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CCXXVItl. Toutes les fois qu'une maladie quelconque, particulièrement une maladie lymphatique, porte
son impression sur le système dermoide, elle y produit une desquammation qui a le plus grand rapport avec
les Dartres. On observe fréquemment ce phénomène chez les goutteux et chez les femmes qui ont eu des fleursblanches
supprimées. Quel est le praticien qui n'a pas vu le vice herpétique succéder au défaut des hémorroïdes
ou à une aménorrhée rebelle ? Ou voit souvent d<;s maladies graves des viscères se terminer par une
éruption dartreuse , au moment où le danger étoit le plus imminent. C'est ce qui arrive à certains phthysiques,
qui s'en trouvent cxlraordinairement soulagés. Mon élève, M. Bictt, observoit depuis plusieurs mois une dame
atteinte d'une fièvre quarte, compliqu-ée d'un engorgement de foie. Cette fièvre a disparu au printemps dernier,
aussi-tôt après l'éruption d'une Dartre furfuracée qui couvroit les deux avant-bras et les mains. Tous les soins
de l'art se bornoieut à maintenir la Dar t r e dans un état stationnaire, et à combattre l'engorgement du foie par
des moyens généraux. Cependant, au bout de deux mois raffection dartreuse se dissipa, et la fièvre revint avec
intensité. Dès-lors, on employa tout ce qui pouvoit rappeler au dehors ralTcction cutanée, les frictions sèches,
les douches légèrement excitantes, les boissons sudoriliques, &c. Enfin, la Dartre commença à reparoître aux
deux jambesj les accès fébriles d iminuèrent , et cessèrent entièrement aussi - tôt que cette éruption se>i"ut étendue
comme auparavant.
tÍFlivi,';
A R T I C L E III.
Des Métastases dartreuses.
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CCXXIX. Les métastases dartreuses sont un phénomène pathologique dont les praticiens recneillent journellement
des exemples funestes. Elles s'opèrent ordinairement dans les organes qui sympathisent le plus
intimement avec la peau. Frank cite l'observation suivante : un homme hypocondriaque et d'un caractère
très - irascible, étoit sujet à des vertiges et à d'autres incommodités dont il avoit été délivré par l'éruption
d'une Dartre squammeuse à la plante des pieds. Cependant, ce malade voulut être traité par des remèdes
acres et spiritueux. Il survint une hydrocele qui fut guérie par la section du testicule, et la plaie étant déjà
fei'mée, sa superficie fouruit une exsudation séreuse de plusieurs onces par jour, pendant deux semaines, à
son grand soulagejnent. Mais cet homme, rebelle aux avis, ferma cet exutoire; et d'abord il se déclara une
hépatite qui, après sa guérison, fut suivie d'un délire maniaque , lequel dura plusieurs mois. La cicatrice
du scrotum s'étant rouverte, il s'en écoula une quantité nouvelle de sérosité, qui bientôt se dessécha. Dès -lors,
apparition d'uiie Dartre miliaire et puis rongeante, accompagnée de douleurs atroces. Cette éruption étant de
nouveau répercutée par des remèdes externes, le malade fut tourmenté d'une douleur d'oreilles très-vive.
Celle-ci étant heureusement dissipée, la Dartre revint aux jambes, et avec elle la sauté se rétablit. Enfin, par
TefTet d'une dernière répercussion de cet exanthème, causée par une maladie vénérienn(i, douleur pungitive
dans la poitrine, crachats sanguinolens et ensuite purulens, avec maigreur extrême, et autres symptômes de
phthysie pubnonaire
CCXXX. J'ai été témoin à l'hôpital Saint-Louis du transport d'une irritation herpétique sur l'organe de la
vue. Anne Jourdet , ouvrière en linge, fut atteinte d'une Dartre pustuleuse au ris&gQ {Herpes pustuLosus guttarosea),
qui lui survint à la première apparition des règles, c'est-à-dire vers l'âge de quinze ans. Cette Dartre se
déclara par de très-petits boutons qui suppuroient lentement et se convertissoient en petites croûtes. Elle
disparut par l'effet de plusieurs topiques réfrigérans; il se déclara une ophthalmic qui prit un caractère ciironique,
avec perte de la vue. Un an après, retour de l'affection dartreuse, par l'application d'un séton à la nuque. Ou
employa vainement et tour-à-tour les sang-sues, les vésicatoires, les scarifications légères ; on ne retira de ces
moyens qu'un mieux peu sensible, qui se soutient toujours au même degré. Mais la malade ne supporte qu'avec
diffàcullé les rayons lumineux.
CCXXXI. L'exemple que je vais rapporter n'est pas moins déplorable. Une dame, âgée d'environ soixantecniq
ans, avoit une Dartre squammeuse humide ( Herpes squammosus madidans ) qui lui couvroit toute la
partie antérieure de l'abdomen. On s'avisa d'arrêter ce suintement considérable avec de la farine très-chaude.
Q u ' a r r i v a - t - i l ? L'éruption s'évanouit vers le huitième jour de cette application funeste. Mais depuis celte
époque, la malade éprouve un sentiment de cuisson insupportable, dans l'intérieur de l'estomac et des intestins.
Elle est dévorée d'une soif ardente, qui la contraint à boire dans tousles instans du jour j et cette soif n'est
jamais étanchée, quoique la malade porte toujours avec elle des bouteilles remplies de liqueurs mucilagiueuses
et rafraîchissantes. Sa salive est devenue épaisse, fétide et comme plâtreuse. Pour comble d' infortune, ses yeux
sont totalement perdus. La malade est continuellement dans les larmes et le désespoir.
