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Le même aulciiv a observó une aiUrc espèce de clégcnéi-ation du tissu ccllulaire de la facc chez trois uu
quatre individus. Lcnu' physionomie ctoif tellement altérée, qu'elle n'étoit plus une physionomie humaine. Il
n'y avoit ni tubercules, ni croiitcs, ni écailles; mais le front, les sourcils, les oreilles, les yeux, les narines,
les lèvres, prenoicnt un oceroisscment considérable, au point que tous leurs trails n'étoient plus connoissables.
On désigne cette cireonslanee particulière dans les symptômes, sous le nom de Satyriasis; on ajoute qu'elle
est sur-tout signalée par l'incontinence des malades, et ])ar une odeur aussi fétide que celle des boucs. J'ai
lait dessiner la têle d'un homme qui éloit atteint d'une alíecíion analogue.
Il est \Tai que la peau ne représente pas toujours ces tubercules hideux dont j'ai fait mention. Elle se
trouve généralement engorgée, au point que t(ms ses tissus se confondent; elle est parsemée d'éminences psoi-iques
qui provoquent un prurit violent ; elle ne pc\it plus nourrir les poils et les cheveux; aussi s'en dépouillr-t-olle
entièrement. Les malades deviennent chauves; les sourcils tombent, et c'est à cet unique phénonicne qu'on
rcconnoît les commencemens de l'Éléplumliasis : c'est alors que les membres perdent absolument la íaeultú
•de sentir.
Dans ce moment, j'ai sous mes yeux une jeune demoiselle atteinte de la Lèpre tuberculeuse. Sa peau est
toute parsemée de durillons : elle y éprouve les sensations les plus singulières. 11 lui semble , dit-elle, qu'on
lui pousse les tégumens en dehors , pour en faire sortir des bosses. D'autres fois , ses cuisses et ses jambes ,
ses bras, ses avant-bras et ses mains, sont liitigués par des engourdissemens, comme si tous les membres
étoient serrés par des ligatures, ou fortement serrés et comprimés dans des gaînes. Quand la malade gi-alte sa
peau , il lui semble toujours qu'il y a un voile interposé entre ses doigts et la portion des tégumens qu'elle
touche. Elle éprouve par fois dans l'intérieur de son corps, des agitations, comme si elle étoit ébrardée par
le son d'nn tambour.
J)"ailleurs, sous quelque ciel que se développe celte maladie si redoutable, on s'apperçoit aisémeut que
les mêmes phénomènes la caractériseut, et que ses alîreux ravages sont les mûmes partout. Arétée en retrace
le tableau le plus terrible et le plus effrayant. On a eu tort, ce me semble, de blâmer les comparaisons, les
images, les métaphores dont iise ce grand peinti-e pour fortifier ses descriptions. Les expressions figurées convenoient
particulièrement au langage animé des Grecs; aussi voit-on que les noms de maladies les plus exti'aordinaires
, rappellent toujours un objet matériel avec lequel ces maladies ont quelque ressemblance.
La Lèpre tuberculeuse s'établit d'une manière prcsqu'insensible dans l'économie animale. Ses premiers symptômes
sont trompeurs et peu allarmans. On voit les malades tomber dans ime sorte de débilité générale qui
les rend presqu'incapablcs d'aucun mouvement ; ils ont eux-mêmes un penchant invincible pour la nonchalance
et le repos ; ils sont dans un état continuel de torpeur et d'assoupissement ; tous leurs membres sont affectés
d'une souffrance vague , et lorsqu'ils veulent les remuer, ils éprouvent ime gêne très-fatigante dans les articulations
des membres. J'en ai vu qui croyoient entendre un craquement dans leurs os.
Bientôt la maladie s'annonce par des signes moins équivoques; la face prend une teinte violacée ou bleuâtre.
Il se manifeste sur la peau du front, des oreilles et du reste du corps , des taches rouges entourées d'une
aréole plus vivement colorée; quelquefois ces laches sont jaunes et présentent une nuance verdàtre, ainsi que
je l'ai observé chez un homme qui arrivoit de l'ile-de-France. Les pommettes sur-tout sont alïreusement maculées.
Les tégumens sont frappés d'iusensibililé ; symptôme précurseur de cette épouvantable maladie. Les
médecins qui ont eu occasion de remarquer la Lèpre tuberculeuse dans les Colonies, ont vu assez constamment
ces deux phénomènes concourir. On peut même dire que cet accident a lieu dans tous les climats.
