r
ü
•X
94 MA L A D i E S D E L A P E A U .
l'application de ce topique, tandis que celles de la région abdominale augmcntoient d'intensité et dévcnoiem
plus douloureuses.
CCLXXIV. En général, les Dartres résistent d'autant plus aux moyens de guérison, qu'elles occupent un
plus grand espace sur les tégumens. En effet, il y a des éruptions de ce genre qui linissent par envahir l univer*
saliié de la peau j c'est alors que toutes les ibnctiens de cet organe se trouvent interverties, et que la transpiration
insensible n'a plus lieu. Dans une semblable circonstance, j'ai vu fréquemment les urines contracter de
l'acrimonie, causer des cuissons brûlantes dans la vessie, et déposer un sédiment sablonneux.
CCLXXV. Plus les Dartres sont anciennes et invétérées, moins on a d'espoir de les guérir, parce que l'économie
animale a contracté l'habitude de ce genre de maladie, et cette habitude est, pour ainsi dire, une seconde
nature. Lorsque les Dartres sont héréditaires, elles sont encore bien plus graves, sur-tout si elles ont déjà
manifesté un mauvais caractère chez les parens. Il est assez ordinaire de voir les secours de l'art échouer devant
des causes aussi terribles.
CCLXXVI. Pour appliquer d'une manière plus positive la méthode qui doit conduire à la guérison des Dartres,
il importe de faire une étude réfléchie de leurs différentes complications. Ces exanthèmes se trouvent souvent
réunis à la maladie vénérienne, ce qui nécessite l'alliance des mercuriaux avec les remèdes anti-herpétiques.
Quelquefois aussi les Dartres se lient avec les phénomènes du scorbut. Ne faut-il pas alors faire concourir les
moyens propres à détruire cette combinaison morbiiîque ? C'est par leur mélange réciproque que les maladies
affermissent en quelque sorte leur empire dans l'économie animale.
CCLXXVII. Combattez avec précaution les Dartres qui tiennent à des phénomènes organiques. C'est ainsi
que la peau des enfans en est fréquemment souillée à l'époque orageuse de la première dentition. Les mouvemens
tumultueux qui s'exécutent à rintérieur,- pour réaliser cet important phénomène, poussent au-dehors
ces éruptions critiques et salutaires. J'ai souvent observé que lorsqu'on cherchoit à les répercuter, les glandes
du col commencent à s'engorger et à se remplir d'une humeur étrangère. On diroit alors qu'elles servent de
réceptacle à tous les résidus escrémentiliels du corps vivant. Cet accident fâcheux explique la conduite qu'on
doit tenir en beaucoup d'autres cas.
CCLXXVIII. Il est d'expérience médicinale qu'on doit souvent varier les remèdes dans le traitement des
maladies chroniques, et particulièrement des maladies cutanées. Car des substances médicamenteuses auxquelles
la nature est habituée, produisent rarement un effet salutaire. J'ai observé constamment chez les individus
atteints de Dartres longues et opiniâtres, qu'ils éprouvoient toujours du soulagement, lorsqu'ils mettoient
en usage un remède nouveau; mais après un certain laps de temps, l'action de ces remèdes étoit presque nulle,
Les lois physiologiques expliquent aisément ce phénomène. Quand on ne peut changer la substance médicinale
, ou change du moins son mode d'administration.
CCLXXIX. Que faut-il conclure des considérations que je viens d'établir? qu'il est impossible d'indiquer
des méthodes générales pour la guérison des Dartres ; qu'il faut savoir les approprier aux divers cas que l'on
observe. Je répéterai ici avec Vallesius : Frimum igUur expedit raUonem jnedendi discere unwersim , ¿dqiie
maxinu momenli, in arte esse putare; deinde ad singulorum descendere curationes; quod erit facillimum ei,
qui quam nunc insütuinms doctrinam ¿enaerit. C'est dans la nature malade, et non dans les livres, qu'il faut
étudier les procédés curatils; il faut sur-tout se garder de ces méthodes empyriques qui consistent à employer
les mêmes moyens, dans toutes les circonstances, sans s'éclairer des lumières d'une saine observation.
