retenir et attirer le commerce ; la présence constante d’étrangers
qui apportent des habitudes occidentales, tout concourt à forcer les
villes danubiennes à dépouiller l’aspect de la ville orientale. On est
étonné, en débarquant à Calaraçi, Calafat, Giurgiu, de voir de
grandes avenues larges, régulièrement percées, des places et carrefours
spacieux, des jardins bien disposés. On trouve là le cadre d’une
grande ville moderne ; s’il n’est pas partout également rempli, si les
échoppes misérables, qui coudoient les hautes maisons et les hôtels,
donnent parfois l’impression d’une poussée trop rapide et d’un développement
quelque peu artificiel, du moins a-t-on partout la sensation
de quelque chose de nouveau pour le pays valaque.
L’aspect de ces villes est un indice sûr de l’importance commerciale
du port qui est leur raison d’être. A Giurgiu, Calaraçi, Bràila,
les quartiers entièrement bâtis à la mode occidentale, avec des maisons
à plusieurs étages en façade sur la rue, occupent une étendue
considérable. La proportion de la surface bâtie et de la surface
habitée, qui était infime dans des villes comme Craïova, s’élève de
façon notable. Les 58,392 habitants de Bràila n’occupent que 57 hectares,
ce qui donne plus
de 1,000 habitants à l’hectare.
La proportion de la
surface bâtie à l’européenne
à la surface bâtie
à l’orientale est de 0,216
(v.'fig. 47). C’est, à la vérité,
la seule ville de la
Yalachie qui, avec ses
belles avenues et son
réseau régulier de rues
rayonnant autour du port
comme centre, donne réellement
l’impression d’une
cité moderne, plus moderne
même, dans l’ensemble,
que Bucarest.
La capitale du royaume
de Roumanie appartient
encore à un type de ville
intermédiaire entre 1 la
vieille ville roumaine et
F ig u r e 47. — Plan de Bràila, d ’a p rè s l a c a rte
to p o g ra p h iq u e a u 1/50,000" d e l ’é ta t m a jo r
ro u m a in , é c h e lle : 1/75,OOO’.':^ - 1, r u e s e t p a r tie
s d e r u e s b â tie s â l ’e u ro p é e n n e ; 2, ru e s
b â tie s à l’o rie n ta le (m a is o n s d is s ém in é e s
re p r é s e n té e s s c h é m a tiq u e m e n t); 3, v o ie s fe rré e s .
la ville danubienne à aspect occidental. Ce type est surtout réalisé par
des villes comme Ploiesti, Buzeu, Râmnicu Sârat, situées à la limite
de la région des collines et des plaines de Munténie ; centres de
commerce déjà anciens, et dont le développement, paralysé par les
troubles et les guerres du commencement du siècle, a repris avec une
nouvelle vigueur depuis une quarantaine d’années. Ces villes ont
profité à la fois des progrès de l’agriculture, de l’établissement des
voies ferrées, de l’essor pris par l’exploitation des richesses minérales
et de l’éveil de l’industrie dans la région Prahova-Buzeu. Leur
aspect témoigne d’un effort de rénovation encore impuissant à transformer
complètement la vieille cité. Les quartiers extérieurs présentent
seuls, parfois, un réseau régulier de rues parallèles et perpendiculaires,
où s’égrènent des maisons espacées. De la gare, située
généralement très' loin, on arrive, par une longue avenue plantée
d’arbres, bordée de jardins, et, en approchant de la ville, décorée de
quelques édifices publics tout neufs. Plusieurs places et rues bâties
à la mode occidentale, un grand terrain vague, où se tient la foire
à bestiaux forment le centre de la cité, autour duquel s’étalent et
se ramifient une foule de ruelles tortueuses, bordées de jardins, de
petits hôtels et de maisonnettes. Dans une grande ville comme
Ploiesti (fig. 48), la surface bâtie est encore dans une très faible proportion
; on ne compte pas plus de 450 habitants à l’hectare, et le
rapport de la surface bâtie à l’européenne à la surface bâtie à la
mode orientale est de 0,026.
Malgré sa population de près de 300,000 âmes, malgré l’air de
grande ville occidentale que donnent à certains quartiers les constructions
modernes èt les magasins, c’est encore à ce type de ville
qu’appartient Bucarest. Ce n’est pas, en effet, une de ces cités neuves,
qui datent de la seconde moitié du siècle ; les habitudes anciennes et
les souvenirs du passé y sont trop incrustés pour qu’elle ait pu se
métamorphoser déjà entièrement. L ’accroissement en a été aussi trop
rapide, depuis 50 ans, pour se faire sans un peu de désordre.
Née de la fusion de plusieurs gros villages, Bucarest continue à
s’agrandir par le même procédé. Toute une auréole de bourgs de
plusieurs milliers d’habitants l’entoure, prêts à se fondre avec la
capitale, mais en gardant leur aspect de groupements ruraux. Au
fur et à mesure que disparaissent, à l’intérieur de la ville, les terrains
vagues, où l’Oltéan allait dormir au soleil, et où le tzigane allumait