villages tels que Sinaïa, forment un tableau ricbe en contrastes, qui
a fait la réputation de cette vallée, devenue le séjour d’été préféré
des Bucarestois.
Après Sinaïa, la rivière s’étrangle entre des parois rocheuses où
l’on voit les couches plissées, broyées, empilées les unes sur les autres,
témoigner des forces gigantesques mises en jeu pour soulever ce
puissant bourrelet montagneux. Les pentes déboisées sont sillonnées
de chemins d’éboulis, et d’énormes cônes de déjections, aux cailloux
anguleux à peine roulés, encombrent la vallée déjà trop étroite. Ce
n’est qu’en arrivant à Comamic qu’on voit les parois rocheuses
s’écarter; on respire, la vallée s’élargit, bordée de hauteurs encore
élevées, mais étagées avec des pentes plus douces. On sent qu’on est
sorti de la montagne et qu’on entre dans une région de collines.
L ’érosion, encore très intense, fouille avec une vigueur effrayante
les pentes déboisées des coteaux, m ettant à nu les marnes rouges et
vertes qui leur donnent un aspect singulier. La Prahova se perd au
milieu de bancs de sable et de cailloux, dans un lit démesurément-
large. Dans les vallons latéraux se cachent partout des villages aux
maisons dispersées au milieu d’un fouillis d’arbres fruitiers et de
champs de maïs. Sur les routes apparaît la silhouette du paysan roumain
coiffé du bonnet à poil (caciula), portant'la ceinture roùge sur
la chemisette de toile et le pantalon de flanelle, conduisant le char
lentement traîné par deux boeufs aux longues cornes recourbées.
U n oeil attentif peut, en scrutant les tranchées, reconnaître encore
la nature du terrain, voir les couches gréseuses qui supportent les
marnes rouges plonger tantôt vers le IL, tantôt vers le S. Nous
sommes encore dans une région plissée, mais les reliefs tendent à
prendre des formes tabulaires, la vallée semble de plus en plus
creusée dans une sorte de plateau. A Câmpina apparaît une terrasse
élevée sur laquelle s’élèvent, noires et fumeuses, les cheminées des
puits de pétrole. Les couches se rapprochent de l’horizontale ; bientôt
la voie entame des lits de cailloux roulés et débouche sur une terrasse
qui s’étend à perte de vue vers le S. Les derniers reliefs s’éloignent ;
c’est la plaine roumaine, déroulant ses champs de maïs, qui ondulent
sous le vent, cachant ses villages dans les replis de quelques vallons
un peu plus humides. Jusqu’à Bucarest, le même aspect monotone
accompagne le voyageur dont l’oeil n’est arrêté, dans cette étendue
démesurément uniforme, que par quelque énorme meule, ou par un
bouquet d’arbres isolé autour d’une mare à demi desséchée,..
Après une pareille traversée, on peut admettre qu’on a vu la
Yalachie sous ses trois aspects caractéristiques : la haute montagne,
la région des collines et la plaine ou terrasse diluviale. Cependant
il faut dire qu’on n’a peut-être pas l’idée la plus exacte de ce que
sont généralement les Karpates. La vallée de la Prahova est une
exception. La présence du château royal a Sinaïa, la voie ferrée
internationale qui passe par Prédeal, la beauté du site, y attirent
chaque été une foule élégante; l’atttention a été appelée sur ses
richesses naturelles et, avec les fabriques d’Azuga, les exploitations
de pétrole de Câmpina, c’est une des rares régions industrielles de
la Yalachie.
Pour mieux connaître les Karpates dans toute leur sauvage beauté,
il faudrait les traverser par une route moins fréquentée, par exemple
par la vallée du Jiu. Pétroseny est le centre du bassin tertiaire où se
forme le Jiu avant de traverser de part en part la chaîne karpatique.
Le chemin de fer qui en part mène jusqu’à l’entrée du défilé, mais
ne s’aventure pas plus loin. Depuis la douane hongroise jusqu à
Bumbesçi, le voyageur qui suit les eaux bondissantes du Jiu ne rencontre
d’autre trace d’habitations que les maisonnettes des cantonniers
qui gardent la route établie à grands frais, et le monastère de
Lainici, qui dresse sa vieille église ornée de naïves et curieuses
peintures, sur une terrasse alluviale formée dans un élargissement
de la vallée. Des forêts de hêtres et de sapins couvrent les pentes
qui s’élèvent régulièrement jusqu’à des hauteurs narfois couronnées
d’escarpements calcaires. Dans le lit de la rivière apparaît partout
la roche cristalline, d’une dureté défiant le marteau : amphibolites
veinées où les eaux sculptent de superbes marmites d’érosion, quart-
zites, phyllites, toutes les variétés de schistes cristallins. De longs
chemins de pierres, par où descendent au printemps les avalanches
ravagent la forêt, menaçant d’engloutir la route, précipitant dans la
rivière des blocs énormes au milieu desquels elle bondit, réduite
parfois à 10 mètres de largeur.
E n arrivant à Bumbesçi, on voit progressivement les pentes de la
vallée devenir moins raides, la forêt s’éclaircir, les hêtres céder, près
de la route, la place aux chênes et aux noyers ; mais la sortie de la
montagne n’en est pas moins brusque, et l’on ne peut s’empêcher
d’être étonné, lorsqu’on se trouve soudain sur une terrasse élevée, qui
s’appuyé sur la montagne et descend vers le S., couverte de bouquets
de chênes et de champs de maïs. Le Jiu circule désormais dans une