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D I S C O U R S
pour me servir de l'expression hardie du profond Stalil, c'est abuser de l'autorité que de ne
se conduire que par elle. J e n'ai pas craint, en conséquence, de démontrer les fautes qu'avoit
fait commettre l'ignorance des dogmes physiologiques : j'ai tout ramené aux principes fondamentaux
qui dirigent le traitement des autres maladies : j'ai prouvé que les remèdes auxquels
on attribue une action particulière sur les altérations de la peau , n'agissent, pour la plupart,
qu'en influant sur l'activité des exhalans, qu'en provoquant l'action du système lymphatique,
qu'en suscitant les évacuations alvines ou le flux des urines, ou enfin eu modifiant, d'une
manière quelconque , la puissance des propriétés vitales. Ainsi donc , rendr e au système dcrmoide
l'énergie physique dont il jouit dans l'état ordinaire de santé, rétablir ses rapports
nombreux avec les autres systèmes de l'économie vivante, le mettre en harmonie avec toutes
les fonctions, tel est le but que se propose le Médecin éclairé, comme on le verra dans le
cours de cet ouvrage. Que deviennent dès-lors ces volumineuses compilations publiées par le
charlatanisme ou la cupidité, touchant les vertus fiiussement attribuées à une foule de recettes
insignifiantes? Pour dissiper toute e r reur , j'ai soumis il des épreuves nouvelles une foule de
substances généralement employées, de nos jours, contre les maladies des tégumens: telles sont,
parmi les végétaux , la dentelaire , la douce-amère , la morelle et autres plantes narcotiques ;
parmi les minéraux, les préparations mercurielles,antimoniales, saturnines, cuivreuses; l'oxide
de manganèse, le sulfate d'alumine, le nitrate de potasse, le muriate de soude, le charbon, et particulièrement
le soufre , auquel j'ai fiiit obtenir une prééminence qu'il n'avoit pas auparavant.
J'ai cherché à apprécier justement les efïets des graisses oxygénées, des fomentations huileuses,
des bains, des eaux thermales et minérales, etc. : j'ai recueilli |.)lusieurs laits sur les résultats favorables
de la saignée, dans le traitement des Dartres, de la Gale, etc. ; je n'ai pu méconnoître
également l'utilité des escarotiques, qui imprimant un violent stimulus à la peau , changent
l'ordre de ses mouvemens organiques, et détruisent l'espèce de sécrétion morbifique dont ce
système a contracté l'habitude. On attache une grande confiance aux vésicatoires, aux cautères,
aux sétons, à tous les ulcères artificiels ; je présenterai des observations curieuses sur
l'application de ces moyens. J e ne puis que les énoncer dans ce moment ; car le seul objet de
ce Discours est de concentrer des vérités que je développerai avec beaucoup plus d'étendue,
¿1 mesure que je traiterai chaque point de la science.
SIXIÈME SECTION.
Exposition sommaire de la Méthode que j'ai suivie dans la confection
de cet Ou/vrage.
S- XLV. IL faut comparer celui qui entre dans une science nouvelle, il un voyageur qui
arrive pour la première fois dans tin pays solitaire, et (jue les hommes n'ont point encore fréquenté.
Les différens lieux qu'il parcourt , bien loin d'être des sentiers battus , sont couverts
d'obstacles et de précipices : de loin en loin seulement il rencontre (juelques espaces qu'il peut
parcourir avec facilité. Telle a été ma propre situation, au sein de l'immense carrière que j'ai
suivie. J'avois commencé à peine l'élude pai-ticulière des altérations morbiil<|ues de la peau ,
que cet organe, qui accomplit des fonctions si importantes et si immédiatement nécessaires à
l'entretien de la vie, mais qui , d'une autre part, est le plus sujet aux maladies, et le plu.s ouvert
aux levains et à tous les germes de la contagion rapide , a embarrassé en quelque sorte mon
esprit, par des phénomènes et des points de vue innombrables. Afhi de me garantir des fausses
routes dans une matière aussi épineuse, j'ai adopté, comme je l'ai déjii dit en commençant ce
Discours, la méthode exacte et rigoureuse, qui a tant favorisé les progrès de l'Histoire Naturelle
dans ces temps modernes. Je ne chercherai point à relever ici, par des éloges, cette
méthode ainsi que les grands avantages qu'elle présente. Qu'oii examine seulement les résultais
P R É L I M I N A I R E .
