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J, ma l a d i e s d e l a p e a u .
avec la plus parfaite régularité. On verra, dans mes considérations générales, les conclusions qu'il faut tirer do
cc fait. J'ai vu pourtant la Teigne muqueuse faire de tels progrès, et causer des symptômes si graves, que les
enfans tomboient dans une sorte de consomption, qu'ils étoienl accablés de maigreur, que leurs yeux deveîioient
concaves, et qu'enfin la prostration des forces éloit à son comble. Alors la maladie peut se compliquer
d'aphtes dans l'intérieur de la bouche, ou d'autres ulcérations non moins dangereuses.
Observations relatives à la Teigne muqueuse.
XVIII. Première Observation. — J'ai eu occasion d'observer, à l'IiùpiLal Saint-Louis, Joseph Buisseret, âgé
de vingt mois, et aUeinl d'une Teigne muqueuse. Cette afîeclion se manifesta à une époque où sa nourrice
venoit d'éprouver les peines les plus vives. Son mari avoit été enlevé auprès d'elle pour être conduit en prison j
elle fit alors une maladie très-grave, éprouva même quelques accès de manie qui, k la vérité, ne durèrent pas
long-temps. Malgré cet accident funeste, elle continua de nourrir son enfant jusqu'à ce que son lait fût entièrement
supprimé. Presqu'aussi-tôt, cet enfant eut la tète couverte de croûtes jaunes, épaisses, n'ayant aucune forme
déterminée, liuniectées par une quantité considérable d'humeur ichorcuse très-fétide, laquelle découloit de
petits ulcères dont le cuir chevelu étoit parsemé. Ces croûtes s'enlevoicnt facilement quand on employoit des
lotions émollientes ; alors la tète étoit rouge, saignante, dénuée de son épiderme. Ce petit enfant éprouva une
maladie causée par l'éruption des dents : pendant ce temps, la Teigne muqueuse disparut entièrement.
Seconde Observation. — Pierre Cruilly, âgé de quatre mois, né d'une mère forte et bien constituée, est atteint
depuis six semaines d'une affection qui offre les caractères suivaus ; larges plaques croûteuses répandues sur
plusieurs parties de l'enveloppe cutanée, mais spécialement lixées au cuir chevelu et sur les parties latérales de
la face. Ces croûtes varient plus ou moins par leur forme et leur grandeur. Le plus souvent c'est une large croûte
jaunâtre, tantôt inégale et déprimée, tantôt lisse et unie, recouvrant et embrassant les cheveux suivant leur
longueur. Lorsque l'affection commence à paroître, elle s'annonce par une rougeur qui est bientôt suivie de
nombreux boutons coniques, par lesquels suinte un liquide jaune, filant et comme muqueux. La dessiccation
de ce liquide donne lieu à la formation des croûtes, qui se réunissent à d'autres, se confondent avec elles, et
constituent enlin des plaques d'une étendue considérable. Ces croûtes, soit qu'elles tombent par l'excèis des
démangeaisons qui contraignent l'enfant de se gratter, soit par leur dessèchement total, semblent se détacher par
fragmens squammeux, et ne laissent pour toute trace qu'un peu de rougeur et de tension sur le cuir chevelu,
lequel ne tarde pas à se recouvrir de vésicules pour donner de nouveau naissance à la maladie.
Troisième Observation. — Emilie Gossé, âgée de quatre ans, d'un tempérament sanguin, ayant les cheveux
blonds, un peu châtains, éprouva la Teigne muqueuse un an après sa naissance. Cette affection avoit disparu
pendant six mois; mais elle revint au bout de ce temps, parce qu'on perça les oreilles à l'enfant pour y suspendre
des boucles d'or. Lorsque j'eus occasion de l'observer, elle s'étoit répandue sur toute la tète, particulièrement
à la partie postérieure de cet organe ; on la voyoit aussi au front et sur les pommettes. Mais c'est sur-tout
sur les oreilles que la maladie exerça son action ; elles se gonflèrent, s'élargirent et s'accrurent dans tous les sens
d'une manière si prodigieuse, que la mère en fut effrayée; elles étoient d'un rouge érysipélateux. Les démangeaisons
étoient très-grandes, et il fusoit de tout le cuir chevelu une mucosité épaisse, visqueuse, qui formoil
des croûtes jaunes ou blanchâtres.
