La transhumance est un des phénomènes géographiques les plus
curieux qu’offre l’étude des régions méditerranéennes. C’est une
nécessité pour tous les
pays d’élevage où se
trouvent, côte à côte,
de hautes montagnes,
riches en beaux pâturages,
et des plaines
soumises aux sécheresses
d’été, qui caractérisent
le climat méditerranéen.
L a Yalachie, quoiqu’en
dehors de la zone méditerranéenne,
a, comme
Figure 22. — Voies de transhumance en Valachie :
1, surfaces supérieures à 1,000 mètres d’altitude;
2, voies de transhumance ; 3, limite de la région
de caractère steppique.
nous l’avons vu, des étés brûlants où les fortes chaleurs amènent une
évaporation qui rend inefficaces les précipitations des mois de juin
et juillet. C’est à ces conditions qu’elle doit de rentrer dans le cercle
des pays de transhumance, avec toute la péninsule balkanique,
l’Italie, la France méridionale, l’Espagne et la région de l’Atlas.
La vie pastorale semble y avoir toujours été la spécialité de la
race roumaine, et, c’est un fait digne de remarque, que, partout où
l’on retrouve le Roumain, en groupes isolés, au milieu de populations
slaves, grecques ou magyares, il apparaît comme pâtre transhumant.
Telle est encore aujourd’hui la vie des Valaques du Pinde, dont le
nom est, pour les Grecs, synonyme de berger 1. Telle était celle des
Yalaques, qu’on trouve en Galicie dès le X IIe siècle 2, des Roumains
habitant la Serbie et la Macédoine, dont parlent les lois de Duçan 3.
Dans les documents serbes anciens, Vlah est synonyme de Romanus
et de pecuarius. Le fromage valaque « caseus vlachiscus » jouait un
grand rôle au X IV ” siècle dans le commerce de Raguse ; il servait,
dans une certaine mesure, de monnaie, et son prix était fixé par les
autorités 4.
Le mouton était toujours le bétail préféré des Roumains; ce sont
des brebis, que le chrisov de Du$an de 1638, exige des Roumains
1. Voir W eig a n d . Die A-Romunen.
2. T omaschek . Zeitschr. f. Oesterr. Gymnasie, 1876, p. 342, cité par Mik lo sic h .
3. Gj. Danicic. Kjeonik iz Knjizeonik strarina srpskik, I. U. Biogradu, 1863,
p. 131, cité par M ik i.o sic h . 4. Mik lo sic h . Ueber die Wanderungen der Rumanen in den Dalmatischen Alpen
und in den Karpaten, Denkschr. Ak. d. Wiss. Wien, 1880, XXX, pp. 1-66.
comme trib u t; c’est seulement aux plus riches (închinatori) qu’on
demande une vache à chaque automne, les plus pauvres devront
travailler la laine du monastère h Actuellement encore, on remarque
que, là où l’élevage est pratiqué à la fois par les Bulgares et les
Roumains, ceux-ci paissent exclusivement des moutons, les troupeaux
de boeufs étant aux mains des Bulgares 2.
La vie pastorale, telle que nous nous sommes attaché à la dépeindre,
se retrouve, pratiquée par les Roumains, de la Galicie jusqu’au
coeur de la Grèce. La transhumance qui, en Yalachie, les
transporte alternativement des hautes Karpates vers le bas Danube,
les fait aussi quitter périodiquement les Balkans, le Rhodope ou le
Rila, pour les plaines de la Maritza, d’Andrinople ou de Salonique 3.
Son antiquité est attestée par un grand nombre de sources, et les
dates du départ pour la montagne et du retour vers la plaine semblent,
depuis des temps immémoriaux, être restées les mêmes 4.
On n’a peut-être pas songé jusqu’à présent à l’importance que
pourrait avoir, pour la question, si obscure encore, de l’origine des
Roumains, l’étude de la vie pastorale et de la transhumance.
Dans leurs migrations périodiques de la montagne à la plaine, les
bergers roumains, dont un bon nombre sont d’origine transylvaine,
semblent nous présenter le symbole de la longue évolution qui a
amené le peuplement de toute la Yalachie par une population roumaine.
On ne traverse pas constamment un pays riche et fertile sans
être tenté de s’y établir. Le fait a dû se produire plus d’une, fois, et
Ton en trouve la trace dans les nombreux villages situés au pied de
la montagne, qui sont formés de deux hameaux, qualifiés, l’un de
roumain (român), l’autre de transylvain (strein ou ungurean) ®.
Le peuplement des hautes vallées de la montagne est dû, certainement
en grande partie, aux Roumains de Transylvanie. On en
peut citer des exemples frappants. La commune de Chiojdu de Bâsca
1. Archiva Istorica, III, pp. 85 et sqq., traduction roumaine et texte slavon. Le
texte a été publié d’abord dans les Mêm. de la Soc. littéraire Drustva Srbske Slovesnosti). serbe, t. XV (Glasnik
2 . J ir e c e k . Das Fürstentum Bulgarien.
3. J ir e c e k . Das Fürstentum Bulgarien.
4. Vastljevski. Conseils et récits d’un noble byzantin du XI' siècle, Petersburg,
1881 (en russe, cité par Jir e c e k ). — T omaschek. .Zur Kunde der Haemushalbinsei.
5. Mot à mot étranger ou hongrois. Ungurean est synonyme de Transylvain.
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