Cette initiative n ’a rien de si extraordinaire, si l’on songe que le
paysan montagnard est habitué à tirer parti de la force vive des eaux
pour la meunerie et la scierie. Au voisinage de la montagne, les
moulins et les scieries sont presque aussi nombreux que les auberges.
Il n’est pas de villageois, ayant sa maison au bord de la rivière et
ayant mis de côté quelques écus, qui n ’en profite pour confectionner
un canal en bois, porté sur des poutres branlantes et suintant de
tous côtés, dont la chute d’eau met en mouvement la roue de sa machine
primitive. Le seul département de Prahova compte d’après des
statistiques très incomplètes, 226 moulins à eau, 392 fabricants de
sindrele (lattes qui servent à couvrir les toits 1).
De même la fuica est fabriquée à peu près par tout le monde.
D’après les mêmes statistiques, il y aurait 788 distilleries dans le
département de Prahova, 297 dans celui d’Argeç. La mise de fonds
est peu considérable, le débit assuré dans un cercle très restreint, qui
souvent ne dépasse pas le village ou même la famille.
On conçoit aisément que dans un pareil état de choses, les ustensiles
du ménage soient presque tous de fabrication domestique. La
terre à poterie ne manque nulle part, et elle suffit à confectionner
les vases simples usités pour la préparation des aliments, le transport
et la conservation des liquides. Les formes en ont quelque chose
d’archaïque, et telle paysanne au profil régulier, portant sur sa tête
la « cana », apparaît au détour du chemin comme une figure antique.
La plupart des ustensiles sont en bois, surtout dans la région mon-
tueuse et boisée. C’est de là que vient le nom du menuisier hambarul,
fabricant de la grande huche en bois de hêtre, qui pare la maison
du dealen un peu aisé. P ar contre, c’est surtout dans la plaine que
la vannerie est en honneur. Les grands roseaux qui peuplent la
Balta et les dépressions marécageuses de la steppe, servent à confectionner
paniers, vans, nattes et paillassons.
La plupart de ces objets sortent souvent des mains mêmes de leur
propriétaire. Dans les grands villages, on les achète à des artisans,
qui ne cessent pas pour cela de cultiver leur petit champ. Il en est
de fabrication plus délicate qu’on se procure au balciu, à la foire
voisine. Ceux-là sont l’oeuvre de véritables spécialistes, qui tiennent
i. Robin et S taïcovici. Recueil de statistique roumaine, pp. 104-105, d’après les
rapports préfectoraux pour 1896-97, qui « diffèrent extrêmement entre eux. On n’en
peut tirer rien d’homogène. Certains... ne traitent pas de l’industrie. »