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devenue enccintc par l'oeuvre d'un individu très-sain qu'elle infecta; l'enfant naquit avec des pustules à l'anus,
telles qu'on les voit dessinées dans cet ouvrage, &c.
DCLXXX. Les Sjplulides héréditaires produisent fréquemment des ulcères incurables. L'ozène vénérien est
sur-lout observe ù l'hôpital Saint-Louis. Louis B reçutle jour d'une mère infectée; il vint au monde, petit,
maigre, atteint d'une uphlhalniie chronique, ainsi que d'une ulcériitiou grave dans rinlérieur des narines : cette
dernière maladie donnoit lieu à la sécrétion d'une grande quantité de il aide purulent. La premicro de ces aflcctions
disparut peu de temps après la naissance, par suite d'un traitement que subit la mère : mais il n'en fut pas de
même de la seconde, qui continua à faire des progrès, malgré tous les moyens qu'on employa pour la combattre.
Les os et les cartilages du nez furent successivement attaqués; en sorte qu'il ne reste plus, en ce moment , qu'une
très-petite portion de l'aile droite de cet organe ; il paroît môme qu'une partie des apophyses montantes des os
maxillaires fut détruite par la maladie. Je pourrois également rappeler ici l'exemple d'une jeune lille, âgée de
treize ans, née d'une mère autrefois atteinte d'un virus syphilitique : elle éprouvoit une douleur obtuse habituelle
dans les fosses nasales ; le fluide qui s'en échappoit étoit roussâlre, sanguinolent, d'une odeur repoussante
et analogue au fromage pourri.
A R T I C L E V.
Des Causes exlérieures qui faforisent le développement des Syphilides.
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DCLXXXI. La source la plus commune de la Syphilis est, comme tout le monde le sait, celle du rapprocliement
des sexes : cette sorte d'inoculation n'est que trop fréquente aujourd'hui chez l'espèce humaine. Il est
d'autres voies de communication : l'épiderme même ne sauroit défendre la peau de ce levain contagieux. On a
cité, dans plusieurs journaux scientifiques, l'histoire d'un accoucheur, qui contracta le virus vénérien, en délivrant
une femme malade, quoiqu'il n'y eût aucuue excoriation à sa main. Nous avons traité, à l'hôpital Saint-
Louis, une femme qui avoit gagné cette horrible maladie, pour avoir pratiqué des attouchemens illicites sur une
de ses voisines de lit, qui en étoit infectée.
DCLXXXII. La contagion est sur-tout facile autant que rapide, quand le virus est mis en contact avec les
surfaces muqueuses. Les baisers voluptueux, même passifs, sont quelquefois une cause de propagation pour la
maladie syphilitique. On a fait mention, dans quelques ouvrages, d'une jeune fille qui, ayant été embrassée
contre son gré par un soldat, ne tarda pas à éprouver des symptômes syphilitiques à la lèvre supérieure. Aussi
avons-nous grand soin de recommander aux nourrices qui viennent se faire traiter à l'hôpital Saint-Louis,
de ne point laisser, car esser leurs enfans par les femmes qui seroient atteintes d'un pareil mal.
DCLXXXIII. Il est d'autres voies de communication qui frappent d'un étonncmcnt extrême ceux qui en ont
été les témoins. J'ignore quelle confiance il faut ajouter à un fait extraordinaire, rapporté par J^'abrice de Hilden :
il s'agit d'une jeune demoisc-lle qui contracta la maladie vénéi-ienne, pour s'èlre masquée avec les vètemens d'un
liomme qui en étoit atteint depuis long-temps. Qui sait si, dans les hôpitaux, les mouches, les linges, la charpie
, &c., ne peuvent pas être les véhicules de cette maladie horrible ! . . . . L'usage des mômes verres pour les
boissons sert quelquefois à la propager. Une petite fille de cinq ans, appartenant aux parens les plus sains et absolument
irréprochables, se servoit de la même tasse qu'un enfant infecté du vice vénérien, qu'on avoit placé en
sevrage chez sa mère. Elle contracta un ulcère profond, inégal, qui se développa spontanément et sans vive
inllammatiou : cet ulcère fut jugé syphilitique, et céda aux moyens administrés en pareil cas.
DCLXXXIV. Beaucoup d'enfans contractent la maladie vénérienne par la voie de l'allaitement, et trouvent
un poison destructeur dans le premier aliment do la vie. Appolline, âgée de vingt-deux mois, devoit le jour
à des.parens très-sains et de moeurs très-pures. Elle fut confiée à une nourrice des environs de Paris, et y
demeura près d'un an sans éprouver la moindre altération dans sa santé. A cette époque, il se manifesta une
légère éruption aux environs des lèvres, et quelque temps après sur le dos : cette éruption n'olfroil d'abord
aucun caractère particulier; cependant elle persista, nonobstant l'emploi des bains et des délayans ; elle
, acquit même plus d'intensité. La petite fille maigrit d'une manière sensible : on conçut quelques soupçons
sur la nature du mal, et les informalions que l'on prit, ne servirent qu'à les confirmer encore. Les pustules se
convertirent en ulcérations rondes, dont les bords ctoient coupés perpcndiculairemcnl ; la suppuration ([ui
s'en exhaloit, avoit une odeur fade et nauséabonde. La nourrice visitée ofirit un ulcère vénérien à lu gorge.
