Le mouvement de soulèvement s’accélère, surtout en Moldavie et
en Munténie, produisant un nouveau ridement des couches secondaires
et tertiaires qui accentue la courbure de l’arc karpatique. C’est
le long d’un axe perpendiculaire à la courbure maximum des K arpates
et passant par Galaj, que le plissement semble avoir atteint
son maximum d’intensité. E n effet, tandis que, dans le district
d’Argeç, le flysch ne plonge que de quelques degrés vers le S., dans la
Prabova il forme des synclinaux et anticlinaux E.-O. très surbaissés
h et dans la région Buzeu-Putna-Trotus, on trouve des plis
aigus N.-E. —■ S.-O. ou 1ST. — S., souvent déjetés vers l’extérieur,
étirés et faillés, portant les grès inférieurs à des altitudes de
1,200 mètres 2. Au contraire, le massif d’Olténie s’affaissait plutôt
vers le N.-O., et des lagunes, en relation avec la mer pannonique
occupaient les fonds de vallées, suivant les anciennes lignes de dislocation
(Bassins de Hatzeg, Petroseny, Topile, Eontânele, etc:®).
Désormais la chaîne karpatique va continuer à s’édifier par une
série de poussées, qui impriment au sol de la Yalachie des mouvements
de bascule, amenant tantôt des reculs, tantôt, des avancées
de la mer. A chaque épisode, on voit la configuration se rapprocher,
de celle qu’on observe actuellement. Avec l’helvétien la mer revient
de 1’ 14 en transgression sur le flysch et même parfois sur les schistes
cristallins, formant même dans la région du Buzeu un golfe à l’intérieur
du flysch (bassin de Slanic 4). On sait que c’est à l’helvétien
qu’appartiennent les plus importants massifs de sel de Roumanie,
mais le faciès lagunaire qui a donné lieu à ces dépôts s’était
déjà trouvé réalisé plus d’une fois pendant l’oligocène et même I’éo-
cène 5. La mer peu profonde du flysch, avait déjà tendance à former
des lacs saumâtres sur la bordure du continent karpatique.
Au tortonien, nouveau mouvement de bascule, faisant émerger
presque toute la Moldavie. Le sarmatien est, dans l’histoire des
Karpates, une période aussi décisive que le cénomanien. Dans les
deux cas on assiste à une énorme transgression de la mer, favorisée
1. Voir Popovici-Hatzeg. Coupes citées.
2. Teisseyre. Zur Géologie der Bacauer Karpathen, Jahrb. d. I(. K. Geol. R. A.,
1898, XLYIII, pp. 500 et sqq. — T e is s e y re et M ra z e c . Le sel de la Roumanie in :
Les Monopoles de la Couronne,-publ. Min. I Domaines Bue., 1900 (Expos. Univ.
Paris), et Aperçu géologique sur les formations salifères, loc. cit.
3. S abba Steeanescu. Etude sur les terrains tertiaires de Roumanie.
i. Teisseyre et Mrazec, op. cit.
5 . Teisseyre et Mrazec, op. cit.
par des dislocations tectoniques et suivie d’un mouvement d’émersion
qui marque une victoire définitive des forces orogéniques sur les
tendances d’affaissement. C’est au sarmatien qu’a dû se produire la
faille du Danube à laquelle on doit la formation du grand fleuve et
l’effondrement de la plaine valaque. C’est à ce moment aussi que se
produisent toute une série de failles limitatrices, dessinant le rebord
de l’arc karpatique tel qu’il existe actuellement en Yalachie. Le
plateau de Mehedinji s’effondre le long d’une ligne encore marquée
par un abrupt très net. Le rebord escarpé des monts du A ulcan se
forme également (faille de Bumbesti).
Le sondage du Bàrâgan qui a découvert la superposition directe
du sarmatique au crétacé 1, montre que tous les sédiments tertiaires
antérieurs s’étaient déposés dans un géosynclinal situé plus a i i l .,
et que la forme actuelle de la Yalachie, limitée par la faille danubienne
et l’arc karpatique, date du sarmatien 2.
A partir de ce moment, les Karpates valàques sont constituées à
peu près telles que nous les voyons. La mer, qui forme un golfe occupant
la plaine actuelle, va lentement se dessécher, transformée en
lac de plus en plus saumâtre, à la faveur d’un soulèvement lent qui
continuera à se faire sentir jusqu’au pliocène 3.
Les mouvements du sol se sont poursuivis plus longtemps qu’ailleurs
dans la Munténie orientale, à l’E. de la Dâinbovija, et c est
justement là que le parallélisme est le plus frappant entre les grands
traits du relief et ceux de la tectonique. La ligne de contact anormal
; du flysch et du tertiaire, celle du salifère et du sarmatien-pontien
semblent tourner régulièrement suivant le changement d’orientation
générale de la chaîne. Une faille sensible dans l’abrupt' qu’on observe
de Mizilu à Buzeu, et d’âge probablement très récent, marque la
ligne suivant laquelle la plaine de Munténie s’est affaissée i.
On le voit, si l’état actuel de nos connaissances ne nous permet pas
de retrouver l’âge exact de toutes les dislocations auxquelles les
Karpates doivent leur formation, on peut cependant fixer avec
quelque vraisemblance la date de celles qui ont eu 1 influence la
plus décisive.
1. C. At.imanesteanu. S o n d ag iu l clin B ârâgan , But. Soc. Geogr. Rom., 1896.
2. E. de Martonne. La Roumanie, Extr. Grande Encyclopédie, p. 25.
3. S . St e e a n e s c u . Etude sur les terrains tertiaires de Roumanie.
4. Draghicenü. Les tremblements de terre de la Roumanie. Mrazec et T eisse y r e,
op, cit. .