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iv DI S C O U R S
cité aussi vaste que Paris, y apportent quelquefois le germe des éruptions les plus extraordinaires
, contre lesquelles ils viennent implorer notre secours. Je rapprocherai, en conséquence,
le peu de phénomènes qu'il m'a été possible de recueillir des phénomènes nombreux que'
des observateurs authcnliques ont été à même d'étudier , persuadé que les résultats de cette
double expérience éclaireront beaucoup mieux notre jugement.
S. X. Je me suis occupé, avec l'attention la plus scrupuleuse, de quelques autres maladies
de la peau, presqu'aussi rares que les précédentes : telle est, par exemple, l'Ictiosis,
altération remarquable et singulière, dans laquelle les tégumens sont tellement rugueux et
écailleux, qu'ils ofl'rent une similitude frappante avec l'enveloppe des poissons ; telles sont
pareillement certaines tumeurs aplaties, tantôt d'une l'orme oblongue , tantôt d'une forme
quadrangulaire, ou plutôt certains boursoufflemens du système dermoide, qui cachent un
caractère éminemment pernicieux et opiniâtre. Ces sortes de congestions, dont la nature
paroit être lympliatique , ont une structure cordilorme , qui n'a été décrite par aucun
observateur, et qu'il est infiniment dilEcile de retracer. Des chirurgiens habiles ont vainement
tenté de les Ihire disparoilre par l'instrument trancliant. Mais ii peine les excisions et les
extirpations de ces tumeurs sont-elles exécutées, que celles-ci repullulent et se remontrent
plus féroces tpte jamais. Elles jettent çà et là des racines profondes; elles occasionnent des
douleurs aiguës, lancinantes, assez analogues à celles que suscite le Cancer, dont j'olfrirai
aussi le déplorable tableau, pour qu'on puisse mieux apprécier les traits de dillérenoe qui
distinguent deux affections aussi alïïigeantes dans l'histoire pathologiciue de l'homme. Il est
une autre dégénéralion du système dermoide non moins allreuse. Il se manifeste quelquefois
sur la face, ou sur d'autres parties du corps, des tumeurs charnues qui ressemblent à des li-uils,
à cause de leur forme ronde et granuleuse. Les anciens en ont lait des peintures hideuses
et effrayantes. Ces tumeurs fongueuses se convertissent ordinairement en ulcères tellement
fétides , qu'on ne peut approcher des malades sans éprouver une répugnance invincible.
Aucun spectacle alors n'est plus repoussant que leur peau, qui, en proie à la suppuration,
tombe dans une sorte de fonte et de décomposition générale. On verra toutefois, dans cet
ouvrage, que je n'ai négligé aucune occasion de recueillir tous les cas rares que j'ai pu rencontrer,
pour les présenter à la curiosité de mes lecteurs.
XI. En traitant des excroissances morbifîques qui dégradent le système dermoide, j'ai
cru qu'il importoit de ne pas perdre de vue celles qu'il faut, pour ainsi dire, considérer
comme des végétaùons cutanées, qui se développent à la surlace du corps humain, sans qu'aucune
de ses fonctions en soit altérée ; i¡ui n'ont qu'une existence d'emprunt, et sont , en
quelque sorte, placées hors du domaine de la circulation et de la vie; de ce nombre sont
les cors , les verrues, les loupes , les callosités du derme, les accroissemens extraordinaires
des ongles, etc. On a , ce me semble , trop négligé ces sortes de dégénérations, que les
anciens médecins, tels que Celse, Avicenne , etc. avoient jugées dignes de leur attention.
Ces affections sont certainement du domaine de la Pathologie cutanée, quoique la plupart
tiennent à des causes purement mécaniques, comme , par exemple, à l'elfel comprimant
des chaussures étroites, aux frottemens divers que subit l'épiderme dans les marches forcées,
etc. C'est mal-à-propos qu'on abandonne aux empiriques le soin de les guérir. Toutes
les parties de notre art sont également honorables pour le praticien , et toutes méritent les
regards de l'observateur philosophe. Qui sait d'ailleurs si l'étude de ces altérations ne peut pas
conduire à des notions plus utiles !