A R T I C L E X.
Du Traitement inter ne employé pour la guérison des Dartres.
CCLXXX. Cette partie de la thérapeutique des Dartres est celle qui présente les points de doctrine les
plus douteux. Qu'on examine les prescriptions consignées dans les ouvrages de notre art, on verra qu'elles y
sont toutes dictées par un esprit de routine! De vaines formules y sout gravement conseillées par des praticiens
recommandables dont le témoignage séduit et abuse un vulgaire ignorant. Les auteurs entassent sans discernement
dans leurs écrits des opinions vagues, des suppositions étranges; ils indiquent, soit dans le règne végétal,
soit dans le regne minerai, quelques substances généralement regardées comme diaphorétiques. Ils ordonnent
un regime sévere, et s'imaginent ensuite avoir satisfait aux indications. C'est bien ici le cas de dire que
rien n'est plus diincile que l'expérience médicinale.
CCLXXXI. Je -me suis d'abord laissé conduire par l'autorité de mes prédécesseurs. J'ai employé à toutes
M A I. A D I E S DE LA P E A U.
les dosés les plantes dont on a depuis long-temps célébré les vertus : je n'ai jamais pu me convaincre, ¡0
l'avoue, qu'elles fussent d'une utilité majeure pour la guérison des Dartres. A l'hôpital Saint-Louis, ou administre
en grande quantité, et sous les formes les plus variées, la douce-amère {solanum dakaniara, Linn.),
la scabieuse (scaiiosa art^e/zsis^LiNN.), la bardane lappa. Linn.), la patience (/-«/«ea; patienlia, Linn.),
lafumeterre {fumaria ojfidnalis, Linn.), le trèfle d'eau {trifolium fibrinum, Linn.), &c. Mais le plus souvent
les effets qui suivent l'emploi de ces végétaux, paroisscnt plus manifestement devoir être attribués aux bains, à
l'action de certains topiques, à la marcile naturelle de la maladie, &c. Dans quelques cas, néanmoins, j'en ai
retiré un certain avantage, lorsque j'en ai donné le suc étendu dans le petit-lait clarilie. Je ponrrois citer
entre autres exemples, celui d'une Dartre pustuleuse couperose {Herpes pustulosus gutta-rosca), dans laquelle
on n'employa ni bains ni topiques, et qui céda à l'action seule d'un pareil remède. Je dois ici rappeler un autre
fait : une femme étoit tourmentée d'une Dartre squammeuse humide {Herpes squanirnosus madidaJis), qui
s'étendoit sur la face interne des deux cuisses, et suscitoit des démangeaisons presque continuelles. Je remarquai
d'une manière constante que les symptômes diminuoient d'intensité, que le prurit sur-tout s'éteignoit entièrement,
lorsque la malade faisoit usage d'une forte infusion de saponaire {saponaria officinalis, Linn.). Comme
cette observation a été réitérée pendant l'espace d'un an, elle est authentique, et mérite d'être conservée pour
les gens de l'art. Je dois aussi à la vérité de dire que quelques personnes m'ont paru manifestement soulagées
de leurs éruptions herpétiques par le suc de pensée sauvage {viola tricolor, Linn. ). J'étais d'autant plus intéressé
à répéter les expériences sur cette plante, que les auteurs en ont préconisé les avantages avec des éloges peu
inesurés, au lieu d'en étudier les effets avec ce doute philosophique qui doit caractériser l'observateur exact
et impartial. Il est, du reste , probable que toutes ces plantes, administrées dans un état de fraîcheur, influent
de la manière la plus heureuse sur les propriétés vitales du système dermoide ; et, sous ce point de vue, il est
très-important d'en conseiller l'usage.
