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M A L A D 1 E S D E L A P E A U.
CCLXXXV. Jc tlois pour tant faire remarquer ici que les eaux minérales sulfureuses ne sont particulièrement
salutaires que clans les Dartres accompagnées de l'inertie des propriétés vitales de la peau, et il faut observer
que ce cas est le plus ordinaire. Mais il est des circonstances où il importe de les interdire, particulièrement
chez les individus dont les nerfs sont facilement irrités, ou qui sont tourmentés de quelque autre levain morbifique
intér ieur , cornine, par exemple, chez certains goutteux, chez les épilnptiques et les convulsionaires.
Il est des personnes dont le tissu cellulaire contracte une telle susceptibilité par l'état maUulif, ([ue toute boisson
stimulante leur est infiniment nuisible. C'est pourquoi les praticiens ont observé que les eaux de liareges, d'Aixla
Chapelle, et autres eaux minérales analogues, ne font qu'exaspérer les symptômes de certaines maladies do
poitrine. J'ai eu souvent l'occasion de conl i rmcr ce fait. U n e dame étoit affectée d ' u n e Dar t r e squammeusc humide
{Herpes squammosus macUdans) elle avoit éprouvé de plus les premiers symptômes de la phthysie pulmonaire.
Elle voulut se met t r e à l'usage des eaux sulfureuses, qu'elle fut ensuite contrainte d'abandonner, parce
qu'elles l'incommodoient ù u n point extrême. Bordeu avoit vu qu'il étoit dangereux de les administrer dans les
Dartres entretenues par une cause scroplmleuse. J'ai été le témoin de ce fait dans deux circonstances. Certaines
irritations partielles, produites par un principe laiteux, doivent aaissi faire rejeter l'usage de ces eaux. Une
dame nouvellement accouchée, et qui avoit éprouvé les plus vifs chagr ins pendant qu'elle alaitoit son enfant , se
plaignoit d'une courbature générale dans tous les membres, de céphalalgies, de tintcmens d'oreiile, &c. Elle
voulut prendre les eaux de Barèges , qui lui causèrent des chaleurs d'entrailles intolérables, &c.
CCLXXXVI. Au surplus, ¡1 a r r ive sauvent que les eaux niinéralos sulfureuses sont manifestement indiquées;
et pourtant l'jige, "la susceptibilité nerveuse, mille autres circonstances, rendent le médecin timide dans l'administration
de ce remède. Que faut-il faire alors ? il faut en mitiger les doses à l'infini ; il faut donner au soufre
un excipient qui contre-balance l'activité trop grande de cette substance. Une femme dartreuse mit au monde
u n enfant atteint du même vice, à un très-haut degré. Cet enfant tomba dans un état de marasme et de
dépérissement qui donna des craintes pour sa vie. D'après mes conseils, il fut alors nourri avec le lait d'une
chèvre que je faisois soigneusement frictionner avec du soufre. On le baignoit avec assiduité; on huniectoit
sa peau avec des substances onctueuses. J'eus la satisfaction de le voir se rétablir d'une manière parfaite, par
ce trai tement simple , dans l'espace de huit mois. Depuis cette époque, j'ai constamment prescrit les mêmes
moyens curatifs aux femmes délicates chez lesquelles il étoit urgent de combat tre la diathèse dartreuse, et qui
n'avoient pu supporter le soufre sous d'autres formes.
CCLXXXVII. Indépendamment des moyens particuliers qu'on peut désigner aux praticiens comme spécialement
appropriés à la curation des Dar t res , il est des moyens généraux dont il importe de déterminer l'emploi
: tels sont , par exemple, les purgat i f s qui peuvent être, dans certains cas, d'un secours très-avanlageux ;
qui dans d'autres cas sont d'une nécessité indispensable. On observe que l'espèce de perturbation produite dans
l'économie animale, par l'action du soufre et autres préparations médicinales, donne constamment lieu à une
accumulation de matière saburrale dans l'estomac et dans le conduit intestinal. C'est alors une indication pressante
d'élimiuer ce foyer impur de l'intérieur des p remières voies. Si les purga t i f s sont négl igés, la guérison reste
incomplète ou peu durable. Au surplus, ces sortes de remèdes sont plus ou moins sagement employés, selon les
âges, les individus, les phénomènes concomitans , &c. Ils conviennent aux enfans, aux tempéramcns bilieux,
dans certaines saisons plutôt que dans d'autres.
