Les surfaces supérieures à 2,000 mètres occupent dans les K arpates
valaques une place assez restreinte. Inférieures en hauteur
absolue aux Karpates septentrionales qui, avec la Tatra, atteignent
presque 2,700 mètres (Gerlsdorferspitze 2,663“), elles représentent
cependant une masse plus compacte, où les altitudes élevees sont
plus développées, et dont la hauteur moyenne est plus considérable1.
Cette différence est en relation avec une différence de constitution
géologique. Le massif de schistes cristallins qui forme les cimes les
plus élevées des Karpates septentrionales, est morcelé et recouvert
encore d’un placage sedimentaire assez puissant, tandis que les K arpates
méridionales offrent un bloc cristallin, s’étendant sur plus de
200 kilomètres de long, de la Dâmbovija aux Portes de ï ’er.
C’est justement dans la région cristalline que sont réalisées les
plus hautes altitudes, à part le massif conglomératique du Bucegiu,
et l'étroite crête calcaire de Piatra Craïului. U n brusque abaissement
du relief général, qui supprime définitivement tous les sommets
supérieurs à 2,000 mètres se produit à l’E. de la Prahova. C’est, et
ce sera jusqu’en Moldavie, la région où le flysch forme toute la
haute montagne. D’autre part la ligne de faîte qui suivait pendant
longtemps la frontière roumaine s’en écarte à l’O. du J iu ; ce n’est
plus en effet que dans les massifs du Retiezat et du Sarco, qu’on
retrouvera des sommets comparables au Paringu ou aux Alpes de
Eogarash.
II
Si l’on jette un coup d’oeil rapide sur la carte pour reconnaître les
orientations dominantes, on aura d’abord l’impression que les K arpates
valaques ressemblent plutôt à une série de massifs juxtaposes,
qu’à une chaîne de plissement régulière formée de chaînons parallèles.
Cette impression n’est pas loin d’être conforme à la réalité.
La région cristalline entre la Dâmbovija et le Jiu est encore
l’endroit où l’on sent le mieux un certain parallélisme des prêtes,
orientées à peu près E.-O. Les monts de Fogarash sont formes de
deux chaînes séparées par une zone déprimée, dont l’une porte les
pics les plus élevés de toutes les Karpates valaques alignés sensiblement
de l’E. à l’O. (Negoiu, Moldovean, etc.), tandis que l’autre légèrement
inclinée du N.-E. au S.-O., n’atteint 2,000 mètres qu’au
1. Voir T illo. Carte hypsométrique de la Russie d’Europe, Feuille des Karpates,
1 :1,680,000', publiée in Ann. d. Geogr., 1896.
massif de Jeseru par lequel elle vient se raccorder avec la première.
Les monts du Lotru offrent encore deux chaînes E.-O. séparées par
une dépression qui, cette fois, est suivie par une vallée fluviale importante.
,
Mais bientôt les deux chaînes s’écartent, la chaîne méridionale
qui atteignait à peine 2,000 mètres au Balota (2,131 ) se relève
soudain pour former le bourrelet massif du Paringu, où la ligne de
faîte dessine une sorte de S , de Papuça à Y îrfu Paringu en passant
par Mohoru, P iatra Taiata et Mândra ; puis elle s’étale en une sorte
de plateau élevé, culminant vers son bord septentrional par une
série de sommets (Yulcan, Straja, Sigleu), qui dessinent une crête
déjà un peu infléchie vers le S.-O. Au contraire, la chaîne septentrionale,
qui continuait la chaîne du Negoiu, après avoir gardé
quelque temps la direction E.-O., tend à s’infléchir vers le N.-O. en
formant les massifs du Cândrelu et du Surian.
On n’a pas manqué de remarquer eette disposition et on a voulu
en voir la raison dans la tectonique du massif cristallin. A la conception
simpliste de Lehmann qui voyait dans les monts de Eogarash
un anticlinal simple déjeté vers le K .J-, Primics, auquel nous devons
une sérieuse étude géologique de ce massif 2, substitua la notion d un
système de plis E.-O. dont les deux principaux formaient les deux
chaînes désignées depuis par Suess sous le nom de chaîne des Fogarash
et chaîne du Cozia 3. Une bande de gneiss orientés du N.-E. au
S.-O., allant du Cozia au Jeserü, marque le coeur de l’anticlinal
méridional, tandis qu’une traînée de schistes amphiboliques associés
à des cipolins suit à peu près la crête de la chaîne du Negoiu, dessinant
à l’E. une inflexion vers le N.-E. dans le sens des monts de
Persiany, inflexion à laquelle Suess accorde, avec raison, une grande
importance4 (v. fig. 10).
Inkey reconnaît àSg|0. de l’Oltu quatre plis, continuant ceux des
monts de Eogarash et s’écartant progressivement les uns des autres
sans qu’aucun forme constamment une ligne de crête 6. La vallée
1. P Lehmann. Beobachtungen über Tektonik und Gletscherspuren im Fogarascher
Hochgebirg., Zeltschr. d. Geolog. Ges., Berlin, 1881, pp. 115 et sq [.
2. P rimics. - Die Geologischen Verhältnisse der Fogarascher Alpen und des
■benachbarten rumänischen Gebirges, Mitt. a. d. Jahrb. d. K. Ung. Geol. Anstalt,
Budapest, 1884, pp. 283-315. Carte géologique sans échelle et coupes.
3. S u ess. La face de la terre, tr. fr., I, p. 639.
4. Id., ibid., p. 637.
5. B. von Inkey . Geotektonische Skizze des Westlichen Hälfte des Ungarisch-
Rumänischen Grenzgebirges, Földttani Közlöni. Suppl. XIV, 1884, pp. 116-121.