées çà
et là de dépressions circulaires, dolines au fond plat et verdoyant,
aux rebords hérissés de lapiez. L ’horizon est ferme par la masse
1. La plus connue est la grotte de Dâmbovicoara, actuellement saccagée par
. les visiteurs.