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9a MA L A D I E S D E L A P E A U .
A R T I C L E IX.
Considéralioîis sur les Méthodes employées pour la guérison des Dartres.
CCLXIII. Il est difficile tl'élablir <les mcthodes gcucralcs de traitement pour la guérison des afFections
herpétiques. En effet, chaque espèce réclame, pour ainsi dire, des moyens particuliers. Mon expérience m'a
démontré, par exemple, qu'on ne sauroiL attaquer les Dartres furfuracées sèches, comme les Dartres squamineuses
liumides j que les Dartres crustacces et les rongeantes exigent un plan de conduite différent : enfin, j'ai
vu que les procédés curatifs sont susceptibles d'être inliniment variés, selon qu'il s'agit de combattre les accidens
des Dartres phlyclénoïdes,érytliémoïdcs,&c. Que peuvent valoir alors les secrets tant prcconi.ses par un
charlatanisme pi'ésomptueux, et qu'on applique sans discernement à tous les cas?
CCLXIV. On voit, d'après ce que je viens de dire, combien il importe d'indiquer rigoureusement les
caractères spécifiques des Dartresj de décrire, d'une manière exacte, les phénomènes qui les constituent;
d'étudier séparément leurs attributs, et de recourir à la méthode analytique pour démêler des objets aussi
•complexes, si l'on veut arriver à des règles positives pour obtenir leur guérison. Les anciens Patliologistes
n'ont pu se frayer que de fausses routes, puisqu'ils iguoroient le génie propre de ces exanthèmes. Qui contestera
désormais la nécessité des monographies pour le perfectionnement de nos connoissauces thérapeutiques?
CCLXV. Au surplus, l'unique voie à suivre pour perfectionner le traitement de ces éruptions si rebelles,
est de les ramener aux vrais principes qui dirigent la guérison des autres maladies. La nature n'a qu'une seule
marche, et on observera constamment trois temps dans le cours des Dartres; le temps de leur naissance, le
temps de leur développement, et celui de leur iléclin. Il importe donc d'cxamiucr soigneusement, lorsqu'on
est consulté pour une aiTection de ce genre, à quel degré de sa marche la nature est parvenue. En effet, comment
négliger cette attention, puisque les remèdes à employer ne sont pas les mêmes dans toutes les époques de la
analadie? Je le demande aux praticiens expérimentés : si on réclame les secours de leur art au troisième jour
d'un cxanllième aigu, se conduiront-ils comme s'ils avoient été appelés le premier jour ? Non sans doute; et ils
chercheront d'abord à apprécier quel est le changement qui s'est opéré dans le mode de réaction des forces
vitales. Il faut tenir la même conduite pour la guérison des exanthèmes chroniques.
•CCLXM. L'observation de ces périodes est si imporlante, qu'il est des Dartres dans lesquelles les mouveniens
de la nature sont manifestement dépurateurs. Dans cette circonstance, elles ne sont pas seulement le
résultat d'une altération particulière du système dermoïde ; mais elles semblent avoir pour but d'extirper du
corps vivant, une matière qui lui est étrangère ou nuisible. Aussi est - il line époque de l'éruption, oii les tegulucns
sont arrosés par un suintement très-considérable; c'est ce qui arrive principalement dans la Dartre
squammeuse humide {Herpes squammosus madidans). De quels inconvéniens seroit suivie la conduite d'un
médecin imprudent, qui voudroit tarir trop vite cet écoulement salutaire? J'ai recueilli plusieurs exemples qui
attestent un pareil danger. Un pauvre menuisier portoit, sur les cuisses et les bras, une Dartre squammeuse,
qui tous les jours rendoit une grande quantité de matière ichoreuse : le linge qui l'enveloppoit étoit imbibé en
quelques jninutes, et les infinnières pouvoient à peine suffire pour le tenir dans un état de propreté. Ses nuits
étoient si douloureuses, qu'il se livroit au désespoir. Il imagina de mettre de la cendre chaude sur les parties
des téguniensqui coimnençoienl à s'ulcérer : le lendemain, il éprouva une difficulté de respirer qui étoit presque
nisur mon table. Il fallut le plonger dans le bain, lui appliquer un large vésicatoire sur la poitrine. JXous avions
cru unmoment qu'il alloit perdre la vie; cependant il parvint à se rétablir. Je pourrois aussi rappeler l'observation
d'un ébéniste qui mourut à l'hôpital Saint-Louis, pour avoir combattu, par des repercussifs énergiques,
une Dartre furfuracée qui couvroit ses épaules et une portion des reins. Ces faits prouvent que, dans le traiteineot
des Dar t res, il importe de marcher avec la nature, et de seconder ses opérations.