Quatrième Observation. — Alexis Lataille avoit à peine sa deuxième année, quand il fut pris de la Teigne
muqueuse. Cet enfant appartenoit à des gens pauvres, qui n'avoieot pris aucun soin de liti. Il avoit tctté un trèsmauvais
lait. L'afTection dont je parle existoit depuis six mois, lorsque j'eus occasion de l'examiner. Diverses
parties de sa tète étoient recouvertes de croûtes jaunâtres, épaisses et très-humides. Les glandes cervicales étoient
engorgées. C'est particulièrement sur le front que l'éruption existoit avec le plus d'énergie. Les tempes et les
pommettes étoient souillées d'un amas d'écaillés légères, blanches et transparentes. Il en découloit de toutes
paris un fluide épais, de consistance syrupeuse, qui imbiboit les linges en très-peu de temps. Comme l'enfant se
grattoit avec une ardeur démesurée, la peau étoit par-tout rouge et enflammée. Toute la tête exhaloit une odeur
fade et insupportable.
XIX. Le tableau de la Teigne nmqueuse que je viens de tracer, et les observations qui l'accompagnent,
doivent la distinguer, ce me semble, de cette affection légère qui porte communément lo nom de croûte laiteuse.
Cette dernière, en effet, n'est familière qu'aux enfans à la mamelle, et ne se prolonge pas au-delà de la lactation;
elle n'est caractérisée que par de légères squammcs furfuracées, d'une couleur blanche. La Teigne muqueuse,
au contraire, se manifeste par des croûtes étendues, jaunes, cendrées ou d'un rouge brun, très-consistantes,
et couvrant la tète en manière de calotte; elle excite un prurit bien plus violent que lu croate de lait, et exhale
une odeur plus fétide. D'une autre part, la Teigne muqueuse diffère des autres espèces de Teigne, en ce qu'elle
attaque moins profondément le cuir chevelu, en ce qu'elle paroît rarement au-delà de la quatrième année, et
que ses ulcères sont presque toujours humides, phénomène qui nous paroît justilier complètement la dénomination
que nous avons cru pouvoir lui imposer.
M A L A D I E S D E L A P E A U . ]3
SECONDE PARTIE.
Des Faits relatifs à Vhistoire générale des Teignes.
XX. Les phénomènes dont nous allons maintenant entretenir nos lecteurs, sont communs aux différentes
espèces qui constituent le genre des Teignes. La plupart de ces phénomènes peuvent même être considérés
comme le résultat général des faits particuliers que nous avons précédemment établis.
A R T I C L E PREMIER.
Des Phénomènes généraux qui caractérisent la marche des Teignes.
XXI. EN général, les individus qui sont atteints de telle ou de telle espèce de Teigne, commencent par
ressentir un prurit plus ou moins violent à la tête. Le cuir chevelu, dans certains points de sa surface, devient
rouge, se fend, ou souvent même se tuméfie. Quelquefois les glandes, soit cervicales, soit occipitales, se gonflent,
et sont douloureuses au contact; quelquefois aussi, mais plus rarement, une grave céplialalgie accompagne cctto
affection cutanée.