glorieux des voyages scientifiques où elle a brillé, et qu'elle a rendus si profitables; qu'on
se rappelle les productions infinies qu'elle a Giit découvrir; qu'on songe au chaos <|u'eUe a dissipé
, il l'ordre qu'elle a mis dans la classification des èlrcs, k l'essor qu'elle a donné au génie
et k la mémoire ; qu'on voie comme elle a assuré nos pas et agrandi nos conceptions ; qu'on
admire enfin l'impulsion rapide qu'elle communique, de nos jours, ii nos recherches et ii nos
découvertes, l'énergie extraordinaire qu'elle imprime à toutes les combinaisons savantes, et
l'on sera soudainement convaincu qu'elle est le plus puissant levier dont puisse s'aider l'esprit
humain.
XLVI. Une des grandes fautes auxquelles on s'expose, quand on entreprend l'étude des
sciences naturelles , c'est de transiger avec une vitesse répréhensible sur le résultai dos faits
observés : aussi n'ai-je voulu arrctei" encore aucune classification. J e me suis contenté de grouper
les maladies à mesure qu'elles ont paru m'ollrir des points d'affinité, ou les traits les plus
frappaiis de leur analogie et de leur ressemblance. Une révolution dans une science, en entraîne
nécessairement une autre dans le langage : j'ai été forcé par conséquent de rectifier, de
perfectionner, de créer même la nomenclature dont je me suis servi dans la rédaction de cet
ouvrage. Gomment exprimer en effet de nouvelles choses, .sans recouri r de nouveaux mots?
Gette nomenclature s'est, du reste, naturellement composée dans mon esprit, il mesure que le
champ de l'observation s'agrandissoit devant moi ; mais je l'ai rendue aussi concise qu'il m'a été
possible, persuadé que l'erreur se glisse constamment dans la difiusion. Il m'a paru convenable
de qualifier les affections dont je traite, par le caractère pliysique de réru|3tion dominante,
selon qu'elles se manifestent, par des squammes, des croûtes, des pustules, des phlyctènes, etc.
J'ai ajouté quelquefois une dénomination secondaire pour indiquer un attribut de plus, l'ellc
est la disposition simple que j'ai donnée il mon ouvrage : cette disposition m'a paru préférable
il une forme qui eût été plus dogmatique, dans l'état d'enfance où se trouve celle pallie de la
médecine humaine.
§. X LVl l . Pour imprimer un plus grand sceau d'authenticité à ce que j'ai écrit, pour ajouter
à l'énergie et il la puissance de mes discours, pour perpétuer et animer en quckpie sorte
tous mes tableaux , j'ai cru devoir recourir ii l'artifice ingénieux du pinceau et du burin. J'ai
voulu fortifier les impressions, par l'image physique des objets que je desirois offrir à la contemplation
du Pathologiste : j'ai voulu enfin , par les couleurs effrayantes du peinire, instruire
pour ainsi dire la vue par la vue , faire ressortir et contraster davantage les caractères des
Maladies de la peau, fixer leurs moindres nuances, frapper en un mot les sens d e mes lecteurs,
et reproduire vivans devant eux les divers phénomènes qui avoienl étonné mes regards. Ce
nouveau secours peut sans doute inlroduire plus de précision dans la Médecine descriptive,
et l'affranchir désormais du reproche qu'on lui a fait, d'être une science conjecturale. Les
moyens thérapeuli<|ues deviennent plus certains, toutes les fois que les affections morbifiques
sont plus fidèlement et plus exactement retracées : c'est alors seulement que la Médecine prend
son véritable rang parmi les sciences physiques et naturelles.
SLVIII. C'est avec une persévérance peu commune, c'est avec une sorte de passion,
que j'ai poursuivi le cours de celte longue et pénible étude ; et peut-être l'ouvrage que je
mets au jour est-il digne de quelque renommée par la multitude et rimportance des fiiits
qu'il renferme. Les Élèves nombreux qui sont venus s'essayer avec moi il ce nouveau genre
d'observation , savent les dégoùls que j'ai surmontés, et par quel labeur j'ai acheté les vérités
utiles que je publie. Toutefois, je ne me flatte point d'épuiser jamais une matière aussi étendue:
mais si ma courte vie ne me permet pas de tout voir et de tout atteindre , j'aurai du moins
signalé des routes qu'on pourra suivre : on n'aura plus qu'à partir du point où je me serai
arrêté. Il suffit ;i ma jouissance d'avoir ouvert la carrière : qu'importe que je sois surpassé par
ceux qui me succéderont !
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