CCLX\II. Si l'on a une connoissance profonde de la marche et des révolutions <les Darti cs, on sera peu surpris
de ce qui survient quelquelbis dans le traitement de ces maladies. En effi.'t, il n'est pas rare de voir que
durant l'application de certains topiques, comme, par exemple, lorsqu'on administre des douches ou des bains
sulfureux, l'éruption herpétique augmente momentanément d'inlensité. Les individus affi^ctés s'imaginent faussement
qu'un pareil régime leur est contraire, quand les symptômes qu'ils observent, ne sont que le résultat de la
marche régulière de l'exanthème. Ce phénomène trompe quelquefois des médecins qui sont sans intelligence et
sans instruction; mais les Dartres no tardent pas à s'éteindre progressivement par l'action des mômes moyens
dont on avoit d'abord redoute l'emploi.
CCLXVIII. Pour éviter de telles méprises, rien, par exemple, n'est plus avantageux que d'étudier les j)rocéilé3
de la nature, lorsqu'elle opère spontanément et d'ellc-mômc ses guérisons, sans aucun secours de l'art. Ces actes
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d e l à puissance médicatrice peuvent s'observer à l'hôpital Saint-Louis, où tant de dartreux sont rassemblés.
Combien de fois n'avons-uous pas vu des exanthèjnes aigus se déclarer pendant le cours d'un exanthème chronique
, et conduire rapidement ce dernier à une parfaite solution! Je pourrois alléguer ici beaucoup d'exemples
dont j'ai été le témoin : je ne citerai que les suivaris: une jeune fille âgée de seize ans, étoit affectée d'une Dartre
crustacée flavescente ( Herpes crustaceus Jlavescens), qu'aucun moyen n'avoit pu guérir, et qui avoit son siège
dans le tissu graisseux de la joue gauche. Elle fut prise d'une lièvre très-forte, avec assoupissement, à laquelle
succéda un érysipèle qui suivit ses périodes ordinaires, et fit entièrement disparoître la Dartre. Un vieux militaire
doué d'un tempérament lymphatique, étoit tourmenté depuis fort long-temps d'une Dartre rongeante
qui d evo it son origine à une dia thèse scrophuleuse {Herpes exedens scrophulosus ). Il eut un érysipèle inflammatoire
durant et après lequel son affection habituelle borna entièrement ses progrès. Un enfant étoit sujet à
une Dartre furfuracée {Herpes furfuraceus circinatus), d'un caractère rebelle, et qui avoit donné beaucoup
d'inquiétude. La petite-vérole survint et modifia son système dermoïde d'une manière si avantageuse, qu'il n'a
conservé aucune trace de sa première incommodité.
