M A L A D I E S DE LA PEAU.
ESPECE QUATRIÈME.
T E I G N E AMIANTACÉE. T I N E A asbestiïia. Planche ÎV.
Teigne n'offrant jamais de croûtes, mais des écailles luisantes, argentines, qui, par leur concrétion, enduisent et unissent les cheveux
par paquets et clans toute leur longueur, dont l'aspect soyeux et chatoyant a une analogie frappante avec celui de l'amiame.
T A B L E A U DE LA T E I G N E AMIANTACÉE.
XIV. CETTE Teigne, que j'ai observée et que je décris le premier, est une de celles qu'il est le plus
aisé de reconnoitre; mais comme elle est très-rare, il n'est pas étonnant qu'elle ait échappé aux recherches
de mes devanciers : on doit, du reste, présumer que si quelques Médecins ont eu occasion de la voir, ils l'auront
confondue avec la Teigne furfuracée, d'après un examen superficiel.
Elle occupe ordinairement la partie antérieure et supérieure de la tête. Elle est spécialement caractérisée
par de petites écailles très-iînes, d'une couleur argentine et nacrée, lesquelles entourant les cheveux et les
suivant dans tout leur trajet, ne ressemblent pas mal à cette pellicule mince et transparente, dont les plumes
des jeunes oiseaux sont environnées, lorsqu'ils sont encore dans leur nid, ou plutôt à cette substance que les
naturalistes appellent amiante.
Tels sont les principaux caractères physiques de la Teigne amiantacée. Quand on coupe avec des ciseaux
les cheveux ainsi enduits de cette matière écailleuse, la peau paroît sillonnée : elle est rouge et enflammce;
mais bien moins que dans les Teignes précédemment décrites. Les démangeaisons sont peu considérables.
Comme cette Teigne est presque toujours sèche, elle n'exhale aucune odeur sensible. Les observations qui
suivent, serviront de complément à ce tableau.
Observations relatives à la Teiglii e amiantacee.
XV. Première Observation. — Le nommé Bard, âgé do vingt-trois ans, d'une constitution délicate, étoit
né d'une mère qui portoit sur sa tète une maladie semblable à celle qui va être décrite. Dans son enfance,
il n'avoit eu ni la gourme, ni la croûte de lait. De quatre frères qu'il avoit, trois jouissoient d'une bonne
santé; le quatrième seulement, qui étoit le plus jeune, éprouvoit une affection analogue. Il y a cinq ans qu'il
contracta la gale; il fut traité par un charlatan, qui lui fit des frictions avec une pommade dont il ignore la
composition. Il fut guéri assez promptement. Mais depuis cette époque, il ressentoit à tous les changemons des
saisons un prurit plus ou moins vif, principalement aux environs des grandes articulations. Cet état duroit
quelques semaines. Il y a près de quinze mois qu'il essuya des chagrins violons, et qu'il fut tourmenté par
deux passions également fortes, la jalousie et l'amour. Dans l'hiver do l'an i8o5, tous les matins, eu sortant du
Ut, il se lavoit la tête avec de l'eau froide. Un jour il se manifesta plusieurs boutons sur la région du vertex,
lesquels occasionnoiont par intervalles d'assez vives démangeaisons. Toutes les fois qu'il se grattoit, il excorioit
ces boutons, et alors il en suintoit une humeur grisâtre, qui, par son dessèchement, à l'air, se convcrtissoit
en croûtes écailleuses. A mesure que ces écailles étoient arrachées, elles étoient remplacées par des écailles
nouvelles. Pendant trente jours, le malade fit usage des pilules de Belloste ; il prit aussi une purgation
ordinaire. Néanmoins, l'affcction dont nous parlons lit des progrès rapides. Tel étoit son état, lorsqu'il s'offrit
pour la première fois à nos regards : la Teigne occupoit toute la partie supérieure de la tête; d'avant en
arrière, elle s'étendoit depuis le sinciput jusqu'au front; et transversalement, elle se propagcoii d'une tempe
à l'autre. En divers endroits, on rcmarquoit des croûtes jaunâtres, que l'on parvenoit assez difficilement
à arracher; elles laissoient alors appercevoir le cuir chevelu ulcéré. Dans tout le reste de l'étendue qu'occupoit
la maladie, les cheveux étoient couchés dans le sens de leur direction naturelle; ils étoient réunis, collés pour
ainsi dire les uns aux autres, de manière à former une espèce de calotte. Voici la disposition qu'elle affectoit.
De la base des cheveux il s'élevoit comme de petites lames, d'une longueur plus ou moins grande, d'un blanc
argenté, séparées les unes des autres par des espèces de stries. Lorsqu'on enlevoit plusieurs de ces lames, et
qu'on mettoit la peau à découvert, on y appercevoit des sillons plus ou moins profonds. Ajoutons que l'ensemble
de ces lames chatoyantes, ainsi séparées du cuir chevelu, présentoit au naturel l'aspect de l'amiante {asbeslinum
) : la ressemblance étoit si frappante, que presque tous les spectateurs s'y trompoient. Le malade fut guéri
par l'application d'un mélange de soufre et de cérat. Il fallut continuer ce topique pendant plusieurs mois.
Deuxième Observation. — Anne Durand, âgée de trente-six ans, habituellement mélancolique, ayant le
teint et les cheveux très-bruns, après avoir essuyé des peines morales très-vives, a été atteinte de la Teigne
amiantacée. Cette affection s'est absolument manifestée comme dans le cas que nous venons d'exposer. Elle a
commencé par de petits boutons, qui sont survenus à la partie supérieure de la tête. II suintoit, du cuir
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