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grands ciTurls de Tespril, que plusieurs se sont éiuiueminont distingues par un entendement vaste et par une
jnémoire prodigieuse. A l'iiopital Saint-Louis, nous voyons môme des enfans sans culture, manifester une
intelligence précoce, et répondre avec une sagacité surprenante aux questions diverses que nous leur adressons.
L e médecio philosophe s'étonne, lorsqu'il voit ainsi les p rodige s de la pensée humaine s'allier avec l'état maladif
des organes. A la vérité, l'anatomie nous démontre que l'encépliale a plus dç volume chez tous les sujets dont
la constitution est ecrouclleuse, et que les circonvolutions de la pulpe cérébrale y sont plus distinctes et plus
inarquées. Certes, je voudroi s , comme je l'ai déjà dit ailleurs, que les métaphysiciens étudiassent profondément
les ciTcls de nos maladies physiques sur l'énergie des facultés morales; ils y puiseroient des renseignejncns
précieux pour l'agrandissement d'une science dont ils ne possèdent que des lambeaux.
DCCLIir. Au surplus, si je ne craignois de m'écartcr de mon sujet, je donnerois une description plus
étendue de l'état moral des scrophuleux, que j'ai observés en si grand nombre et dans toutes les condi t ions de
la vie. Comme ils ont les perceptions très-promptes, ils montrent ordinairement beaucoup de facilité dans la
conversation. Plusieurs à la vérité ont ])lus d'imagination que de jugement; ils ne prêtent aux choses qu'une
attention peu énergique et ne font <)u'eQleurer les divers sujets; mai s la plupar t , doués d'une volonté iernie,
parviennent aux plus hauts résultats, lorsc^u'ils embrassent une carrière ou une profession quelconque. Les
scrophuleux sont presque tous portés à la colère;-ils n'observent aucune retenue, quand cette passion les
entraîne. On en voit de très-courageux et qui se défendent avec opiniâtreté contre les adversités de l'cxistenco.
Lorsque la fortune les seconde, ils sont gais, voluptueux, lascifs, aiment la bonne chère, etc. 11 en est peu
de mélancoliques, ù moins que quelque autre maladie ne les jette dans la ti'istesse et le découragement
DCCLIV. Je viens d'exposer les traits généraux et caractéristiques de la maladie scropl iuleuse, telle que uous
Pobservons le ¡)lus f réquemment dans l'intérieur des grandes villes; mais il est des malades qui diflerent absolument
de ceux que nous venons de décrire, quant au physique et quant au moral. Tels sont ceux qui naissent
en quelque sorte victimes des circonstances locales et endémiques. Au sein môme des nations les plus
civilisées, il est des lieux marécageux dont la population entière se trouve entachée d'une espèce particul
i è r e de scropbule, qui mériteroit une description à part. J'ai eu occasion de considérer plusieurs de ces
i n f o r l t m é s , venus au jnonde avec tous les attributs d'une foiblesse qui entrave continuellement toutes les
fonctions de la vie assimilatrice. On n'observe chez eux ni cette redondance ccllulairé, ni celle pléthore
l y m p h a t i q u e , ni ces formes arrondies, ni celte b lancheur des tégumens, ni ce teint frais et rosé, ni cette vivacité
morale qui donne tant d'expression à la physionomie et qui trompe souvent l'observateur sur la santé de nos
scrophuleux citadins. E n général, leur peau est flétrie, d'un jaune sale et coinme terreux ; leur stature est grêle
et raccourcie; leur corps décharné, leur visage abattu, leur regard terne et presque éteint. On en voit qui
ressemblent à des fantômes, et qui , peu avancés dans leur carrière, portent déjà sur leur visage toutes les rides
de la décrepilude et d'une cITrayante vétusté; leur marche est lente comme celle des vieillards, leur voix est
sourde et cassée; on pourroit même ajouter que l'àme de ces infortunés villageois est aussi inerte que les rochers
qu'ils habitent. Tout leur moral se réduit à deux ou trois sensations relatives au maintien de leur existence
abrutie. Comme leurs cabanes sont constamment adossées à des terrains humides, presque toujours la scrophule
endémique se trouve compliquée d'ulcérations aux jambes, de phlébectasie et d'affections rhumatismales;
les articulations des mains et des pieds sont engorgées et pâteuses; les m o u v eme n s y sont presque impossibles, etc.
J e dirai plus bas quelles causes établissent des differences spécilîques entre deux maladies qui se rattachent
néanmoins au même genre, ce qui nous conduira infailliblement à des considérations utiles pour perfectionner
le traitement.
ARTICLE II.
Considerations sur le diagnostic des Scrophides, et sur leurs rapports d'analogie avec quelques
autres maladies cutanées.
DCCLV. Il faut n'avoir aucune sorte d'expérience pour se méprendre sur les vrais signes qui décèlent la
présence du vice scrophuleux dans l'économie animale. Quoique cette alfection se modilie selon la natur e des
organes où elle établit son siège pr incipal , il est néanmoins très-facile de la reconnoitre. 11 imp o r t e seulement
de ne pas la confondr e avec les tumeurs glanduleuses, qui sont le résultat de toute autre cause, qui proviennent
parfois d'une phlegmasie chronique, de l'application des vésicatoircs, etc. Lorsque le travail de la dentition se
p r é p a r e , lorsque la puberté éclate, il survient des engorgemens qui ne sont souvent que l'eirct d'une irritation
sympathique. A l'hôpital Saint-Louis nous observons des ulcères sinueux, ouverts, de large circonférence, qui
sont tout-à-fait étrangers à la maladi e qui nous occupe.