L'altération de la peau se prolonge bientôt juscpies sur le système muqueux ; un mouvement Iluxionuaii-e
catharral se dii-ige vers les sinus frontaux et y cause une douleur forte et gravative ; de l'intérieur des fosses
nasales qui se tuméfient, s'échappe une humeur acre qui corrode les tégumens; les sensations de l'odorat sont
alToiblies; l'irritation se propage; la respiration devient pénible; la membrane qui recouvre l'intérieur de la
gorge , se couvre d'aphtes et d'ulcérations ; l'haleine est d'une fétidité extrême, et les malades épouvantent
les assistans par une voix rauque et presque rugissante. Ce qui augmente le désordre, c'est que les glandes
amygdales se tuméfient, la luette se relâche et il s'établit une salivation abondante.
La peau devient callcuse et raboteuse; le cuir chevelu est affreusement gercé ; le front , sillonné par des
rides larges et profondes, prend un aspect luisant et onctueux. Ce qui ajoute à la diñbrmité, c'est la proéminence
des sourcils qui se couwent de tubercules pustuleux; c'est la dilatation prodigieuse des veines des tempes
qui noircissent en devenant variqueuses. On est effrayé de l'épaisseur des lèvres, qui sont livides; lorsqu'elles
s'entr'ouvrent, elles laissent appercevoir les dents recouvertes d'un limon noirâtre et d'une odeur insupportable;
les oreilles, dont la couleur est d'un rouge sale, sont si monstrueuses, qu'elles ressemljlent à celles des gi-ands
cpjadi-upcdes : elles sont d'im tissu sifkscpjc et si mollasse, qu'elles s'ulcèreitt et foin-jiissent, par des crevasses
hideuses, une matière putride. Non, la mort elle-même n'offre point des traits aussi affreux et aussi dégradés !
Le tissu cellulaire continue de s'altérer et de se convertir en une masse informe, fongueuse et toute lardacée.
Les jambes, les cuisses et les bras, éprouvent une telle intumescence et une telle dureté, qu'ils no
prennent point l'empreinte des doigts. Qui croiroit que ce mal se présente sous des formes plus redoutables,
plus dégoûtantes encore, à mesure qu'il fait des progrès? La peau qui avoit commencé par se couvrir de taches de
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M A L A B I E S n E L A P ]i A TJ. ,3 5
dlffcrciitcs couleurs, se couvre bicntôl do tumeurs vcrruqueuics, qui Tieimeut ou vi'sage, aux livres, au palais,
aux parLies génitales, etc.; ces tumeurs acquièrent quelquefois un Tolnmc Irès-consiiK-raMe : on en voit qui
sont comme des noix ou comme tics ccufs. Ilaymond parle d'une femme dont le visage ¿toit devenu hori iblc
par l'énorme quantité de verrues dont il étoit recouvert ; elles étoient d'une nature gommeuse et d'u.i i-oux
fauve. Ces tumeurs suppurent, se recouvrent de croûtes et se convcrüsseut quelquefois en ulcères rondeaus
qui se grouppent les uns sur les autres, et qui n'épargnent m les cartilages, ni les os, etc. Tout le corps est
en proie à une fonte purulente et putride.
Mais sur-tout ce ([ui répugne il raconter, c'est l'élat de spliaeèle dans lequel tombent les parties vivantes ,
en sorte cpie les malades meurent, pour ainsi dire, en détail, et subi.ssent la plus affreuse nuuilation; ainsi
on voit les doigts des pieds et des mains, les oreilles, le nez, ele., so détaclier en lambeaux. M. Jionpland,
au retoiu- de ses intéressans voyages, m'a remis des dessins de lépreux, chez lesquels la plus affieusc carié
avoit désuni les articulaUons et provoqué la chiite des phalanges : les dents tombent i¡ar fois de leurs alvéoles.
Il est utile de décrire les ulcères lépreux. Ces ulcères sont d'un rouge sale; lem-s bords sont i-elevés, durs,
inégaux, d'une couleur livide et bleuâtre : la suppuration énorme qui en déeoule, ressemble i de la lavuré
de chair. On assure toutefois que cette suppuration, toute copieuse qu'elle est, soulage les douleurs intérieures
qu'éprouvent certains individus, lesquels ne laissent pas de vaquer ii leurs occupations. Tant de maux doivent sans
doute jetter les malades dans la plus profonde mélancolie; aussi la plupart n'éprouvent aucim attrait pour
les plaisirs de la vie : tous les objets leur font horreur. Quelque situation qu'on Ictu- donne, cette situation
leur devient insupportable ; leur sommeil est inquiet et agité par les rêves les plus sinisties.