XXII. Les démangeaisons augmentent de jour en jour; alors on apperçoit entre les cheveux, ou sous le doigt
de l'enfant qui se gratte, des pustules ou des vésicules environnées d'une aréole enflammée. Dans quelques cas,
on ne distingue aucune trace d'ulcération. On croit voir des petits canaux dilatés, ou les conduits de plusieurs
folléculcs glanduleux, d'oii s'échappe lentement une humeur visqueuse et rougcâtre. Il peut également arriver,
sur-tout dans la Teigne muqueuse, que la peau s'élève en tumeurs circonscrites, pisiformes ou coniques, asse;i
dures à leur base, ayaut leur sommet mou et blanchâtre, lequel contient une liqueur flavescente. Cette liqueur se
répand avec fétidité, soit qu'on lui donne issue avec l'instrument, soit que ces tumeurs crèvent spontanément,
après qu'on a provoqué leur suppuration par dos cataplasmes.
XXIII. Bientôt les cheveux sont inojidés de cette matière impure, qui les agglutine les uns aux autres, en se
coagulant par l'action de l'air et de la chaleur. Les flots de cette humeur visqueuse qui coule d'une source
abondante, et qui ressemble quelquefois à de la résine fondue, se succèdent et se chassent, pour ainsi dire,
réciproquement. De là proviennent une multitude de couches croûteuses ou squammcuses, qui forment, par leur
réunion, un couvercle horrible et hideux sur la tête. Mais sous ce couvercle réside une sanie putride, qui attaque
la peau, qui ronge les cheveux jusque dans leurs bulbes, qui consume le tissu muqueux voisin, qui menace
jusqu'à la substance osseuse du crâne. Quelques malades sont eu proie à des douleurs nocturnes et atroces.
Quelques autres tombent dans une maigreur funeste ([ui arrête les progrès de leur aceroissement.
XXIV. C'est sur-tout lorsque les Teignes se sont manifestoes clos la naissanee, ou lorsqu'on a négligé longtemps
les moyens applicaliles à leur curation, que leurs ravages sont eousidéraliles. C'est alors qu'on voit des
abcès se former dans le cuir chevelu ; c'est alors qu'on voit survenir des engorgemens glanduleux à l'occiput, au
col, aux épaules, sous les aisselles ; les oreilles parfois s'enflent cl se tumélient d'une manière monstrueuse ; les
paupières irritées sont rouges et larmoyantes.Une odeur repoussante s'exhale des pustules, qui insensihleiuent sont
devenues voisines et conilueutes. Les anciens cheveux tombent déracinés. Ceux qui les remplacent sont blancs,
mous, s'alongent à peine; leurs touETcs claires et fines ressemblent à une matière lanugineuse. L'esprit n'est apte à
aucun travail intellectuel; le corps n'est propre à aucun exercice physique. Enfin , j'ai vu queltiuefois celle
eirroyablc maladie attaquer radicalement les plus précieuses sources do la conservation humaine , et retarder
long-temps le développemenl organique de la puberlé. C'est ce que j'ai paniculièrcment observé chez le nommé
Hilairc Frévin , menuisier de profession. Ce jeune homme parcourt maintenant sa vingt-unième année , et n'a
encore aucun des signes qui caracterisenl la virilité. Ses parlies génitales sont d'un très-petil volume ; elles ne
sont point couvertes de poils. Sa voix est claire et analogue à celle d'un enfant quin'auroit que douze ans. Sa
taille a presque la môme disproportion. Hilairc Frévin est né avec la Teigne faveuse , et son père en étoit
atteint. 11 est 4 remarquer qu'un phénomène absolument identique s'est manifesté sur deux filles, dont l'une
éloil figée de seize ans, et l'autre de vingt. Toutes deux paroissoienl n'en avoir que dix. Elles étoienl dans un
étal d'amaigrissement déplorable, n'éloient point encore réglées , &c. Il y avoil des plaques faveuses sur différentes
parties du corps ; les glandes cervicales étoienl engorgées , et celle affection s'éloil développée en elles
presqti'aussilol après leur naissance.
XXV. Les Teignes coexistent quelquefois avec d'autres altérations, qui se manifestenl ailleurs que dans le
cuir chevelu. Celle qui mérite sur-tout une gjjmdc atleulion de la part des pathologisles, c'est la difformité
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