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igG MA L A D I E S DE LA PEAU.
Deuxième Obse/vatioiì. — Le nomine Jean-Louis C avoil déjà éprouvé une blcnnorrhagic très-intense,
qui se supprima subitement par une imprudence j mais, ayant cu de nouveau commerce avec une femme
impure, cette blonnorrhagie reparut, et fut accompagnée d'une multitude d'ulcères syphilitiques qui recouvroieot
le gland et le prépuce. Ces ulcères étoient de forme ronde, creusés en quelque sorte, taillés en biseau. Le fond étoit
recouvert d'une couenne purulente, de couleur jaune-verdiUre. Il négligea néanmoins tout traitement, et ne
se présenta ù Thopital que lorsque la vérole l'eut entièrement aFToibli. On lui prescrivit les remèdes convenables.
L'écoulement disparut après un certain tempsj mais il se déclara bientôt des exostoses sur toute la surface du
corps; ces exostoses s'abcé<l<}rent, et produisirent de larges ulcérations qui firent des progrès rapides. Leurs bords
étoient élevés et taillés à p i c ; le pus étoit grisâtre et très-abondant. Les douleurs étoient vives, sur-tout la nui t , et
semblaient n'avoir lieu, selon le rapport du malade, que dans les os. Les yeux de cet infortuné furent détruits par
les progrès de la Sypliilis. Il y avoit des exostoses ouvertes à Tépaule, à la partie supérieure de la poitrine, ù la
partie inférieuredu sternum, à la crête des os des îles, au tibia, eniÎn sur toutes leséminenccs osseuses extérieures.
Troisième Observation. —Edme C se rapproclia d'une femme affectée de la Syphilis. Pendant l'acte du
coït et l'efFervescence réciproque de leurs sens, letirs lèvres restèrent pendant quelque temps dans un contact
immédiat, et celle-ci lui insinua profondément la langue dans la bouche. Le lendemain, C ressentit une
douleur légère à la partie extérieure et externe de la voûte palatine. Deux ou trois jours après, la membrane
muqueuse s'enilamma et présenta des crevasses dans plusieurs points de son étendue; il s'y manifesta de petits
ulcères d'où s'écouloit un pus fétide; enlin, l'infection étoit compiette. La prononciation devenoit laborieuse et
la mastication difficile. On eut recours à un chirurgien qui fit disparoître les chancres, au moyen d'un gargarisme
dont le malade ignoroit Ja composition. Deux ans apri^s, en 1799, de larges plaques rougeâtres parurent
derrière les oreilles et à la partie postérieure du col. Bientôt la suppuration s'établit, et le pus qui en découloil
formoit, en se desséchant, des croûtes jaunâtres qui tiroient un peu sur le noir. Ce lut à cette époque qu'il entra
dans un hôpital, et qu'il y fut traité et guéri, du moins en apparence; mais quelques années après, des tumeurs
dures, circonscrites et sans rougeur, s'élevèrent à la partie antérieure et supérieure du coronal, ù la partie
moyenne de la clavicule et à la moitié supérieure du sternum. Ces protubérances n'étoient pas d'abord trèsdouloureuses;
mais bientôt elles grossirent à vue d'oeil, et prirent le volume d'une noix; enfin elles se ramollirent
et se convertirent en trois larges ulcères dont les bords étoient unis, comme si on les eût creusés avec un
instrument tranchant. Leur fond oilVoit des fongosités et rendoit un pus abondant , qui étoit verdàtre et glutincux.
L'ulcère du coronal s etcndoit depuis la suture qui unit cet os aux pariétaux jusqu'aux bosses frontales;
sa circonférence étoit bornée par plusieurs autres petits ulcères, de la grandeur d'une lentille, qui n'offroient
ni inQammation, ni rougeur. Le malade éprouvoit des douleurs vers cette partie, mais elles cloicnt supportables
et de peu de durée. L'ulcère de l'épaule, étroit, allongé, se dirigeoit de l'apophyse acromion jusqu'à la partie
jnoyenne de la clavicule. Une croûte jaunâtre la recouvroit presqu'entièrement, et ne laissoit qu'une ouverture
par laquelle s'échappoit une quantité de pus, de môme nature que celui qui su in toit du front. Ses bords étoient
d'une rougeur intense; ils s'élevoient en bourgeons, &c. L'ulcère du sternum n'étoit pas considérable ; il étoit
formé par deux ouvertures peu grandes et rapprochées l'une de l'autre; il offroit <lans sa forme ronde les
caractères principaux des ulcères vénériens; il étoit rouge, siippuroit abondamment, et étoit cerné de toutes
parts par un grand ccrclc livide. .
Quatrième Observation. — Etienne-Toussaint D contracta, dans sa jeunesse, plusieurs affections vénériennes
très-graves. Il y a trois ans que, pour la sixième fois, il fut atteint de la même maladie, laquelle
fut traitée sans méthode et sans exactitude. Il la conserva pendant xme année; il éprouvoit aux jambes, aux
épaules, des douleurs qui finirent par devenir insupportables. Ces douleurs étoient accompagnées d'un sentiment
de chaleur et de tension vive dans le cuir chevelu. Plusieurs tumeurs demi-sphériques et dures s'y développoient
: on les prit d'abord pour des exostoses; mais leur suppuration les lit bientôt reconnoitre pour de
vrais ulcères syphilitiques. Peu à peu ils s'étendirent en profondeur et en largeur, au point de labourer successivement
tout le sommet de la tòte; il y avoit en outre de petites ulcérations superficielles qui fournissoient une
sérosité purulente; les bords en étoient épais et découpés. On remarquoit à la joue un ulcère de même nature,
lequel s'étendoit de la paupière inférieure de l'oeil droit et de la racine du nez jusqu'à la commissure des lèvres et
la partie inférieure du nez. La circonférence de cet ulcère préscntoit un bord épais, noirâtre, croûtcux et inégal;
le prurit étoit continuel et véhément. Les douleurs ostéocopesse fixèrent au bras droit et à l'avant-brasdu môme
côté; elles étoient si vives, qu'elles empèchoient le malade de mouvoir ce membre, et particulièrement les
doigts, qui étoient comme engourdis.