XII. Quand j'ai commencé mes recherches cliniques à l'hôpital Saint-Louis, je n'ai pas
tardé à m'appercevoir du désordre extrême (|ui régnoit dans l'histoire des maladies psori,|ues
On conlondoit habituellement, sous le nom de Gah, des altérations du système dermoide
qui n'ont d'autre rapport avec cette affection, que de provoquer le développement d'une
P R E L I M I N A I R E ,
multitude de boutons papuleux qu'accompagnent des démangeaisons vives et constantes. Je
me suis attaché dès lors à bien assigner les attributs distinctifs de ces nouvelles espèces d'exanthèmes
, afin de trouver le traitement qu'il falloit leur adapter. J'ai démontré (|ue les moyens
de guérison qui s'appliquent à la Gale, ne conviennent pas toujours au Prurigo ; considération
très-importante pour la médecine des prisons et des armées, où ces deux maladies jieuvent
quelquefois se montrer simultanément. Le Prurigo diffère essentiellement de la Gale par son
caractère non contagieux. Souvent il est le triste résultat de la constitution physique des individus
, et se transmet par des causes héréditaires ; souvent aussi il est accidenlel, et 11 esl facilement
contracté par l'habitude qu'ont certains individus de coucher dans les lieux humides
sans quitter leurs vêtemens, par les veilles prolongées, l'abus des liqueurs spirltucuses, etc.
La Gale, au contraire, se transmet par l'unique voie de la contagion. Les Naturalistes ont déjà
classé l'insecte dévorant qui la propage. Elle a d'autres différences spécifiques que j'aurai soin
de présenter. Je ferai voir également combien il importe de bien distinguer les boutons de la
Gale, de ceux qui sont le produit d'une irritation secondaire de la peau , et que les frictions
ne manquent jamais d'accroître et d'exaspérer. Dans ce cas, les onctions huileuses, les bains
tièdes, etc. ne sont-ils pas préférables aux substances acres que certains praliciens mettent en
usage? Je dois observer encore que la suppression des menstrues, des hémorroïdes, de la
transpiration, etc. donne lieu à des éruptions prurigineuses dont il importoit de faire mention.
Il y avoit, en outre, quelques faits à recueillir, relativement à des Gales diverses que les animaux
domestiques peuvent communiquer à l'hoiame. Il y avoit enfin beaucoup d'incertitudes
à fixer, relativement à l'affection vulgairement appelée Pédiculaïre. Mais la propagation des
poux sur les tégumens ne constitue pas proprement une maladie; c'est un simple accident du
prurigo, auquel j'ai cherché à remédier par divers topiques, dont la plupart ont eu des eilèts
salutaires. Que de points de vue intéressans cette matière nouvelle m'a fournis !
XIII. Après avoir fixé mon attention sur des maladies qui se manifestent en produisant
des élévations sur la peau, je me suis livré à l'étude des simples décolorations de cet organe. Le
système dermoïde est sujet à des taches, à des maculations de tout genre, qui altèrent, tantôt
une partie, tantôt l'universalité de sa surface; certaines de ces taches sont passagères et fugilives,
certaines sont Immuables ou se perpétuent plusieurs années. On sent combien 11 m'en a coûté
pour fixer leur nombre, qui est infini. Il en est beaucoup qui affectent une figure circulaire, et
beaucoup qui n'ont point de forme déterminée. On voit des taches simples qui s'évanouissent,
sans laisser après elles aucun vestige de leur apparition ; mais on en voit qui, en s'éteignant,
donnent lieu à des desquammations furfuracées. Les unes n'occupent que l'épiderme; d'autres
ont un siège plus profond : leur couleur n'est pas moins sujette à changer. On remarque des
taches brunes comme des lentilles, ou violacées comn>e des piqûres de puce ; on en observe qui
oll'rent le noir de l'ébène ou la blancheur du lait, etc. La plupart ternissent l'éclat de la peau,
en lui imprimant une teinte jaune, livide ou terreuse, etc. Telles sont celles qui se développent
dans rictère, le Scorbut, et dans d'autres maladies dont j'ai eu occasion de suivre la marche
à l'hôpital Saint-Louis. La connoissance approfondie de ces décolorations diverses m'a paru
d'autant plus importante, qu'elle peut révéler des lésions intérieures et expliquer l'état pathologique
du foie, de la rate, de l'utérus, etc. Ce rapport morbifique du système dermoïde avec
les viscères de l'abdomen, a été mal étudié par les anciens, aussi bien que par les modernes.
XIV. Enfin,pour mettre le dernier complément à cet ouvrage, j'ai cru devoir le terminer
par le tableau de tous les exanthèmes aigus. Plusieurs raisons m'ont porté à opérer ce
rapprochement. En effet, ces éruptions, dont la marche est si rapide , produisent sur la peau
les mêmes désordres que les exanthèmes chroniques ; elles donnent également lieu à des renouvellemens
furfuracés ou squammeux de l'épiderme, à des exsudations qui se convertissent
en croûtes , à des boutons pustuleux, à des vésicules, à des phlyctaines, etc. Elles affectent
les mêmes systèmes d'organes; elles rentrent, par conséquent, dans le même cadre, et se
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