CCl/XXXVIII. Parmi les autres remèdes internes el généraux que l'on met journellement en usage pour la
guérison des Dartres, les substances qui jouissent d'une propriété tonique, tiennent aussi un des premiers
rangs. Mais peut-être les auteurs n'ont-ils point iixé d'une manière assez précise les cas où il convient de les
administrer. Ces remèdes sont part icul ièrement utiles lorsque les voies digestives sont dans un état de langueur,
et que leurs fonctions sont imparfaites. C'est ainsi que les décoctions des plan tes amères favorisent singulièrement
la guérison des pauvres que l'on traite à l'hôpital Saint-Louis, et qui ont langui dans la misère et le besoin.
Indépendamment du vice dartreux, la plupart sont en proie à d'autres affections débilitantes, telles que
l'hydropisie, le scorbut , le marasme, la consomption, &c.
CCLXXXIX. Mais lorsqu"'on combat la diathèse dartreuse chez des personnes qui ont vécu dans l'oisiveté
et l 'opulence, qui vivent à des tables somptueuses, qui se gorgent d'une nourriture succulente, il vam mieux
recourir ù de simples délayans. Voil à pourquoi certains praticiens se bornent à administrer l'eau d'orge, l'eau
de gruau, le petit-lait clarilié, dont tant d'auteurs ont loué les bons effets. C'e.st alors qu'on place avec beaucoup
d'avantage les bouillons de poulet, de torluc, de grenouille, de vipèi'e, le lait d'ânesse ; enfin , tous les
remèdes adoucissans.
CCXC. Le régime de vie, les alimens, les boissons dont on fait journellement usage, doivent certainement
entrer dans le traitement interne des Dartres. La sympathie particulière de la peau avec les voies digestives,
doit interdire nécessairement tout ce qui peut troubler la marche de la nature. Il faut que le médecin
indique au malade les substances dont il doit se nour r i r prélerablcment. C'est une observation bien vulgaire,
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máis qui n'en est pas moins pleine de vér i té, que les viandes salées ou fumées, que les ragoût s dont on rehausse
la saveur par les épiceries, que les l iqueurs alkooliques, que les vins spiritueux, donnés dans leur état de pureté,
r e t a r d e n t , empêchent, ou contrarient du moins la solution naturelle des éruptions herpétiques. Je puis dire
avoir constaté par une foule de faits qu'il seroit minut ieux de rapporter , que toutes les nour r i tur e s échauffantes
sont dans une opposition véritable avec l'effet des remèdes, et lorsque j'étois attentif à la marche et aux changemens
de l 'érupt ion, je reconnoissois constamment le lendemain les écarts de régime que les malades avoient
commis la veille. Rien n'est donc plus nécessaire que de surveiller les malades sur le choix des alimens et des
boissons.
A R T I C L E XI.
Du Traitement externe employé pour la guéri-son des Dartres.
CCXCÏ. On peut prononcer avec assez de certitude sur le traitement externe employé pour la guérison des
Dartres; car la plupar t de ces maladies n'ayant leur siège que dans la peau, elles sont directement attaquables
par l'action des topiques. Les effets curatifs sont en conséquence plus prompts et plus manifestes que dans le
traitement interne; les résultats que l'on obtient sont plus précis et plus positifs. N'exposons ici que ce qui
a été irrévocablement fixé par l'expérience ; ne donnons rien à l'empyrisme : que tout soit exact et r igoureux !
CCXCII. Pour ne commet tr e aucune erreur sur la nature des topiques qui conviennent le mieux à telle ou à
telle espèce d'affection herpét ique, le praticien doit examiner en premier lieu quel est l'état des propriétés
vitales de la peau. Lorsque l'appareil tégumeutaire est rouge et enflammé, lorsque les Dartres sont vives et
récentes, l'application des émolHens est par t icul ièrement profitable, et diminue bientôt l'intensité de l'éruption.