CCLXIX. Il est à présumer que l'appareil de réaction que la nature déploie dans cette circonstance, est
particulièrement propre à rétablir les fonctions du système exhalant, et à restituer aux vaisseaux cutanés le degré
d'énergie qui leur convient; il est à présumer que les mouvcmens perturbateurs de la fièvre excitent l'action
tonique du système dermoïde, et changent ainsi le type habituel de l'affection herpétique. Cette considération
rappelle les faits qui suivent : un homme de lettres dont la vie étoit très-sédentaire, étoit couvert d'éruptions furfuracées;
des circonstances extraordinaires le jetèrent dans la carrière de l'ambition, et changèrent totalement son
régime de vie. Au sein des agitations extrêmes où il se trouva, ses Dixrtres disparurent. Un homme avoit uno
Dartre pustuleuse mentagre {Herpes pustulosiis mentagrd) \ il éprouva des malheurs de commerce qui lui firent
contracter des dettes, et nécessitèrent sa réclusion; il eut la fièvre, le délire,et la Dartre se dissipa. Mais il en fut
attaqué de nouveau aussi-tôt que son état devint plus calme, et que ses affaires furent arrangées. Aucun fait,
peut-être, n'est plus intéressant que celui d'une femme qui , ayant été frappée de la foudre, fut radicalement
guérie d'une Dartre squammeuse lichénoïde {Herpes sqiiammosus lichenoides), dont elle se trouvoit attaquée
depuis fort long-temps.
CCLXX. On explique ainsi pourquoi tout ce qui est propre à changer le mode des propriétés vitales des
cxhalans cutanés, peut favoriser la guérison des Dartres. De là vient l'influence salutaire des climats et des
saisons. Qui ne sait pas que beaucoup d'individus se délivrent des éruptions chroniques qui les tourmentent,
en se transportant dans les pays chauds! A l'hôpital Saint-Louis, nous avons vu des exanthèmes herpétiques
résister aux moyens curatifs pendant le cours de l 'hiver, et se montrer moins rebelles à l'arrivée du printemps
ou de l'été. Il ne suffit donc pas qu'un remède soit salutaire par sou essence, il faut que tout soit favorable
ment dispose pour faciliter son action. Cette vérité s'applique aux Dartres comme aux autres maladies.
CCLXXI. Non-seulement il importe que les agens extérieurs concourent au succès de la guérison, mais il est
en outre nécessaire que le corps soit convcnatlomont disposé pour recevoir l'action des médicamens. Combien
de fois les malades font vainement usage des substances les plus efficaces, parce qu'ils ignorent l'art de les
employer dans l'ordre qui est le plus favorable à leur succès! C'est toujours sur les faits que j'aime à m'appuyer
pour soutenir de semblables assertions. J'ai donné des soins à une dame opulente qui avoit été suceessiveuient
dirigée par les premiers médecins de l'Europe ; on lui avoit indiqué les remèdes les plus propres à la guérir,
et pourtant aucun de ces remèdes n'avoit produit l'elfet desirable, le ne changeai rien au traitement qui lui
avoit été déjà prescrit. Mais la malade observa un régime préparatoire, prit une grande quantité de bains, &c. ;
dès-lors l'affection herpétique se dissipa. Les liommes de l'art ont vu mille exemples de ce genre.
CCLXXII. Je dois recommander aux médecins qui veulent procéder avec quelque certitude an traitement
des Dartres, de diriger spécialement leur attention vers la texture particulière de la peau, qui ditRre à l'infini
selon Ui constitution physique de chaque malade. Un remède déterminé n'agit point avec une efficacité égale
sur tous les individus, quoiqu'ils soient atteints du même genre ou de la même espèce d'éruption herpétique.
C'est d'ailleurs une remarque vulgaire, que cc qui est salutaire à une personne est souvent nuisible à une
autre personne. Il faut donc proportionner le remède ît l'état des propriétés vitales des tégumens, et chaque
système dermoïde a , pour ainsi dire, son idiosyncrasie.
CCLXXIII. Il est une autre considération qui échappe jnurnellenient à tous les pathologistes : c'est qu'un
médicament topique, par exemple, n'agit point également sur les différentes parties du corps, parce que leur
organisation est diversement modifiée. Un homme étoit affligé de plusieurs Dartres squammeuses, dont les unes
occupoient les cuisses et les jambes, les autres occupoient les bras; il y en avoit au ventre et à la partie antérieure
du sternum. II les l'rottoit assidûment avec une pommade dont le sulfure de potasse étoit le principal
ingrédient. Il observa que les Dartres situées sur les extrémités supérieures et inférieures, guérissoient par