CCLXXXII. Les opinions se partagent, lorsqu'il s'agit de décider sur les bons effets du mercure et de ses préparations
dans le traitement des affections dartrcuses. Certains praticiens regardent ce métal comme uue sorte
de panacée qu'on peut opposer à toute espèce d'altération chronique de la peau. Quel abus eu font journellement
les routiniers, les charlatans et les empyriques! Il est des médecins, au contraire, qui ne parlent que des
accidens funestes survenus à la suite de l'administration du mercure. Ces accidens ont pu sans doute avoir
lieu dans quelques circonstances ; cependant j'ai vu plusieurs individus chez lesquels il n'a produit que des
effets salutaires. Un jeune homme qui exerçoit le métier de boucher, étoit tourmenté d'une Dartre fuifuraeée
{Herpes furfuraceus circinatus)\ cette Dartre occupoit la presque totalité des léguineus. Des démangeaisons
interminables le dévoroient. Il avoit inutilement suivi plusieurs traitemeus; il s'avisa de recourir
à l'usage de la liqueur de Vaii-Swicten, et après trois mois, ses Dartres avoient totalement disparu. Au surplus,
personne n'ignore que le mercure agit d'une manière directe sur le système lymphatique, et combat les
Dartres avec efficacité. C'est mal à propos que les praticiens ont envisagé certaines éruptions comme syphilitiques
, parce qu'elles cédoient à l'action du mercure ; comme si ce médicament étoit uniquement approprié à
cette maladie. Ne détruira-t-on jamais une semblable erreur ?
CCLXXXIIt. La saine expérience justifie depuis fort long-temps les grands éloges que l'on donne au soufre pour
le traitement des Dartres. Ce médicament m'a paru être celui qui exerce l'action la plus énergique sur ce genre
d'affection. Il est si pénétrant et si diffusible, qu'il se répand avec célérité dans tous les départemens du système
lymphatique. Il y excite sans doute une sorte de mouvement fébrile qui ne peut qu'être favorable; il réveille
l'action tonique du tissu cellulaire, accroît la puissance des propriétés vitales de la peau, rétablit le plein
exercice de la transpiration, &c. Telle est, du reste, la haute opinion que j'ai conçue des bons effets de ce
remède; j'ai même la conviction intime que les antimoniaux tant préconisés pour la guérison des maladies dartrcuses,
ne sont utiles que par les parties sulfureuses qui leur sont unies. Pour ce qui me concerne, j'emploie
journellement le soufre à l'hôpital Saint-Louis, et le succès couronne constamment son administration : je
l'ordonne jusque dans la soupe des indigens. Beaucoup de plantes conseillées contre les maladies de la peau, ne
sonisi salutaires, que parce qu'elles contiennent un principe sulfureux.
CCLXXXIV. De là vient que les eaux minérales sulfureuses obtiennent un si grand avantage contre toutes les
affcctions herpétiques. Dans les lieux où ces eaux abondent, une observation certaine a prouvé leurs exccllens
effets. Je doute, au surplus, que le soufre, cette production minérale si précieuse, que la nature semble avoir
prodiguée sur la terre pour les besoins de l'homme, puisse être administré aux malades sous une forme plus
coiuiiiode et plus favorable. J'ai tenu compte d'une foule de dartreux qui sont parvenus à se guérir par le
simple usage des eaux sulfureuses factices de Tivoli. Au surplus, il n'est personne qui ne connoisse les effets
sensibles qui suivent l'administratiou intérieure de ces eaux. Elles suscitent dans tout le système de l'économie
animale, une sorte de fièvre artilicielle qui imprime aux Dartres un caractèi-e aigu, en augmentant les oscillalions
du tissu muipieux. Pendant que l'énergie intérieure augmente, l'eruptiou herpétique paroit d'abord
se déployer avec plus d'in te usi lé 3 mais bientôt elle diminue, pour s'éteindre eutièrement.
1.1
cl
in
i*'
I I
, li
V, I
î f t