le bassin de Petroseny par des pluies torrentielles (80 m/m en
moyenne), a mis vingt-quatre heures à franchir la gorge où elle
faisait rage pendant la nuit du 12 au 13, s’élevant jusqu’à douze
mètres et plus, au-dessus du fond de la vallée. Mais dès que l’onde
débouche dans la dépression subkarpatique, c’est une véritable
débâcle, elle atteint Târgu Jiu en six heures, parcourant trois kilomètres
à l’heure !,
Cette soudaineté des crues au voisinage de la montagne se retrouve
chez toutes les rivières .valaques, et peut encore dans une certaine
mesure, expliquer le contraste entre la courbe des stations supérieures
et des stations de plaine. La Jalomifa est à cet égard aussi intéressante
à étudier que le Jiu. A Târgoviste, les crües sont d’une violence
et d’une soudaineté cféconcertante, sans laisser trace sensible
dans la courbe. C’est au Teleajen, au Cricov et surtout à la Prahova,
dont le bassin a été imprudemment déboisé que sont dues les montées
observées à Cosereni, et qui tiennent plusieurs jours, comme les crues
du Jiu à Craïova. Mais de Cosereni à Gura Jalomijei, on observe une
exagération des oscillations de débit du fleuve encore plus marquée.
La basse Jalonarla est en effet un cours d’eau d’une nature assez
particulière. La pente du thalweg, indépendamment des innombrables
sinuosités du courant fluvial, atteint à peine 33 centimètres
par kilomètre. Dans la vallée démesurément large on voit la rivière
tantôt s’élargir et s’étaler en prenant l’aspect d’un petit lac, tantôt
s étrangler réduite à un mince filet d’eau, toujours accompagnée de
lacs et de grands marécages couverts de forêts de roseaux. Est-ce
bien à proprement parler une rivière F Au milieu de l’automne et en
hiver, le spectacle de cette vallée ne diffère pas sensiblement par
endroits de celui qu’offre le Calmatuiu ou la Mostistea. Au moment
des grandes crues de printemps et d’été, le flot qui dévale de la
montagne envahit toute la vallée, remplit les mares desséchées, les
marais dont la vase craquelée est parfois couverte d’efflorescences
salines, reflue même dans les vallées latérales dont le débouché est
marqué par un petit lac de forme allongée. L ’écoulement est très
lent, de Cosereni l’onde met deux ou trois jours à gagner le Danube.
Un pareil organisme hydrographique sort des lois et défie les procédés
d’observation ordinaire. On comprend aisément que les variations
du débit y soient plus fortes que partout ailleurs.
1. E. de Ma rto n n e. La crue du Jiu, loc. cit.
On peut constater à peu près la même chose dans le cours inférieur
du Buzeu, sujet à un assèchement presque complet en hiver,
alors que la courbe de Ses variations à Buzeu présente à peu près la
même allure que celle de la Jalom ija à Cosereni. Des vallées mortes
comme le Calmajuiu ou la Mostistea, montrent jusqu’où peut aller
l’exagération de ce régime pour des cours d’eau qui n ’ont pas la ressource
des précipitations plus abondantes de la montagne.
De grands fleuves comme l’Oltu et le Jiu, n’échappent pas complètement
à cette anémie qui attaque de plus en plus les rivières valaques
au fur et à mesure qu’elles approchent du Danube. En aval
de Craïova, le Jiu est parfois à peine profond de 50 centimètres. A
Malu mare, son débit pourrait tomber à 18 mètres cubes au mois
d’ao û t1. L ’Oltu à Slatina se traîne souvent pendant tout l’hiver au
niveau de l’étiage ; il n’est soutenu un peu à Stoenesci que par
l’Olteju, originaire des monts du Lotru et bénéficiant du régime
de pluies de l’Olténie.
On le voit, c’est donc bien une tendance générale et une caractéristique
des rivières valaques que de devenir de plus en plus irrégulières
dans leur cours inférieur. Elle est plus marquée en Mun-
ténie où le climat steppique, cause première de ces irrégularités est
aussi plus commun. L ’Argeç seul fait exception ; soit à cause de la
pente de son cours entre. Pitesci et Copàceni, soit à cause du réseau
de vallées latérales où se répartissent les hautes eaux.
III
Les renseignements dont nous disposons, permettent de saisir
quelques-uns des caractères essentiels du régime des rivières valaques,
et d’apprécier même l’originalité de quelques-unes. Ils sont encore
insuffisants pour déterminer exactement la nature de l’influence
qu’ils peuvent exercer sur le Danube.
Nous manquons en effet des données nécessaires pour calculer leur
débit moyen. Les profils établis pour la Jalomija à Slobozia, pour
l’Oltu à Slatina et Râmnic pour le Jiu à Malu Mare (embouchure)
et Târgu Jiu, sont les seuls qui aient été jusqu’à présent publiés par-
1. Chiru. Canalisarea rîurilor, loc. cit.