CCXXXn. Les Dartres se répercutent fréquemment sur la poitrine, et paroissenl séjourner plus ou moins
long-temps sur la surface secrétoire dont les poumons sont revêtus. Quand cet accident survient, la respiration
devient pénible et même douloureuse. La sortie de l'air est souvent accompagnée d'un bruit sourd, assez
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semblable à celui que l'on observe dans l'inllammalion de la trachée, désignée sous le nom de croup, ou dans
quelques cas de dypanée, &c. J'ai particulièrement observé ces symptômes chez la nommée Julie Picard , (jui
avoit pria inconsidérément un bain froid. Je ne parvins à les faire cesser qu'en rappelant l'affection herpétique
à la surface du corps, par l'application d'un large vésicatoire sur la poitrine, et par l'administration des plus
puissans diaphorétiques.
CCXXXIIL Les auteurs allèguent une multitude de faits qui constatent le transport des Dartres vers le foie,
versl'utérus, vers la vessie et vers d'autres viscères, ou de ceux-ci vers la périphérie cutanée , sans accidena
fâcheux; ce qui prouve avec évidence que ce genre d'éruption peut atteindre les membranes muqueuses,
aussi bien que les tégumens extérieurs. Divers symptômes se manifestent dans cette circonstance, selon le siège
qui est spécialement affecté.
CCXXXÏV. Y a-t-il des signes pathognomoniques qui indiquent des maladies produites par la rétropulsion
des Dartres? Ce phénomène est presque toujours apprécie avec justesse dans l'intérieur de l'hôpital Saint-Louis,
el il est rare que l'on se trompe. Lorsqu'on voit que la fièvre est violente, sans avoir été précédée d'aucune cause
grave et manifeste j lorsque, sans aucun accident prévu, le malade est livre à des symptômes et à des douleurs
d'une violence extraordinaire, alors on soupçonne avec fondement la répercussion du virus herpétique sur
l'organe vers lequel se porte l'impétuosité de la maladie. Mais sur-tout il n'y a plus de doute, si le malade ou
les assistons avouent qu'une Dartre s'est dissipée d'une manière subite.
A R T I C L E lY.
Des Causes organiques qui influent sur le développement des Dartres.
CCXXXV. Combien d'auteurs se sont égarés en voulant rechercher les causes organiques qui influent sur le
développement des Dartres ! L'imagination s'est épuisée en vaines et futiles conjectures. Certains ont allégué
l'acrimonie de la bile et de la pituite, un vice particulier de la sérosité du sang, ou des autres humeurs de
l'économie animale. Plusieurs ont accusé des diatheses acides, alcalescentes, &c. D'autres, enfin, avec plus de
vraisemblance, ont rapporté ces éruptions opiniâtres à la manière vicieuse dont s'effectue la transpiration
insensible. La peau est une sorte d'émonctoire universel, destiné à purger le corps d'une multitude de particules
salines, glutineuses, huileuses, &c. Lorsque ces matières excréraentitielles se rassemblent sous l'épiderme,
elles y forment des points d'irritation qui interrompent plus ou moins dans son exercice la fonction si nécessaire
des exhalans cutanés.
CCXXXVL Parmi les causes organiques des Dartres, il faut compter en second lieu la disposition héréditaire.
Que d'exemples ne pourroit-on pas citer ! J'en ai rassemblé un très-grand nombre dans les recherches que j'ai
faites durant plusieurs années, à l'hôpital Saint-Louis. J'ai vu des enfans qui manifestoient absolument la
même affection herpétique dont leurs parens avoient été infectés. J'ai donné des soins à une famille dans laquelle
tous les mâles, au nombre de trois, étoient tourmentés de la Dartre pustuleuse mentagre. Il y avoit deux filles,
toutes les deux atteintes de la pustuleuse disséminée; le même accident s'étoit montré chez leur père et chez
leur aïeul. Les Dartres furfuracées, les squammeusos, les crustacées, les rongeantes, les vésiculeuses ou phlycténoïdes,
&c. peuvent également se transmettre par la voie de la reproduction. C'est sur - tout alors qu'elles se
montrent rebelles aux méthodes de traitement que les praticiens leur opposent. Dorothée Argan fut en proie aux
accidens de la Dartre squammeuse humide quinze jours après sa naissance ; elle conserva cette affection toute sa
vie. Cette Dartre s'étoit d'abord répandue sur toute la surface du corps j mais à l'époque de la puberté, elle parut
se concentrer sur la joue gauche, et diminuer d'intensité. La peau de cette fille étoit habituellement sèche et
rude au toucher, jamais couverte de sueur, malgré les travaux pénibles auxquels elle se trouvoit assujétie.
CCXXXVII. L'influence du tempérament physique sur la production des différentes espèces de Dartres est
d'une évidence frappante. On observe, par exemple, que les individus qui ont les cheveux blonds et la peau
blanche, sont principalement sujets à la Durtre furfuracée ou à la Dartre squammeuse. En effet, chez tous ces
individus, la fibre est d'une excessive mollesse, el le mouvement des fluides très-ralenti. Le tempérament
sanguin est particulièrement sujet à la Dartre crustacce flavcscentc. Le tempérament bilieux ou mélancolique
dispose ¡lia Dar t r e pustuleuse, et particulièrement à la variété que nous avons désignée sous le nom de Mentagre.
Cette alfection cutanée est communément liée à un embarras du foie et de la rate. Ces viscères se débarrassent
péniblement de leurs excrétions, &c. Toutefois, on peut généralement assurer que les constitutions lymphatiques
sont celles qui sont le plus accessibles aux affections dartreuses.
CCXXXVIII. Il n'est pas rare de voir les Dartres succéder à la suppression des règles ou des hémorroïdes.
Une servante ¿igée d'environ vingt-quatre ans, fut saisie d'uae grande frayeur, à l'aspect d'uu chien qui la
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