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les aisselles, à la partie interne des cuisses, au pli des jarrets; Téruplion syphilitique s'élendoil en pustules
plates, d'un rouge cuivreux, également élevées sur tous les points , exhalant une humeur séro-jaunâtre, qui
se translornioit en croûtes verdàtres. Ces croûtes occupoient le bord des grandes lèvres, les sourcils, le Iront
et les ailes du nez. Ces deux aiTections ont été successivement guéries par les procédés qui leur conviennent.
CCXVII. Les Dartres s'allient très-souvent à la diathèse scrophuleuse. Dans ce cas, elles ont un masque
particulier que reconnoissent facilement les praticiens exercés et instruits. Les Dartres entretenues parune semblable
cause, forment des Zones relevées dans leurs bords par des végétations charnues et qui se recouvrent
d'une croûte verdâtre. Elles occupent le plus souvent le visage. Cependant, on les trouve aussi sur les autres
])artics du corps ; car j'en ai rencontré jusque sur la plante des pieds. Ces Dartres ont presque toujours le caractère
rongeant. La peau est enflammée et d'un rouge amarantlie. Celte complication du vice scrophuleux avec le
vice herpétique, résiste presque toujours aux moyens curatifs que l'on emploie.
CCXVIIL Les Dartres peuvent aussi s'unir au scorbut. Cette complication est une de celles que l'on rencontre
le plus ordinairement à l'hôpital Saint-Louis, qui est l'asyle des indigens atteints de ce genre de maladie. La
mauvaise nourriture, l'habitation des lieux humides et malsains, la rendent extraordinaireraent fréquente. J'ai
observé que la Dartre pustuleuse couperose [HerpespustiilosusgiUta-JVsea) étoit presque toujours compliquée
du gonflement des gencives. Los Dartres compliquées de la présence du scorbut, se manifestent aux extrémités
inférieures, rarement dans d'autres parties du corps. La peau est d'un rouge foncé, et semée de teintes
bleuâtres. Les écailles sont Cnes, luisantes et comme vernissées. Il s'y forme des croûtes, qui sont tuberculeuses,
d'une couleur noirâtre ou cendrée, et restent long-temps adhérentes à la surface du derme, &c. Je
vais rapporter un fait où cette complication étoit très-bien caractérisée. Le nonnné Bustel, âgé de vingt-six
ans, qui, dans son enfance, avoit été sujet aux engorgemens lymphatiques, éprouva, sur le bras gauche, une
éruption de petites pustules très-nombreuses. Ces pustules augmentèrent un peu de volume, et se changèrent
en écailles furfuracées. L'épiderme étoit ridé dans les intervalles qui séparoient les boutons; ces boutons cou-
M-irent bientôt la poi trine, l'abdomen, les cuisses, les jambes, &c. Le malade tomba en outre dans un abattement
extrême. Visage pâle et bouffi, gencives fongueuses et saignantes, lassitude, morosité, tristesse. Après un
mois, l'éruption fut générale; mais elle étoit beaucoup plus marquée k la partie antérieure du corps qu'à la
partie postérieure. Les jambes étoient tuméfiées et couvertes de taches larges et violacées. Lorsque le prurit
avoit lieu sur un point des tégumens, il se répandoit bientôt par tout le corps, comme par ime espèce d'irradiation.
Mais les souffrances de cet infortuné étoient intolérables, lorsqu'il s'étoit gratté avec violence.