Bien loin de suivre cette méthode, le charlatanisme et l'ignorance exaspèrent ces maladies par des emplâtres
astringens, par des lotions irritantes, qui causent des métastases funestes, et donnent lieu à des accidens graves.
CCXCIII. Dans cette circonstance, les bains tièdes conviennent principalement, et il est peu de topiques
qui soient aussi efficaces. Je traitois à l'hôpital Saint-Louis une Dartre squammeuse humide ( i îe/pes squajiimosus
madidans ), qui étoit universellement répandue sur les tégumens. Cette éruption se dissipa par l'effet
des simples bains tièdes, pris tous les jours et pendant l'espace de deux heures. La peau devint peu à peu moins
rouge, et se nétoya entièrement. J'ai vu plusieurs faits de ce genre sur des enfans, sur des adul tes, sur des
vieillards. Un sexagénaire se guérit d'une Dartre furfuracée a r rondi e ( Herpes furfiiraceiis ciivinatus ), en se
plongeant avec assiduité dans une décoction de plantes émollientes. Les bains tièdes conviennent donc dans
presque toutes les affections herpét iques. Non-seulement ils concourent à la guérison, mais ils peuvent l'opérer
dans quelques circonstances sans l'intermède d'aucun autre moyen curatif. J'ai été constamment si convaincu
de cette vérité, qu'à l'exemple des anciens je fais souvent préparer des bains médicinaux avec l'amidon, la
graine de lin, le mucilage de plantes malvacées, dans l'intention d'appaiser le prurit violent qui tourmente
la peau. Je fais administrer des bains d'huile , de lait, &c.
CCXCIV. Dès la plus haute antiquité, on regarda les bains comme le plus puissant moyen curatif des
Dartres, et de nos jours on revient plus que jamais à ce secours salutaire. Non-seulement on en fait un plus
grand nombr e d'applications, mais on sait mieux apprécier les effets de leurs différentes températures , de leur
état de liquidité ou de vapeur. Un des points sur lesquels les modernes l'emportent de beaucoup sur les
anciens, c'est la perfection qu'on a apportée dans l 'administrat ion des bains d'eaux minérales j et de nos jours
encore, l'industrie humaine a été plus loin. Les procédés de la chimie pneumatique imitent les eaux naturelles
avec une certitude qui tient du prodige, et des établissemens précieux à l 'humani t é se sont élevés dans plusieurs
grandes villes de l'Europe ; il faut sans contredit mettre au premier rang celui qui a été fondé à Paris, par
MM. Triayre et Jurine : c'est la maison des eaux factices de Tivoli qui a été le théâtre de mes observations
particulières. Je pourroi s citer une foule de guérisons. Je me borne à rappeler les cas qui suivent, en les abrégeant.
Premièr e Observation. Un homme âgé de cinquante-deux ans, d'une constitution caractérisée par la
prédominance bilieuse, étoit tourmenté par une Dar t r e squammeuse lichenoïde {Herpes sqicamrnosiis lichenoïdes),
qu'il portoit depuis fort long-temps. Dans son pays natal on l'appeloitle lépreux. Il avoit consulté les
médecins les plus luibiles. On avoit eu recours aux remèdes qui sont communément employés dans les maladies
cutanées. Il avoit pris une énorme quantité de bains domestiques. Tous les p r int emps , il faisoit usage des sucs de
f u m e t c r r e , d e trefile d ' e a u , de douce-amère, &c. ;rien n'avo it réussi. On s'imagina alors que son affection étoit do
nature syphilitique. Les anti-vénériens furent vainement invoqués. Lorsqu' i l vint m e consulter, je lui conseillai,
cntr'autres remèdes, les bains et les douches avec l'eau sulfureuse artificielle, à la température de vingt-Juiit à
t r e n t e degrés. Ce moyen, convenablejnent continué, le rétablit parfaitement, au point qu'il n'a point eu de
rechute. ¿ei/a;¿¿/«c Observation.Vix homme de lettres for tcélèbre,parei l lementdoué d'un tempérament bilieux,
avoit contracté, par l'effet d 'une vie trop laborieuse et trop sédentaire, une Dartre squammeuse \i\xnùàe{Herpe$
squanwiosus madidcuis). Celle Dartre avoit son siège à la partie antérieure de l'abdomen. On avoit inutilement
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