à former ainsi des bancs qui peuvent arriver à changer complètement
la position de l’embouchure. Avant 1879, le Jiu se jetait dans le
Danube, à 15 kilomètres plus à l’O.l. Il a dû se frayer un nouveau lit.
Des rivières moins puissantes, comme le Calm&jmiu, sont réduites
à se perdre dans les dépressions qui marquent un ancien bras du
fleuve. Telle est l’origine du lac Suhaïa 2.
On le voit, la balance commence à ne plus être égale entre l’accumulation
et l’érosion. Celle-ci prend l’avantage pendant les crues,
celle-là pendant les basses eaux. La physionomie du fleuve change
complètement à quelques semaines d’intervalle.
Y
Après Giurgiu, la pente augmente légèrement. Mais déj à l’approche
de la Balta se fait sentir, la pente des hautes eaux est plus faible
(48 m/m) que celle de l’étiage (50 m/m). Les îles se multiplient, une
foule de petits canaux répandent les flots du fleuve en crue au milieu
d’une large plaine d’inondation marécageuse, et les lui ramènent
pendant les maigres. Les lacs latéraux deviennent de plus en plus
étendus : Lacul Grecilor, Lacul Boiana, Lacul Calarasilor. Ce sont
d’immenses nappes d’eau qui font penser déjà aux lagunes de la
Balta, et qui ont à peu près complètement perdu la forme allongée
caractéristique des anciens bras morts.
C’est à Calaraçi que commence ce que le peuple appelle proprement
la Balta. Les marécages du Danube hongrois et de la Theiss ne sont
rien à côté du dédale de bras fluviaux, d’îles, de marécages, d’étangs
et de canaux qui couvre la, vallée, large de 12 à 18 kilomètres, entre
les hauteurs de la Dobrodgea et les falaises de loess du Bâragan. Ici,
il semble que toute l’oeuvre du fleuve se résume dans l’accumulation
des sédiments ; la force érosive qu’il retrouve pendant les crues n’est
employée qu’à les déplacer, à boucher un bras, à élargir ou frayer un
autre, à colmater une lagune.
De Calaraçd à Galaji, la pente, en suivant le trajet le plus court,
n’est que de 29 millimètres par kilomètre. C’est la décrépitude qui
recommencé pour le fleuve, un instant rajeuni par l'effort qu’il
avait déployé en franchissant la barrière des montagnes du Banat.
X. Chirü. Canalasirea rîurilor, Bul. Soc. Gèogr. Rom.
2. E. de Martonne. Sur la formation des vallées et les mouvements du sol en
Valachie, CR. Ac. Sc.. 1901.
Ses affluents partagent son sort : la plupart se perdent en des lacs
allongés, ne pouvant briser la barre qui se forme au débouché de la
vallée. Les plus vigoureux eux-mêmes se traînent quelque temps,
parallèlement au fleuve, avant de pouvoir y déverser leurs eaux.
Sur la rive valaque, de grandes étendues marécageuses s’étalent
entré le fleuve et le pied de la falaise de loess, qu’il venait saper à
une époque où sa vigueur était moins endormie (plaines de Cosco-
Tà(u et de Ciacaru). Du côté de la Dobrodgea, les hauteurs serrent
généralement de plus près le fleuve. Jusqu’à ïïârsova, c’est même de
ce côté qu’est actuellement le courant principal.
L’importance des bras qui portent le nom de Borcea et Dunâre-
veche a, d’ailleurs, varié plus d’une fois ; et, quant aux innombrables
lagunes et bras morts que rejoignent des canaux étroits et sinueux
(gârle), leur figure peut être considérée comme changeant presque
à vue d’oeil. Ici, il n’est plus question de retrouver les traces d’un
balancement régulier du lit fluvial; les transformations sont trop
rapides et trop multiples. Toute boucle recoupée est destinée à devenir
une lagune plus ou moins arrondie. C’est d’abord une pièce
d’eau en forme de fer à cheval, puis un lac avec une grande île,
puis la dégradation des berges, continuant sous l’action du vent qui
pousse les eaux, et du courant qui se précipite dans son ancien lit
au moment des crues, l’île est peu à peu rongée, les profondeurs, le
long de l’ancienne rive concave, se comblent, et le dernier stade de
cette métamorphose donne une vaste lagune à fond plat, où la profondeur
ne dépasse nulle part l m50 ou 2 mètres (fig. 32).
1”-stade, 2" stade. 3* et 4° stades.
Lacul Dunâre-veehe. Zetonü Uluciului. A. Ezerul Buzeu.
B. Ezerul Brunciu.
F igu re 32. — Transformation des boucles abandonnées en lagunes dans la Balta.
Echelle 1/200,000*, d’après la carte topographique au 1/50,000*.