CCXIX. Indépendamment des complications dont nous venons de parler, d'autres circonstances peuvent
influer singulièrement sur la nature des Dartres. Telle est la susceptibilité morbilîque qu'acquiert souvent le
tissu cellulaire, après des couches laborieuses, ou une lactation brusquement interrompue. J'ai porté mon
attention particulière sur les Dartres communément appelées laiteuses. Il en est d'un très-mauvais caractère,
qui surviennent quelquefois après la suppression des lochies. Les iemmes qui en sont affectées ressentent des
douleurs poignantes dans l'intérieur de la tête, des tintemens d'oreille insupportables. J'ai observé que ces
douleurs, qui se calment par intervalles, augmentent par l'usage des bains, et devieunent alors beaucoup plus
aiguës. Quant à l'exsudation croûteuse qui a lieu en pareil cas, elle constitue la variété que j'ai décrite sous le
nom de Dartre crustacée flavescente ( Herpes crustaceusjlavescens). J'ai vu cette Dartre à la suite d'une couche
très-laborieuse, chez la nommée Anne Fer ry, qui ne se crut pas capable de nourri r son enfant; aussi-tôt après,
elle ressentit un violent mal de tète et un catarrhe nasal, lequel fut suivi d'une excrétion abondante de mucus
pituiteux. Bientôt il se forma sur toute la périphérie de la peau une éruption croûteuse, de couleur jaune.
Ces croûtes tomboicnt après quelques jours, et ne tardoient pas à reparoître.
CCXX. J'ai noté dans cet article les traits les plus saillans qui distinguent le genre des affections herpétiques.
Je n'ajouterai plus rien au tableau que je viens de tracer. J'ai exposé le résultat de mes observations
avec la concision la plus sévère. Les sciences brillent j)ar la nouveauté des faits, plutôt que par le choix des
expressions.
A R T I C L E J T.
Des rapports d'analogie observés etitre les Dartres et les autres Maladies.
CCXXÏ. Une sorte d'affinité paroît lier les Dartres avec divers ulcères et pustules de la peau. En effet, les
mômes causes produisent souvent ces affections différentes. Les symptômes qui les constituent sont fréquemment
les mêmes. Dans beaucoup de cas, on leur oppose le même traitement avec succès. Enfin, cette analogie se
montre jusque dans les accidcns qui sont ([uelquefois la suite de ces maladies; telles sont leurs métastases sur
quelques organes principaux, &c. Cependant, comme il existe des caractères à l'aide desquels il est facile de
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distinguer les espèces et les variétés des Dartres, il y en a aussi qui servent à différencier ce genre d'éruption
des autres altérations cutanées. Il suffit d'établir une comparaison rapide entre les Dartres et ceux des exanthèmes
avec lesquels on pourroit les confondre.
. CCXXII. Quelques praticiens, séduits par les apparences extérieures, ont paru méconnoître les vrais caractères
qui distinguent la Dartre furfuracée de la teigne porrigineuse; mais l'iiabitude d'une saiue observation fait toujours
éviter l'erreur. En effet, lorsque la première de ces affections attaque le cuir chevelu ( circonstance assez
rare), elle s'y manifeste d'ordinaire par des plaques arrondies, circonscrites, sèches, et très-relevées sur la peau,
qu'un oeil exercé apperçoit sans peine ; et presque toujours les individus (jui en sont atteints ont dépassé l'âge
de la puberté. Au contraire, la Teigne dont il s ' a g i t ( y î / z / w / w c e a ) consiste le plus souvent dans des
couches continues et irrégulières d'écaillés humides, lesquelles forment des croûtes molles, en se collant les
unes aux autres. D'ailleurs cette teigne se manifeste rarement chez les adultes.
CCXXIII. On a cru remarquer une certaine analogie entre la Dartre squammeuse et les gourmes muqueuses
de l'enfance; mais je n'ai jamais vu cette Dartre occuper le cuir chevelu dans un âge aussi tendre. D'ailleurs, le
suintement qu'elle occasionne n'est pas de la même nature. La Teigne muqueuse ( Tinea muciflua ) se compose
d'un amas de croûtes d'un jaune flavescent, qui ressemblent à du miel par leur consistance, et qui ont l'odeur
fétide du lait aigri. On ne peut pas non plus confondre une éruption d'un caracîère aussi opiniâtre avec l'intertrigo
des nouveau-nés , affection légère et fugitive qui est de très-peu d'importance.
