i
V
34 MA L A D I E S D E L A P E A U .
céphalalgie augmenta de nouveau d'une maniere insupportable. Sans doute la crise n'ctoit pas complète; car
le deuxième jour après que la Plique fut formée, la malade éprouva de nouveau quelques mouveraens convulsifs
, et sua considérablement de la tète. Enlin il se lit une énorme lissure au travers de celte masse
extraordinaire de cheveux agglutinés; et pendant douze jours, il en découla une matière brune, et horriblement
repoussante par sa puanteur. A cet inconvénient s'en joignoit un autre; c'est l'innombrable quantité de
poux qui tourraentoient cette infortunée. M. de Lafontaine la délivra bientôt de ceux qui occupoient la couche
extérieure de la Pl ique, par l'huile de lavande et l'onguent mercuricl; mais il falloit atteindre ceux qui se
trouvoient sous la couche la plus inférieure. "Cet habile chirurgien se détennina à opérer trois incisions au milieu
de cette énorme touffe villeuse, et dans toute sa longueur. Les poux eurent dès-lors une issue, et la malade
put s'en débarrasser, à l'aide des moyens déjà indiqués. Deux jours après, par un événement inattendu, les
incisions se joignirent, en sorte qu'on ne reconnoissoît plus l'endroit où elles avoient été faites. Six semaines
s'étoient à peine écoulées, que la malade étoit entièrement rétablie. Il n'y avoit plus de trace de cette inflammation
opiniâtre des yeux, dont j'ai fait mention. Des remèdes toniqties, une nourriture restaurante, le vin,
l'air frais, &c. contribuoient à lui donner tous les jours de nouvelles forces. Dans la douzième semaine,
M. de Lafontaine fit une ligature à la Plique, qui commençoit à s'isoler de la tète, et bientôt la coupa
totalement.
Quatrième Observation. —Le même auteur rapporte une observation intéressante d'une Plique eu masse, qui
se manifesta au pubis d'une jeune femme, dans le moment où elle ail' ' t dfivenir mère pour la seconde fois. Malgré
des douleurs vraies et fortes, l'accouchement n'avançoit pas : on examina dès-lors de plus près l'état des organes,
et ou s'apperçut qu'une toufle villeuse, d'un très-grand volume, oblitéroit la vulve, au point qu'il étoit impossible
d'y introduire le doigt. Cette Plique avoit commencé de se former dans le cinquième mois de la grossesse.
Une très-petite ouverture donnoit passage à l'urine : M. de Lafontaine proposa sur-le-champ de la couper;
mais la femme n« voulut point y consentir, craignant, comme c'est l'ordinaire, les suites fâcheuses de cette
opération. Cependant les souffrances de l'enfantement devenoient toujours plus intenses, et la mère s'aifoiblissant
à un point extrême, il fallut procéder à l'excision do la Plique : aussi-tôt l'accouchement se termina sans le
jnoindre accident pour la malade, et l'affection des poils ne reparut pas.
LXXXIX. Si l'on procède â un rapprochement judicieux des quatre observations que je viens d'exposer,
on se convaincra aisément que le cas qui s'est présente à moi dans le sein de l'hôpital Saint-Louis, est totalement
semblable à ceux que l'on voit si souvent en Pologne. Je conserve dans mon cabinet les échantillons
qui offrent entr'eux une identité frappante. Ce que je dis de la Plique en masse, je puis l'appliquer aux autres
espèces, que j'ai cru devoir décrire dans cet ouvrage avec plus d'exactitude, de détail et de précision qu'on
ne l'avoit fait jusqu'ici. Il ne me reste maintenant qu'à signaler les phénomènes généraux propres à un
genre si singulier de maladie.
M A L A D I E S D E L A P E A U . 35
SECONDE PARTIE
Des Faits relatifs à Vhistoire générale des Pligues.
XC. FIDÈLE à l'ordre que j'ai déjà suivi, en exposant les faits qui concernent le genre des Teignes, je vais
renfermer dans cette seconde partie tous les divers points de vue que m'a offerts la considération générale des
Pliques. Cet ordre est celui qui me paroît le plus conforme à la marche de l'analyse, à laquelle les sciences
doivent de si grands progrès. Sans cet ordre méthodique, les objets glissent, pom- ainsi dire, dans la mémoire
et passent sans aucun intérêt pour Pesprit.