DCCLVL Pour s'éclairer sur le diagnostic des scrophulcs, il sullit de diriger notre attention sur la constitution
particulière des individus qui sont l'objet de nos soins. On les reconnoit sans peine à la tuméfaction de la lèvre
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s u p é r i e u r e , à la grosseur du col, au volume des parties molles et celluleuses, particulièrement de la langue
et des mamelles, à la teinte bleuâtre de la cornée transparente, à la dilatation de la pupille, etc. J'ai déjà
fait observer à mes lecteurs que la peau des scrophuleux a un éclat, une netteté, une coloration particulière qui
flattent Poeil, et que bien des personnes considèrent comme le résultat de la santé. Le tissu cellulaire est tellement
abreuvé de sucs a lbumineux, la lymphe est si abondant e dans les vaisseaux qui la cont iennent , que toutes
ces dispositions donnent aux membres une rondeur agréable ; tant il est vrai de dire (jue la beauté de convention
n'est souvent qu'une imperfection physique pour celui qui l'explique avec des données nécessaires.
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DCCLVII. Les caractères les plus saillans de la maladie scrophuleuse se manifestent dans les os, qui , ordinairement
, sont très-spongieux et d'un gros volume. Il y a peu de fibrine dans les nniscles. Tous les tissus son t
blancs et comme adipeux. Tous les fluides sont , pour ainsi dire, de nature lymphatique. Toutes les articulations
sont plus fortes, parce que les ligamcns sont plus consistans et plus épais. La graisse dos scrophuleux est
très-jaune et constamment disposée à la concrescibilité. Leur transpiration a quelque chose de fade, de nauséabond
et d'agaçant pour l'odorat. Les jeunes filles, d'ailleurs, fraîches et vivement colorées, ont souvent
l'arome de la viande fraîche de boucherie. Cette odeur se remarque surtout le malin, lorsque les malades
ont long-temps séjourné dans une chambre close. Les urines sont copieuses et très-chargées.
DCCLVIII. Il existe une analogie incontestable entre la scrophule et la syphilis. E n eiTet, l'une et l'autre de
ces deux maladies altèrent la peau par des pustules, des végétations, des ulcérations, etc. L'une et l'autre se
p o r t e n t , avec une sorte de préférence, sur les ganglions lymphatiques, sur les membranes muqueuses et sur
le système osseux. Toutes deux produisent des caries, des tumeurs blanches dans les articulations, etc. Les
éruptions scrophuleuses ont néanmoins un caractère particulier et qui les dist ingue des érupt ions sypliilitiques.
La peau sur laquelle on les voit se développer, est constamment tuméfiée et comme boursoufflée. Ajoutons que
les pustules, ainsi que les végétations résultantes de la présence du levain scrophuleux, ont une configuration
moins prononcée et moins régulière que celles produites par une cause vénérienne ; elles sont communément
plates et fixées sur une grande base l'ougeàtre et tuméfiée.
DCCLIX. On peut aisément distinguer les scrophules de toutes les affections qui sont purement herpétiques.
Car ces dernières provoquent sur les tégumens des démangeaisons constantes, dont les écrouelleux sont exempts.
D ' a i l l e u r s , elles disparoissent communément sans laisser sur les tégumens ni cicatrice ni aucune trace de leur
apparition.
A R T I C L E IIL
Considérations sur le pronostic des Scrophules.
DCCLX. Les scrophules constituent une affection d'autant plus rebelle aux moyens curatifs et d'autant plus
fatale à l'espèce humaine, que leur source est originelle, et fait en quelque sorte partie de notre être. De là
vient que le pronostic est toujours fâcheux, si l'art n'est secondé par des circonstances extraordinaires et par
les moyens puissans d'une nature réagissante.
DCCLXL Les scrophules sont moins dangereuses lorsqu'elles se bornent à la surface des tégumens. Mais il
n ' e n est pas ainsi si elles a t taquent l'ensemble des ganglions lymphatiques. C'est alors qu'elles interceptent toutes
les voies de la nutri t ion, et qu'une sourde leucopyrie réiluit les malades à un état de marasme ou de consomption.
Les scrophules ne sont pas moins funestes lorsqu'elles se concentrent sur les articulations. Elles y déterminent
des caries, des suppurations, des épancliemens, souvent même des douleurs atroces, qui nécessitent
l ' a m p u t a t i o n des membres.
DCCLXn. C'est surtout chez les adultes que les scrophules sont interminables, parce qu'alors on ne sauroit
attendre aucun secours des révolutions qui pourroient s'opérer dans la constitution physique des individus et
des secousses critiques de l'âge. Nous voyons arriver ù l'hôpital Saint-Louis des scrophuleux septuagénaires,
auxquels il est diflicile de procurer le moindre soulagement. La réaction lymphatique ne s'opère avec quelque
succès que dans la premièr e enfance. Il n'y a qu'une époque pour la vigueur du système absorbant. Cette assertion
est d'une vérité f rappante, surtout lorsqu'il s'agit des femmes si non curatoe fuerint in foeminis obstructoe
glanduloe ante ce talis annum quadragesimuin quintiim, vel circiter, turn cessante menstruoruni Jîuxione,
pleramque recrudescit morbus.
DCCLXIII. La maladie scrophuleuse dure communément jusqu'à la septième, treizième, quatorzième ou
quinzième année. Elle se guérit ensuite par les soins de lu nature ou par ceux du médecin. Quelquefois elle se
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