lorsqu’on n’était, pas surpris par les collecteurs de quelque impôt
extraordinaire, qui vous torturaient jusqu’à vous avoir arraché le
dernier para. Maintenant, on est tranquille ; que peut-on désirer de
plus? Des siècles d’oppression ont appris au paysan la résignation
et, par suite, le manque d’initiative. Le fils rebâtit sa maison comme
l’a bâtie son père, avec les mêmes matériaux, les mêmes dimensions,
la même porte basse, la même fenêtre étroite. Le même hoyau, la
même charrue primitive lui serviront à cultiver son champ. Quand
il ira, le dimanche, à l’église, puis à l’auberge, il retrouverai les
mêmes visages, mêmes costumes, mêmes propos.
La vie sociale est, d’ailleurs, dans le village, aussi réduite que
possible. Les femmes, rassemblées le soir autour des grands feux,
où l’on file et raconte des histoires, se voient plus souvent que les
hommes. C’est devant l’église, le dimanche, ou à la porte de l’auberge,
entre deux verres de juica, qu’on cause et discute le plus. Les fêtes,
baptêmes, noces, enterrements, sont la meilleure occasion d’apprécier
les rapports des paysans entre eux et leur manière d’envisager
les distinctions sociales. A la table, dans les cortèges, une place
spéciale est réservée aux premiers du villages « fruntaçi » et aux
derniers « cauda§i. d
Pour m ériter leur nom, les fruntaçi devraient avoir un certain
esprit d’initiative et jouir d’une certaine autorité. Ce sont les paysans
riches ou aisés. On en cite, dans certains villages des collines de
Munténie, qui passent pour posséder 100,000 francs. Le fruntasu est
souvent maire et, en même temps, aubergiste curciumar. Son autorité
est alors plus grande que celle du pope, dont la robe sale est
baisée par les femmes, mais dont la personne est peu respectée.
L’instituteur (dasciïl), mal payé, obligé de travailler son champ
entre deux classes, est plus considéré qu’écouté.
Le véritable personnage du village, c’est le cdrcium ar Sa maison
est la mieux bâtie; on y trouve, non seulement du vin et de la
fuica, mais tous les produits qu’on va chercher au Bdlciu. à la
foire du bourg le plus voisin. Le lard fumé,-le saucisson de Braçov,
pendent autour du comptoir, avec les grappes rouges de piments,
les paquets de ficelle, les cierges, les chandelles. Les bêches, les
hoyaux, les couteaux, les coutres de charrue, s’entassent dans son
magasin. Il vend le tabac, les allumettes et le sel, monopoles de
l’E tat ; il est épicier, quincaillier, mercier, marchand de tout ce qui
peut se vendre. Aux dimanches et jours de fête, sa maison est le
IS. d e M a r t o n n e . — La Valachie. Planche J.
XX. — Maison du village de Bumbesci (Olténie). -
Type des habitations de l'a zone montueuse de la Valachie. Cour fermée avec portail.
A droite, la maison d’habitation ; à gauche, étable et grenier. Au fond le jardin.