DCXLVI. Les ulcères syphilitiques sont moins rebelles aux remèdes que les excroissances et les végétations;
mais ils exercent de si profonds ravages sur la peau par laii- caractère serpigincux, qu'ils lui impriment des
cicatrices irréparables. Souvent ils rongent et ilclruisent entièrement les organes les plus essentiels à la vie.
Nous avons vu les parties génitales totalement eonsumees par eelte ulcération dévorante : le voile du palais,
l'os ethmoïde, les os propres du nez, &c., tomUent queltiuefois par lambeaux. Que d'exemples aussi tristes
on pourroit citer !
M A L A D I E S DE LA PEAU. 197
SECONDE PARTIE.
Des Faits relatifs à l'histoire générale des Syphilides.
DCXLVII. ON a pu se convaincre, par les tableaux individuels que je viens de tracer, que les distinctions
spécifiques auxquelles j'ai eu recours, sont aussi utiles pour la méthode que pour le classement des faits. Il sera
aisé de voir, dans la suite de cette dissertation, qu'elles ne sont pas moins avantageuses pour appliquer les
règles de traitement. Réunissons d'abord les traits variés qui se rapportent à ce hideux fléau de Î'cspèce
humaine : plusieurs écrivains nous assurent que, lorsqu'il se répandit avec tant d'impétuosité dans toutes les
parties de l'Europe, tous les regards furent frappés de son extrême analogie avec les éruptions de la lèpre.
Proiînus informes tolum per corpus acliores
Rumpiibaut, fucicinque horrendani et pcclora foecle
Turpabant.
Il est certain qu'on observe encore, à l'hôpital Saint-Louis, des dégénérations syphilitiques, qui, par leur
intensité, rappellent les maladies les plus épouvantables dont l'antiquité fasse mention. Celle que l'on désigne
sous le nom vulgaire de corona Veneris, n'a-t-ellc pas l'aspect de la lèpre par ses croûtes tuberculeuses, et
par l'odeur fétide qui s'exhale des corps qui en sont infectés?
ARTICLE PREMIER.
Des Phénomènes généraux qui caractérisent la marche des Syphilides.
DCXLVIII. C'est toujours des Sypliilides qui se portent à l'extérieur du coi-ps, que je me propose de parler.
Je vais recueillir les phénomènes principaux qui caractérisent cette effroyable maladie, soit qu'elle se manifeste
8OUS forme de pustules, soit qu'elle couvre la peau d'excroissances et de végétations, soit qu'elle la souille par
des ulcérations profondes. Que de symptômes affreux n'avons-nous pas à rassembler !
DCXLIX. Il paroît que, dans son origine, la syphilis ne se manifestoit guère que par des pustules aux
organes de la génération. Ces pustules abondoient quelquefois à la surface du corps; elles occupoient sur-tout
les parties où le tissu cellulaire est dense et serré : de là vient qu'elles paroissoient si fréquemment sur le cuir
chevelu, à la paume des mains, à la plante des pieds, &c.
DCL. En général, les piwtules syphilitiques s'annoncent par des taches éparses çà et là, lesquelles n'offrent
d'abord que la grandeur ou le volume d'un pois. Elles s'étendent peu à peu, et servent ensuite de base à des
croûtes saillantes, pyramidales,coniques ou mamelonnées, lesquelles se compliquent, par intervalles, d'ulcères sordides,
rongeansou phagédéniqucs. Il est, je pense, peu d'accidens aussi terribles que celui où la face des malades
se recouvre de tubercules inégaux, raboteux, qui laissent, môme après la guérison, des cicatrices ineffaçables.
DCLI. L'apparition des taches auxquelles succèdent les pustules est souvent précédée par des douleurs
vagues dans les membres. Ces taches simulent quelquefois les pétéchics scorbutiques, et s'élèvent bientôt en
pointe pour former des éminences verruqueuscs ; ces eminences se recouvrent de croûtes dont les formes sont
très-bizarres; lorsqu'elles tombent, on s'aperçoit qu'elles sont profondément excavées; à peine séparées de la
peau, elles ne tardent pas à renaître pour s'en détacher de nouveau. Pendant le cours de cette horrible éruption,
les malades sont d'ailleurs exempts de tout pruri t véhément; le sommeil et l'appétit se conservent : ils ne
se plaignent d'aucune douleur, si ce n'est de la difficulté qu'ils trouvent à exécuter les divers niouvemens.
DCLII. On a pu voir néanmoins, par les descriptions particulières que j'ai présentées plus haut, que Ie.s
Syphilides n'ont pas toujours un caractère aussi alarmant. Nous en observons quelquefois qui ressemblent,
d'une manière frappante, aux dartres farineuses et furfuracéci?; elles occupent absolument le même siège;
répidcnne se soulève et se détache par petites écailles; leur forme est constamment circulaire; et l'on toinberoit
dans do graves méprises, si les maux de gorge, l'ulcération des amygdales, les chancres, &c., ne mettoient
à découvert leur caractère vénérien. Il est vrai qu'elles ont une teinte cuivreuse, qu'on reconnoît toujours quand
on a l'habitude de les observer, et qu'elles sont circonscrites par un bourlct plus saillant que celui des affections
herpétiques dont il s'agit : elles n'cxcitcnt d'ailleurs aucune démangeaison.
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