rendez-vous du village ; on la devine de loin au bourdonnement qui
s’en élève, à la foule qui en déborde, emplit la rue. Le violon du
tzigane grince du matin au soir; et les chansons, rythmées par les
battements des mains et des pieds, montent en une mélopée continue,
tandis que circulent les petites bouteilles où l’on sert la tuica.
Il connaît tout le monde, achète à l’un ses prunes, à l’autre son
maïs ; il prête au besoin, et il n’est personne qui ne soit son obligé.
L’étranger qui débarque dans un hameau inconnu peut s’adresser
à lui, il trouvera un lit propre, procurera des chevaux, un guide, des
provisions de route. Au besoin il gardera de l’argent, contre reçu,
et le rendra exactement. Yéritable puissance, il est, comme tel,
aussi craint que détesté; c’est bien cependant à son initiative que
sont dus tous les changements à la routine villageoise. On peut
douter parfois s’il est vraiment roumain, malgré la loi qui défend
aux Juifs de tenir auberge dans les communes rurales. Il en est qui
portent une veste achetée à la ville, par-dessus le pantalon en laine
et le gilet de peau brodé.
Le paysan roumain est d’habitude plus modeste ; la terre seule
lui paraît sûre, le commerce n ’est pas son fait; il se méfie de lui-
même et des autres. Habitudes, coutumes, idées, costume, il a tout
gardé d’un passé lointain, avec une fidélité qui rend l’étude de son
caractère, non seulement intéressante, mais nécessaire si l’on veut
comprendre l’état du pays qu’il habite.