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xiv DI S C O U R S
J. XXXIV. Dans les sciences physiques, beaucoup de vérités ne restent inconnues, que
parce qu'on ignore les vérités intermédiaires. L'étude approfondie des maladies dont nous
traitons, n'est donc pas uniquement propre à nous éclairer sur tous les faits relatifs à la sensibilité
et à l'irritabilité de la peau ; elle parviendra peut-être quelque jour à nous révéler la
physiologie entière des parties diverses qui constituent cette merveilleuse enveloppe , ou qui
correspondent plus ou moins directement avec elle. Déjà, en suivant une méthode inverse
de celle qui dirige communément les esprits dans l'apprentissage de notre art , par la contemplation
des Teignes et de la Plique, nous sommes arrivés à des idées nouvelles sur les
fonctions des tégumens de la tête et des cheveux : l'histoire des Dartres nous a initiés davantage
dans l'action mystérieuse du tissu réticulaire et du corps papillaire ; celle des éruptions
écailleuses nous a mieux fait apprécier la nature de l'épiderme. Déjà mes recherches sur les
Scrophules m'ont conduit à des notions plus certaines sur l'économie vitale des Glandes et
d u système lymphatique. Qui sait enfin, si des méditations plus prolongées sur les symptômes
all'reux de l'Eléphantiasis, n'ajouteront pas à nos découvertes sur l'appareil cellulaire, et si un
examen plus exact des exostoses et des caries vénériennes , ainsi que de tous les phénomènes
qui leur appartiennent, ne résoudra pas quelque problême sur l'acte physiologique de l'ossification
, qui a déjà coûté tant d'expériences !
S. XXXV. Toutefois, aucun phénomène ne me semble plus susceptible d'être éclairci par
l'étude de la Pathologie cutanée, que celui de ces étonnantes sympathies, qui font continuellement
correspondre les dillerens systèmes de l'économie animale. Ce sujet est toujours nouveau
pour les Observateurs physiologistes ; la connexion la plus frappante est, sans contredit,
celle du système dermoide avec les membranes muqueuses de l'estomac, dans les premiers
paroxysmes de la Petite-Vérole : ce dernier organe se contracte dans cet exanthème, et est
violemment irrité par des nausées ou par des vomissemens. L'appareil respiratoire n'est pas
moins lié avec la peau, qui se couvre d'une efflorescence làrineuse dans la troisième période de
la Phthisic pulmonaire. Si l'on pouvoit ignorer les sympathies du système dermoide avec les
parties génitales, il n'y auroit qu'à rappeler que l'infection syphilitique de ces parties, coincide
souvent avec les ulcérations de l'intérieur de la gorge. Mais le lait le plus remarquable que nous
ayons découvert par la Pathologie cutanée, est celui d'une lemme de mauvaise vie, atteinte
d'une Dartre furfuracée qui occupoit tout le sein gauche : toutes les fois qu'elle graltoit longtemps
le mamelon malade, elle étoit entraînée dans des pollutions voluptueuses. Un habitant
d'Arras vint me consulter. Il avoit une émission de liqueur séminale , quand il cherchoit à
appaiser le prurit violent qu'excitoit, à la marge de l'anus, la présence d'une Dartre miliaire.
Lorry raconte qu'un sexagénaire éprouvoit une démangeaison insupportable à la cuisse, et
qu'en se grattant, il ne tardoit pas à être affoibli par une éjaculation abondante. Qui ne sait
pas que les appétences vénériennes deviennent souvent extraordinaires chez les individus
affligés d e certaines maladies de peau, sur-tout lorsque ces affections ont envahi la totalité du
système dermoide? Quelquefois aussi, par l'atonie universelle de ce même système, il se manifeste
un phénomène absolument contraire. J'ai cité naguère l'exemple d'un malheureux matelot,
qui, pendant l'hiver, s'étoit plongé dans la Seine jusqu'aux reins, et chez lequel la peau,
accidentellement frappée d'une rigidité morbifique, détermina une impuissance virile dont il
ne s'est jamais rétabli. On verra dans le cours de cet ouvrage, que des maladies cutanées,
parvenues à un degré d'intensité très-considérable, ont retardé la puber t é dans les deux sexes,
et ont radicalement énervé l'appareil de la reproduction. Pallas, dans son Koyage en Russie,
rapporte que les Cosaques du Jaik sont très-fréquemment attaqués d'une lèpre endémique
dans les contrées qu'ils habitent. Cette lèpre , accompagnée de douleurs vives dans les
articulations, attaque d'ordinaire ceux qui sont à la fleur de l'âge, et pourtant elle donne une
aversion invincible pour les plaisirs de l'amour. .le m'abstiens d'alléguer d'autres liiits pathologiques,
qui démontrent qu'en général, plus est important le rôle que joue un organe dans
l'économie animale, plusses relationsavec les autres organes sont intimes et étendues. La peau est
P R É L I M I N A I R E .
l'aboutissant commun de tous les nerfs, de tous les vaisseaux artériels, veineuj cl lynipliali(|ijes ;
elle est le foyer le plus actif de la sensibilité humaine; toutes les parties élémentaires du coi-ps
concourent à la former ; chacune de ces parties lui imprime, pour ainsi dire, des propriétés
de sa façon. Faut-il s'étonner du nombre et du pouvoir de ses influences sympathiques, dans
ses divers états de maladie ?
