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24 M A L A D T E S D E L A P E A U.
envahit à-k-fois le cuir chevelu, le f ront et les tempes; clcmaiigeaisons vives et continuelles. Les ulcérations
éloient tcUeme.it hnroiJcs, que les linges dont on couvroit la tête étoicnt subitement mouillés. La nourries
i m p r u d e n t e chercha à arrêter cet écoulement extraordinaire, dont elle étoit alarmée, par de la farine tin'clle
r é p a n d i t en quantité sur le siège du ma l , et qu'elle assnjétit avec un bonnet. Fatalité inat tendue ! l 'enfant devint
triste pâle et fut saisi d'une Bcvre dévorante et continue, qui le lit périr avant qu'on eût pu lui porter le
moindre secours. Ce fait arrivé nagui-rc, en rappelle un autre dont Thomas liartholin fait ment ion. 11 s'agit d'un
jeune priiicc d'Allemagne, atteint d'une Teigne muqueuse, qu'on avoit desséchée mal à propos. Il mourut par
suite de diarrée, d'atrophie, et autres sympfciines fâcheux qui se déclarcrcnt . On trouva, dans le c r âne , plus de
h u i t cuillerées d'un lii|uidc sanguinolent. - L e s deux faits que je viens d'énoncer , sont d'une grande instruction
pour les praticiens. Ils viennent à l'appui de ce que beaucoup d'auteurs ont avancé dans leurs ouvrages, que le
développement des diverses Teignes sur le cui r chevelu, tient plus souvent qu'on ne le croit, à des mouvemcns
conservateurs des puissances médicati ices dans l'économie animale. Une mère éplorée alla consulter le célchre
Forestus et lui pré,,enta son enfant atteint d'une Teigne très-rebelle. Ce judicieux observateur recommanda
d ' é v i t e r les topiques rcpercussifs, et de procéder lentement à sa guérison, dans la convict ion ou il e toi t , que cet
exanthème pouvoit le préserver d'autres maladies plus dangereuses.
L X I X Qu'on me permet te, du reste, u n e réflexion finale qui explique, ce m e semble, la diversité ext rême des
résultats que l'on obtient. Les maladies cutanées, et par conséquent les T e igne s , ont , comme les autres maladies,
leurs périodes de d ébut , d'accroissement et de decroissement. Les praticiens s'étonnent de ne pas réussir, et il
n'est pas rare de les voir administ rant , dés le commencement d'une affection de ce genre, des remèdes dont l'application
ne peut devenir fructueuse, que lorsque cette même affection est parvenue i son déclin. On doit être
sui pris que ces réflexions n'aient pas été faites, depuis que Borden a si bien démontré l'analogie Irappante qui
existe entre les maladies aiguës et les maladies chroniques. Mais l'observateur est impat ient d'attendre : il semble
qu'il se lasse de suivre la nature, lorsqu'elle procède avec une lenteur qui n'est point proportionnelle avec la
c o u r t e durée de notre vie.
LXX. Que faut-il conclure enfin de tout ce que nous avons déjà dit sur le traitement des diverses Teignes ?
que rien n'est plus important que de l'enlever aux faiseurs de recettes; parce que la sage expérience ne sauroit
f a i r e adopter les applications violentes qu'ils ont proposées. Les meilleures uiéthodes curatives sont celles qui
n'emploient que les moyens les plus doux. Tout se rédui t à appaiser l'irritation du cuir chevelu, et à r ame n e r cet
organe à ses condi t ions naturelles. C'étoit, du reste, d'après cette vue que les anciens comhinoient leurs procédés
curatifs. On sait qu'Avicenne se bornoit à laver la tête avec de l'huile de rose ou de violette, et Rhazcs n'avoit
recours à des topiques plus actifs, qu'à raison des degrés de l'affection. Je le répète donc en me résumant; j'ai
essayé comparativement une multitude de remèdes à l'hôpital Saint-Louis. Pendant que plusieurs Teigneux
suhissoient l'opération de la calotte, ou étoicnt frottés avec des onguens plus ou moins actifs, dans lesquels
o n faisoit entrer l'oxide de manganèse, l'oxide de mercure, &c. des enfans en égal nombre, et atteints de
diverses Teignes, étoient simplement traités par le saindoux, dans lequel j'avois préalablement fait incorporer
des fleurs de soufre. J 'ai constamment observé que ces derniers guérissoient aussi vite que les premiers, et avec
beaucoup moins d' ineonvéniens, pourvu qu'on n'apportât aucune négligence dans le pansement. J'estime donc
que cette manièr e simple de procéder à la guérison des T e igne s , est la seule qu'il fandroi t désormai s adopter dans
les hôpi taux où l'on traite ces sortes d'exanthèmes. On peut l'appliquer avec le même succès aux différentes
espèces de Teigne. Quand bien m ême , en usant de ces mo y e n s , il fandroit un temps plus long pour réussir, les
profonds physiologistes savent que les meilleures méthodes thérapeutiques sont moins celles qui guérissent la
maladie avec prompt i tude, que celles qui la terminent méthodiquement et sans danger pour les individus. La
n a t u r e sera toujours en contradiction avec celui qui ne voudra pas mettre à la guérison un temps convenable.
D ' a i l l e u r s , les aceidens qu'on a vu succéder à des cures trop précipitées, sont un avertissement que les praticiens
ne doivent jamais banni r de leur mémoire. C'est donc perfectionner le t rai tement des Teignes, que de le smiplilier
; c'est même le moyen unique de parveni r un jour à ext irper une affection si funeste pour des êtres qui commencent
la v i e , et qui ont uu si g rand besoin de nos soins, de notre intérêt et de notre appui.