Tous ees désordr-es que nous venons de décrù-e , doivent provoquer les altérations les pins graves dans les
fonctions mtérieures ; le pouls est souvent dans une oppression extrême. 11 éloit à peine perceptible chez uii
lépreux qui mourut à l'hôpital Saint-Louis. 11 est rare que les digestions s'accomplissent avec facilité ; les facultés
du goût sont tellement dépravées, que les malades éprouvent une aversion invincible pour les alimens. Quelqueibis
ils ont une faim canine et une soif dévorante. Ces inlortunés rendent des urines aussi troubles que
ecllc des jumcns; quelquefois elles sont claires et sans élaboration. L'accident qui aliarme le plus, est le défaut
de respiration qui devient stertoreuse et embarrassée. Il y a un sentiment presque continuel de suffocation.
La soif est pour eux uu tourment, parce que la voûte du palais est cnllammée et tapissée d'ulcérations
brûlantes.
Les organes de la génération sont presque toujours altérés. On a beaucoup parlé du penchant vers le coït
qui tourmente ordinairement les lépreux ; cependant, j'ai obsen-é un phénomène absolument contraire chez
un homme atteint do la Lèpi-e tubei-culcuse. Le professeur Pallas assure avoir vu des lépreux qui avoicnt
une répugnance constante pour les plaisirs de Avenus ; chez les femmes, même accident; d'ailleurs, la menstruation
est laborieuse et quelquefois interrompue.
Enfin , les lépreux peuvent mourir épuisés par les progrés de la maladie. Une fièvre dévorante vient les
consumer; un dévoicmeut colliquatif, des flux sanguinolens se déclarent; c'est dans ces malheureuses circonstances,
que les membres des malades sont frappés d'une rigidité spasinodique; c'cst olors que les sens do l'odoj-at
de la vue, sont entièrement abolis, que le pouls s'affaisse de plus en plus, que la respiration se ralentit, que
les malades tombent dans un marasme qui exeite la compassion. J'ai assisté à l'agonie d'un homme nul succomboit
à la Lèpre tubercideuse. C'est même à ses derniers momens que le peintre a saisi les traits horribles de sa
maladie. Il exhaloit une puanteur qui infectoit toutes les salles de l'hôpital ; ses regards étoient meurtris par
la douleur et le désespoir. Il inspiroit une telle épouvante aux assistans, que leur pitié en étoit, pour ainsi
dire, étouffée.
Obseirations relatives à la Lèpre luherculeiise.
CCCCV. Première ohseivation. — Le premier exemple de Lèpre tuberculeuse que j'aye obsei-vé , s'est
rencontré chez un pauvre bûcheron de la forêt des Ardeimes, nommé Ai-nout : c'est le même individu que
M. Ruette, alors élève de l'hôpital Saint-Louis, eut occasion d'observer à l'époque où il soutint sa thèse
sur l'Éléphantiasis. Cet homme, qui pouvoit avoir atteint l'âge d'environ trente ans, rapportoit l'origine
de sa maladie à une chûte de cheval qu'il avoit faite dans l'eau. Il fut exposé à uu froid très-vif et trèsprolongé.
A cet accident succéda une fièvre ti-ès-véhémente. Une contusion forte, qu'Q reçut à la jambe
droite, fut suivie, deux mois après, d'un épaississement prodigieux de l'épiderme, et d'un engorgement consécutif
de cette même jambe : il étoit dès-lors âgé de quatorze à quinze ans. Cet engorgement dura jusqu'à
vingt ans, époque à laquelle il se propagea jusqu'à la cuisse. Dans la suite, la jambe et la cuisse gauches furent
également attaquées; elles étoient recouvertes d'écaillés qui se desséchoient, tomboient , et étoient remplacées
par d'autres : tel est du moins le rapport cpie le malade fît de ce qui avoit précédé, lorsqu'il se présenta à
l'hôpital. Mais alors (c'étoit en l'an 7) sa peau avoit totalement contracté la dégénération lépreuse; elle étoit
dure, calleuse , hérissée de tumeui's et de tubercules, hideusement traversée par des rides profondes ; elle
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