%. XXXVI . L'histoire physiologique des correspondances que la peau entretient avec les
autres systèmes de l'économie vivante, jette nécessairement un jour nouveau sur les rélropulsions
des maladies cutanées. Quoiqu'on ne puisse pas dire rigoureusement que la matière, ou les
humeurs particulières qui signalent extérieurement ces maladies, puissent se déplacer d'un
organe à l'autre, il s'opère néanmoins des refoulemens et des transports manifestes de l'irritation
morbifique, lorsqu'une issue quelconque lui est fermée. En général, nous avons observé
que le phénomène des rétropulsions étoit d'autant plus pernicieux , qu'il a lieu dans les exanthèmes
que les Médecins cliniques regardent comme étant en quelque sorte déjmraloires : de
ce nombre sont les Varioles, les Rougeoles, les Fièvres miliaires, les Erysipèles de divers
genres, etc. Souvent , sans autre signe précurseur qu'un léger frisson métaslalique , ces exanthèmes
abandonnent soudainement la peau, pour se jeter sur quelque viscère important, et
en détruire la vitalité : dès-lors l'acte de la coction est interrompu ; il survient de l'anxiété,
une suffocation véhémente, des défaillances ; la mort arrive en quelques heures. Quelquelois
pourtant la nature parvient à se débarrasser; la crise se déclare aussi-tôt par des douleurs
énormes dans les bras et dans les cuisses, par un flux d'urine plus abondant , ou par la formation
d'un abcès. C'est ce dernier procédé que nous imitons , lorsqu'en pareil cas nous pratiquons
des vésicatoires, des cautères et autres émonctoires. Pour ce qui est des exanthèmes
chroniques, leur rétropulsion ne s'exécute point communément d'une manière aussi prompte :
cependant il peut arriver que ces maladies reportent leurs effets irritans vers le cerveau, vers
le poumon, ou vers d'autres parties non moins essentielles de forganisation. .T'ai vu à l'hôpital
Saint-Louis , la répercussion de la Gale produire un accès de folie chez une femme ; une
infiltration universelle du tissu cellulaire chez un enlimt. J'ai vu les Dartres déterminer l'apoplexie
, le catarrhe suilocant, etc. Une ouvrière en linge avoit une Teigne furfijracée, dont
elle parvint à se délivrer par des lotions réitérées d'eau de Saturne. Elle devint aveugle. Depuis
cette époque, son triste état s'est un peu amélioré par les purgatifs. La Gourme muqueuse, par
ses métastases, cause des diarrhées, des gonflemens dans lesarticulations et dans le bas-ven Ire des
enfans ; par une action plus fatale encore, elle attaque les glandes du mésentère , et trompe les
regards par une bénignité apparente. Il paroitqueles rétropulsions des Maladiescutanéesavoient
été observées par les anciens maîtres de l'art, et f|u'ils les rcgardoient comme très-redoutables.
J'ai pourtant obtenu des succès dans leur traitement, par le secours des emplâtres vésicans ;
quelquefois aussi , tous les moyens qu'on emploie , sont infructueux pour les combattre ;
alors elles sont d'autant plus à craindre , qu'elles sont peu apparentes , et qu'on ne s'apperçoit
que fort tard de leur danger ; il n'est pas rare de voir que les malades s'applaudissent
de leur guérison , parce que l'affection ne donne plus aucun symptôme d'irritation
et d'existence : cependant les viscères deviennent squirreux. Lorry se souvenoit d'avoir
vu , à Lyon , un homme qui , d'après le conseil d'un charlatan , avoit opéré la répercussion
d'une Dartre , à l'aide d'un topique astringent. Il n'éprouvoit aucune douleur ; mais
son foie resta singulièrement endurci. Au surplus , j'ai eu occasion d'étudier , dans l'hôpital
Saint-Louis, les signes précurseurs de la rétropulsion des Maladies cutanées. On doit
juger qu'elle est sur le point de s'efTectuer , lorsque le système dermoide reprend la couleur
qui lui est p ropre, et que l'individu n'entre pas néanmoins dans une complète convalescence ;
quand les accidens intérieurs semblent augmenter aux dépens des accidens extérieurs ; lorsqu'il
y a du trouble dans les fonctions naturelles ; lorsqu'il se manifeste des anxiétés précordiales
, des vertiges , des douleurs articulaires, etc. ; enfin j'ajouterai , comme un dernier
résultat de mes observations cliniques, que les rétropulsions morbifiques sont essentiellement