M A L A D I E S DE LA PEAU.
LES PLIQUES.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES PLIQUES.
L X X I . LE nom que port e la maladie dont nous allons trai ter , lui vient de ce que les chcvcux s'agglutinent
et s'entortillent d'une manière inextricable, en formant des mèches, des queues , des toufics ou des musses qu'il
est impossible de démêler. C'est une aiTection endémique qu'on rencontre sur-tout en Pologne, en Liihuaiiie,
e u Hongrie, en Transilvanie, depuis la source de la Vistule jusqu'aux monts Krapacii, en Prusse, en Russie
et dans la Grande Tartarie. On l'a observée en Suisse, en Alsace, dans le Brisgavv et dans la Belgique. On la
trouve quelquefois en France, quoique bien rarement , il paroit même que l'Europe n'est pas la seule partie
d u globe où elle ait été remarquée. D'après Roderic-à-Fonseca, qui le tenoit d'un témoin digne de foi, lequel
avoit voyagé dans la Nouvel le-Espagne, les Indiens qui boivent de certaines eaux cor rompues, sont sujets à une
maladie qui a beaucoup d'analogie avec la Pliquc. En effet, les cheveux se contournent ou s'agglomèrent comme
dans cette dernière affection, et il en suinte une matière visqueuse et fétide. Cette maladi e est donc plu,s généralement
répandue qu'on ne le croit communément.
L X X i r . La Plique n'est pas une maladie qui soit uniquement propre à l'homme; elle peut généralement
attaquer tous les animaux domestiques. On a \t.i quelquefois, k Paris, des chevaux qui en étoient aLteints; et
M. Huzard, habile vétérinaire, a recueilli deux cas de ce genre : mai s ce phénomène s'observe sur-tout en
Pologne et dans quelques endroits de la Russie. Elle attaque fréquemment les boeufs , les moulons, les
chiens, &c. qui habi tent uu semblable climat. Les loups et les renards y sont parei l lement exposés. Cette affection
singulière, qui n'épargne les poils de prcsqu'aucun quadrupède, semble respecter les volatiles, et ne
point atteindre les plumes des dindons, des poules, des coqs et autres oiseaux de basse-cour.
L X X i n . On croit assez généralement que la maladie dont nous allons nous occuper, s'est propagée de
l'Asie en Europe par les invasions des Tar tar es ; et Hirschel, un des meilleurs auteurs qui aient écrit sur ce
s u j e t , fixe cette époque vers 1287. Stabel fait remonter sa première apparition vers iSSy, par conséquent cent
années plus tard. Un passage de la Vie du B. Ladislas, rapporte par Ducuuge, fait déjà ment ion de la Plique, et
d é t r u i t entièrement l'opinion de ceux qui lui assignent une origine plus récente.
L X X I V . Géhéma cherche également à prouver l'origine tartare de la Plique; et il s'appuie, A cet égard,
de l'autorité de Hi r temberg, historien polonais du dix-septième siècle. Cet historien fait voir combien alors
o n counoissoit p eu, dans son pays, la nature de la Pl ique, et quelle idée absurde on se formoit de son origine.
Aussi Géhéma assure que, dans ce même temps, les Professeurs de Cracovie n'osoient point entreprendre la
cure de cette affection ; il ajoute qu'ils s'adressèrent à l'Université de Pavie, pour obtenir des éclaircissemens
nécessaires sur sou trai tement , et qu'ils envoyèrent même dans cel t e ville plusieurs de leurs malades.
LXXV. Depuis cette époque, plusieurs observateurs, parmi lesquels il sufili de citer HirscJiel, Hoffmann,
Stabel, Gilibert, &c. ont dirigé plus particulièrement leurs recherches vers cette maladie singulière. Vicat a
publié quelques Mémoires sur le m ême sujet : ma i s personne ne nous semble avoir mieux approfondi la nature
de la Plique que M. de Lafontaine, premier chirurgien du dernier Roi de Pologne. Je dois à sa correspondance,
des détails qni intéressent autant par leur importance que pur leur nouveauté.
LXXVL II n'est point de genre de maladie qui réclame de plus profondes recherches relativement à ses
symptômes, à son origine, à ses causes et à sa curation : aussi, en abordant un pareil sujet, n'ai-je ])u me
dissimuler les difficultés sans nombre dont j'allois m'environner. En effet, cette affection si singulière, dont je
dois entretenir mes lecteurs, est fort rare ; je suis d'ailleurs placé à une distance considérable du climat qui
favorise son développement. C'est en quelque sorte une substance exotique que j'ai à décrire, pour me servir
d u langage des Naturalistes : j e suis doue privé des ressources dont je jouissois, quand je me suis livré à l'étude
des Teignes si fréquentes pai'mi nous.
LXXVIÎ. Quant à la Plique, j'ai ou à la vérité l'occasion de l'observer trois fois ; d'abord sur deux mendians
polonais que leur vie errante avoit conduits jusqu'à Paris, et en second lieu, sur une femme née dans
l'un des départemens septentrionaux de la France. Mais malgré le soin que j'ai pris de rassembler les symptômes
divers qui caractérisent cette affreuse maladie, je sens que je n'ai pu contempler, de mes propres
y e u x , toutes les conditions particulières que doit lui imprimer l'influence des lieux et de la température
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