CCXXIV. Je m'étonne que certains médecins ayent confondu la Dartre pustuleuse avec la gale; car indépendamment
de leur caractère non contagieux, les boutons qui constituent le premier de ces exanthèmes,
n'ont ni la même marche, ni le même siège. Les boutons de la Dartre pustuleuse sont durs, profonds, pyramidaux,
arrivent lentement à la suppuration, impriment à la peau une teinte rosacée, se montrent rarement aux
mains ou au pli des articulations, viennent le plus souvent au visage, que la gale ne souille jamais, &c.
CCXXV. La méprise n'est pas moins extraordinaire, si l'on veut assimiler la Dartre rongeante au cancer.
Car si ces deux maladies se ressemblent par le phénomène de l'érosion des parties, elles diffèrent essentiellement
par une foule d'autres caractères. La Dartre rongeante {Herpes exedens') débute par un simple boulon pustuleux
; le cancer, par un tubercule plus ou moins dense, dont le volume et la profondeur s'accroissent lentement ;
quand la tumeur vicut à abcédcr, ses bords gonflés et renversés, ses excavations, ainsi que le pus sanieux,
verdâtre et fétide qui en découle, et sur-tout les douleurs déchirantes qu'il occasionne, les veines variqueuses
qui rendent son aspect fongueux, livide et noirâtre, &c. n'ont rien qui soit propre à l'ulcération de la Dartre
rongeante. J'ai fréquemment interrogé les malades atteints de cette affection sur le genre de souffrance qu'ils
éprouvoient; la plupart m'ont dit n'être tourmentés d'aucune sensation douloureuse. Quelques-uns seulement
se plaignoient d'une tension incommode dans les parties ulcérées. ¡Mais il n'y a ni brûlement, ni lancination.
L'odeur de la suppuration n'a rien de repoussant.
CCXXVI. On a comparé la Dartre crustacée, la phlycténoïde et l'érythémoïde, avec l'érysipèle. Tous les
auteurs ont fait mention de cette analogie, et ont cherché leurs différences. Herpes pruritu, dit Fernel, erysipelas
chlore ac ardore torquet. Ces éruptions, à la vérité, se déployent quelquefois avec une sorte de fièvre. Il y a
rougeur, chaleur, tension et tuméfaction des tégumens. Mais malgré cet appareil inflammatoire, elles persistent
beaucoup plus long-temps que l'érysipèle dans les parties qu'elles occupent. J'ai vu la crustacée, la vésiculeuse,
l'crithénioïde, se manifester pendant des années entières. Lorsqu'elles s'éteignoient dans un endroit du corps,
elles se réveilloient dans d'autres. En est-il de même de l'érysipèle, qui n'attaque le plus ordinairement que le
visage, et se termine par une desquammation farineuse ?
CCXXVII. Soit que les Dartres se manifestent par des écailles, soit qu'elles se manifestent par des croûtes,
elles ont des caractères tranchés qui les distinguent des différentes espèces de lèpres. Car ces squammes herpétiques
sont lisses, plates, transparentes, et souvent presqu'aussi lines que les pelures d'oignon, tandis que les
écailles de la lèpre sont larges, rugueuses, opaques, et souvent presqu'aussi épaisses que la peau de certains
animaux. La même différence s'observe entre les croûtes qui appartiennent à l'un ou à l'autre de ces deux
genres d'affection. Les croûles des Dartres sont plates, jaunâtres, et n'occupent qu'un très-petit espace. Celles
de la lèpre sont larges, tuberculeuses, inégales dans leur surface, profondément sillonnées, d'une couleur verdâtre
ou noirâtre, et laissent après leur chute des cicatrices profondes et considérables. Il est des auteurs qui
ont confondu le leuce ou l'alphos avec la Dartre squammeuse humide. Mais l'alphos pénètre plus profondément
la substance des tégumens, et la frappe d'une insensibilité marquée. Il y a d'ailleurs une dépression très-remai--
quable dans le centre de la tache qui sert de base à celle éruption funeste, et une sorte de racornissement dans
le derme, qu'on n'observe jamais dans la marche de la Dartre dont il s'agit. Je reviendrai sur ces différences,
lorsque je traiterai des affections lépreuses.