A R T I C L E PREMIER.
Des Phénomènes généraux qui caractérisent la marche des Pliques.
XCI. L'invasion des différentes espèces de Pliques commence ordinairement par un abattement universel
un engourdissement dans tous les membres du corps ; des douleurs vagues se font d'abord resseniir dans les articulations
des mains et des pieds, gagnent ensuite les omoplates, l'épine du dos, et s'étendent bientôt à la
région postérieure du col et de la tête. Le soir, il se manifeste un accès fébrile qui se prolonge très-avant
dans la nuit, et se termine pai- une sueur visqueuse, gluante et excessivement fétide. Le mat in, le pouls est
naturel ; il y a une sorte de rémission dans les symptômes que je viens d'indiquer.
XCII. Aux douleurs arthritiques qui constituent presque toujours le début de cette singulière et déplorable
affection, viennent se joindre des mouvemens convulsifs dans les muscles, des soubresauts dans les tendons, un
tintement d'oreilles très-pénible, une céphalalgie atroce que les malades cherchent vainement à calmer par des
médicamens sédatifs ou narcotiques, des vertiges, une pesanteur autour des orbites, des picotemens, et une
sensation très-incommode de resserrement dans la partie postérieure du cuir chevelu.
XCin. Mais bientôt un phénomène externe, et très-surprenant pour le physiologiste observateur, se déclare.
Les cheveux se mêlent, s'entortillent, s'agglutinent, se séparent en faisceaux ; on les voit s'arranger en petites
cordes tournées en spirale, en sorte que la tòte paroît environnée d'un amas de couleuvres effrayantes qui rappellent
l'image affreuse d'une Gorgone. On les voit aussi s'alonger comme des queues traînantes qui atteignent
les jarrets, et quelquefois pendent jusqu'à terre; on les voit enfin se hérisser comme les poils d'une bête fauve,
ou comme les soies qui se dressent le long du col des pourceaux. Enfin il arrive quelquefois que les cheveux
s'entassent en globes ou en masses informes, qui deviennent de lourds fardeaux pour ceux qui les portent. Les
poux founnillent au milieu de ces touffes villeuses, en une multitude extrême, et avec une promptitude qu'on
ne peut exprimer. A la base de ces touffes, on voit une grande quantité d'écaillés furfuracées.
XCIV. Au surplus, on pensera, avec juste raison, que les formes singulières et bizarres qu'affectent les
Pliques diverses qu'on a remarquées, dépendent souvent de la manière d'être des cheveux. Beaucoup de
Polonais les coupent et les conservent habituellement fort courts. Certains se font raser la tète, et ne laissent
venir qu'une touffe plus ou moins considérable à son sommet. Les femmes, au contraire, brillent par une
belle et longue chevelure ; ce qui donne lieu à des modifications sans nombre dans la figure de leurs Pliques.
On en voit qui , surprises en quelque sorte par la maladie après la toilette la mieux soignée, restent pendant
plusieurs années avec des cheveux élégamment frisés.
XCV. La Pliquo n'attaque pas seulement le cuir chevelu ; elle se manifeste également dans les autres
parties du corps humain qui sont pourvues de poils. Elle survient quelquefois au menton, aux aisselles, à la
région sternale, et sur-tout aux organes de la génération des deux sexes. Le professeur Kaltschmid, à Jena,
conscrvoit dans son cabinet le pénil d'une femme, duquel sortoit une Plique si monstrueuse, qu'elle aiiroit
fait aisément le tour du ventre de la personne à qui elle avoit appartenu.
XCVI. Le virus trichomatiquc s'introduit souvent jusque dans les ongles des mains et des pieds, particulièrement
chez les individus qui sont chauves. L'analogie de structure de ces organes avec les cheveux,
explique facilement cette dégénération hideuse. Tantôt ils prennent un accroissement prodigieux; tantôt ils
s'épaississent, et offrent beaucoup d'aspérités au toucher. Ils deviennent jaunâtres, livides, noirs comme
la corne d'un bouc, ou quelquefois même ils sont crochus comme les griffes des quadrupèdes carnassiers. On
• l ' I