DCLXXXV. Les enfans communiquent souvent la maladie à leurs nourrices. La nommée Marie-Géneviève,
âgée de trente ans, douée d'un tempérament sanguin, joiiissoit d'une santé parfaite. Relevée de couches depuis
quelques jours, elle vint à Paris chercher un nourrisson, qu'elle emporta dans son pays. Il y avoit près de
quatre mois quelle l'allaitoit, lorsqu'elle éprouva une chaleur intense à la marge tic l'anus, accompagnée d'tin
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prurit très-incommode : peu de jours après, plusieurs pustules groupées s'y développèrent. Cette paysanne, ne
soupçonnant point la cause de son indisposition, n'en dit rien à son époux, s'abandonna même à ses caresL-s;
mais celui-ci ne larda pas à en être affecté. Tous deux iVappés d'étonnement, et ne conuoissant la Syphilis que
de nom, altèrent trouver un médecin, qui les éclaira sur leur état : ils demandèrent en outre des renseigncmona
sur la mère de leur nourrisson, et apprirent qu'elle étoit atteinte do cet horrible mal, lorsqu'elle le mit au monde.
Les pustules dont il s'agit étoient aplaties et de forme ovale; elles étoient recouvertes d'une croûte mince et
rugueuse, et baignées par une exsudation presque imperceptible. Ces deux individus lurent traités et guéris dans
l'intérieur de l'hôpital Saint-Louis. La nommée Marie Martine fut encore plus malheureuse que la précédente.
Elle eut l'imprudence de se charger du fils naturel d'une fille prostituée. Cet enfant n'avoit point, à cette époque,
de symptômes prononcés de la Syphilis : cependant, deux mois s'étoient à peine écoulés depuis qu'elle le nourrissoit,
qu'elle fut toute couverte de pustules, dont on méconnut le caractère et le danger : aussi cette femme
demeura-t-elle plusieurs années dans une sécurité pleine et entière sur sa position. Pendant ce temps elle devint
successivement enceinte de trois filles, qui apportèrent en naissant le germe d'une maladie vénérienne aussi
grave que rebelle à tous les moyens de l'art. Des pustules de couleur olivâtre se manifestèrent sur dilFérentes
régions de la peau : gonflement des amygdales; voix foible cl enrouée; douleur dans les os pendant la nuit, et
sur-tout dans une température élevée : lels sont les symptômes qu'on a vainement combattus pendant quatorze
ans de leur déplorable existence.
A R T I C L E VL
Des Résultats fournis par l'autopsie cadavérique des individus morís de la maladie
syphilitique.
DCLXXXVI. Les chaleurs de la saison dans laquelle nous nous trouvions à l'époque où plusieurs individus
ont péri des suites de la maladie syphilitiq ue, la putréfaction rapide et l'extrême fétidité des cadavres, n'ont pas
permis de multiplier les dissections: je me contente d'exposer les faits qui suivent: Pierre T depuis plus do dix
ans étoit en proie à des symptômes vénériens d'une gravité extrême. Il mourut à l'hôpital Saint-Louis, après une
longue et déchirante agonie. Son corps, pâle et prodigieusement éniacié, offroit, dans toute sa surface, des pustules
larges, aplatiesetprofondément ulcérées: si on enlevoitavec le scalpel les ci'oùtes énormes qui les recouvroient, ou
apercevoit des excavations considérables : le cuir chevelu en étoit particulièrement atteint, ainsi que les jambes,
les cuisses, les bras et les avant -bras. Les parties génitales étoient rouges et enflammées. Bien d'extraordinaire
dans le cerveau, dont les circonvolulions étoient distendues par une grande quantité de sérosité : les vaisseaux
étoient gorgés de sang ; le cervelet étoit intact. Il n'y avoit aucune lésion dans le système pulmonaire : la plèvre
étoit saine; le coeur étoit plus volumineux que de coutume. Nulle allératiou sensible dans le larynx et le pharynx,
qui étoient pleins d'un mucus grisâtre : la membrane nmqueuse de l'estomac et des intestins étoit pàle et
blafarde; le foie étoil volumineux; la vésicule très-distendue par im fluide verdàtre ; la raie avoit une mollesse
peu ordinaire; les capsules sus-rénales étoient comme cartilagineuses : point de lésion dans le pancréas; point
de sérosité dans l'abdomen.
DCLXXXVII. Nous avons procédé à l'autopsie du cadavre de Jean R , mort des suites d'une aiTcction
vénérienne et scorbutique. Un dévoicment colliquatif l'avoit conduit insensiblement à la mort. La tête et la poitrine
n'ofli'irent aucun phénomène intéressant à notre examen ; l'abdomen étoit légèrement tumélié ; le péritoine
étoit rouge et comme gangrené ; les intestins présentoient, dans leur intérieur, quelques légères ulcérations;
les glandes du mésentère éloient engorgées et volumineuses; le foie étoit grand : atrophie des vésicules
seminales; engorgement de l'épididyme. La couronne du gland étoit surmontée de chancres profonds cl étendus;
les jambes et les cuisses off'roient un très-grand nombre de taches cuivreuses, et de petites tumeurs noirâtres
élevées au-dessus de la peau, qui ressembloient à des grains de cassis ou à des merises : sur les parties latérales du
col et près des angles de la mâchoire inférieure, existoicut des ulcères ronds, avec amincissement et même dénudation
de la peau; les parotides étoient ulcérées et en suppuration ; les submcntales étoient fortement gonflées.
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A R T I C L E VIL
Considérations générales sur le traitement des Syphilides,
DCLXXXVIIÎ. Voici encore une des maladies qui attestent le mieux l'excellence ainsi que la certitude de
notre art. L'espèce humaine a peu de maux qui soient combattus avec plus d'efficacité que les aflcctions vénériennes,
lorsqxi'une bonne méthode guide les médecins; lorsqu'ils ont appris à discerner exactement les circonstances
qui rendent tel ou tel remède fructueux; lorsqu'ils savent le continuer aussi long-temps que le cas
l'exige, &c.