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M A L A D I E S D E L A P E A U . 3
Nous avons souvent procédé à l'examen du cuii' clicvclu, après la rliulc des croùlfs ramollies [lar rclliu
r«itérc des lotions et des cataplasmes. C'est alors que l'on voit tout le tissu réticulairo ronge ct ôryllK^nialcux.
L'épidcrme a disparu, et des ulcérations nombreuses laissent suinter çà i-l là un li(|iiidc jaunâtre, vi.s(|uc'u>i
et fétide. On apperçoit aussi une quantité plus ou moins considérable de petits abcès éj)ar8, non proéiinurns
et au niveau du cuir chevelu, affectant une forme lenticulaire, et paroissant cire (^oninio autant de centres
particuliers d'inlTammation.
Mais un des symptômes remarquables de la Teigne favcuse, lorsqu'on néglige de l'attaquer par des moyens
convenables, et qu'on l'abandonne à ses propres progrès, est l'alopécie, que j'ai vu devenir picsqiic totale
chez certains individus. Dans les endroits où les cheveux ont été déracinés, la peau reste lisse et luisante
dans toute sa surlace. On j apperçoit néanmoins çà et là quelques cheveux rares, altérés dans leur tissu , ainsi
que dans leur couleur, et offrant une apparence lanugineuse.
J'aurois pu faire mention de quelques symptômes concomitans du favus, tels que rengorgement des glandes
cervicales, le gonflement du tissu cellulaire, la tuméfaction de la peau dans certains endroits, &c. Mais, outre
que ces symptômes ne sont pas constans, ils sont comnmus aux dilTércntes espèces de Teigne. Je ne dois donc
pas m'ecarter de la précision que je me suis imposée, en surchargeant ce tableau de détails superflus.
Obse/vations relatives à la Teigne faveuse.
Vi. Première Observation. — Le nommé Isidore Lignon, âgé de cinq ans, étoit né de parens sains. Ayant
été nourri par sa mère, il jouissoit d'une santé excellente. Celle-ci, pour vaquer plus librement à des occupations
domestiques, le confia aux soius d'une vieille femme, laquelle étoit atteinte, dit-on, d'une Teigne faveuse
très-ancienne. L'enfant vécut près d'un an auprès de cette femme, coucha môme avec elle. Au bout de ce temps,
il lui survint, sur diverses parties de la tète, des croûtes ou tubercules jaunes, circulaires, déprimés dans
leur centre, relevés par leurs bords. Cette nuiladie s'accrut, au point que les tubeicules se réunirent, et ne
formèrent plus qu'une seule calotte croùteuse qui couvroit tout le cuir chevelu. Chaque tubercule présentoit
la forme d'un petit godet, et dans les endroits même où ils étoient le phis rapprochés, leur confusion et leur
multiplicité n'cmpèchoient pas de distinguer tous les vrais caractères du favus. Dans les petits espaces qui
n'étoient point couverts de croûtes, la peau étoit rouge et enflammée. La démangeaison étoit considérable; et
lorsque l'enfant se livroit avec ardeur au plaisir qu'il avoit à se gratter, il cnlevoit les tubercules, au-dessous
desquels on appercevoit une sanie rougeàtre et fétide. Au bout d'un certain temps, la maladie reparoissoit.
Deuxième Observation. — M. Gallot et moi avons recueilli à l'hôpital Saint-Louis l'observation suivante
sur deux petites filles, Virginie et Julie Calandini, italiennes d'origine. L'une avoit atteint sa septièine année,
l'autre sa cinquième. Elles jouissoient d'une constitution très-forte, ainsi que leurs parens. Lorsqu'on nous
apporta ces deux enfans, leur tète étoit couverte de tubercules laveux circulaires, d'une couleur très-jaune,
creusés en godet dans leur milieu, offrant des bords proéminens, tels en un mol que nous venons de les décrire
dans le cas précédent. On observoit une régularité parfaite dans les tubercules; mais la plupart d'cntr'eux
étoient cohérens et disposés par plaques sur le cuir chevelu. Au milieu de cette masse croùteuse, devenue
informe dans quelques endroits de la tête par les progrès de la maladie, ou appercevoit des sillons et des
crevasses d'une profondeur considérable. Le cuir chevelu y étoit sanguinolent et presque détruit par l'eifet
terrible de l'ulcération exisLante. Il y avoit des croûtes brisées qui tomboient en petits grains au travers des
cheveux. Mais il est sur-tout impossible de dire (pielle quantité de poux infestoit la tète de ces deux malheureux
enfans. Ces animalcules dévorans étoient cachés en nombre infini sous les croûtes; ils excitoient un prurit
intolérable. Cette éruption dégoûtante exhaloit en outre une odeur de souris difficile à supporter. Au surplus,
la Teigne dont il s'agit, n'avoit pas seulement son siège dans le cuir chevelu. Il est à remarquer que les deux soeurs
avoient des plaques faveuses dans des parties absolument analogues du reste du corps, comme aux sourcils, aux
tempes, au bas des épaules, aux lombes, sur la région du sacrum, à la partie externe et supérieure des cuisses,
à la partie moyenne des jambes. Ces deux petites filles ont été guéries par les procédés mis en usage à l'hôpital
Saint-Louis, et dont nous ferons mention plus bas.
Troisième Observation. — Antoine Fondaneige, né à Paris, et doué d'uu tempérament lympliatique, fut
abandonné dès l'enfance par ses parens. Il n'avoit jamais eu d'autre maladie que la petite-vérole, lorsqu'à dix
ans il sortit de Paris, sans guide, sans destination. Après quelques jours de marche , il se trouva à Amiens,
où il fit le métier de mendiant. Pendant trois années, il parcourut les campagnes de la Picardie ; il couchoit
dans les granges et les lieux humides. Un jour, en se peignant, il sentit trois tubercules à la partie supérieure
et moyenne de la tôte; il prit le parti de les arracher : mais ils ne tardèrent pas à renaître, et, plusieurs jours
après, d'autres endroits s'en trouvèrent pareillement couverts. Toute la tète en fut garnie. 11 parut de semblables
croûtes sur l'abdomen, la poitrine, les cuisses, les jambes et les bras. Antoine Fondaneige se détermina
alors à venir à Paris, pour se faire traiter à l'hôpital Saint-Louis. Il y arriva le 29 février i8o4. Lorsqu'il se
présenta à nous, tout son corps étoit semé de croûtes faveuses jaunâtres, dont les unes étoient cavées dans
leur centre et relevées vers leurs bords, ce qui leur donnoit une certaine ressemblance avec les semences du
lupin, et les autres, brisées par des frottemens réitérés, ne présentoient plus que des tubercules inforjnes