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grande sagacité, peuvent servir sans doute à estimer assez exactement les lois qui règlent l'exhalation cutanée dans
les batraciens qu'on met dans des conditions physiques déterminées; mais il rac paroit bien difficile, sinon tout-à-iait
impossible de les appliquer à l'homme.
DCCCCXLI. Quoi qu'il en soit, le fluide qui constitue la transpiration insensible est très-limpide, incolore,
cxlialant une odeur plus ou moins acide. Plus pesant que l'eau, il contient, selon M. Thénard, une petite quantité
d'acide acétique libre, d'ydrocblorate de soude et de potasse, très-peu de phosphate de chaux et d'oxide de fer; moins
encore d'une matière animale gélatineuse; l'eau en fait essentiellement la base. M. Berzélius pense qu'au lieu d'acide
acétique, c'est de l'acide lactique libre qxie contient l'humeur de la transpiration; suivant le même chimiste, il y a
également de l'acide carbonique. Ce dernier fait seroit propre peut-être à concilier les opinions dissidentes, ainsi que
nous le verrons plus loin, touchant l'exhalation de l'acide carbonique admise par les uns et l'absorption de l'oxigène
soutenue par les autres. L'humeur de la transpiration au reste vient se déposer continuellement à la surface de la peau,
étant dès lors éliminée de l'économie animale à la manière des autres ihiides excrémen ti Ciels. Sa quantité ne varie pas
seulement suivant les circonstances particulières de température et de prédispositions individuelles, mais elle est encore .
loin de se montrer égale sur tous les points de la surface. En général elle abonde sur les parties pourvues naturellement
de plus de chaleur, ou moins exposées aux influences atmosphériques, comme le creux des aisselles, le pourtour
de l'anus, etc., qui, dans l'état ordinaire, sont toujours plus ou moins humides, Promptement réduite en vapeur,
elle disparoît prcsqu'aussitôt après avoir été déposée à la surface de la peau; car ce n'est que sous certaines conditions
(comme d'être recouvertes par les vêtemens, ou Ijien par le passage de la lumière à l'obscurité ou par
rinlluencc d'une chaleur humide,) qui permettent qu'elle afllue en plus ou moins grande quantité sur quelques parties,
oil elle devient aussi sensible et appréciable. Dans ce cas, la transpiration prend le nom de sueur. Celle-ci ne
se manifeste que par intervalles, tandis que l'autre se produit d'une manière continue : la première paroît plus étroitement
liée à l'état de la température, la seconde a, comme nous l'avons observé, un tout autre usage.
DCCCCXLII. La peau humaine est sans aucun doute une des mieux disposées pour l'accomplissement de la fonction
qui nous occupe. Il est certain au moins qu'elle n'existe pas pour im assez grand nombi-e de mammilêres. On sait, par
exemple, que le chien ne sue jamais et quïl supplée à l'évaporation du calorique qui devroit se faire par cette voie, au
moyen de celle qu'il obtient en exposant sa langue à l'air lorsqu'il éprouve une chaleur trop forte. Il ne paroît pas moins
impossible que la transpiration puisse se faire à travers l'enveloppe dure et calleuse des pachydermes. Peut-être seroit-il
intéressant de rechercher par quoi cette fonction se trouve suppléée dans ces animaux : la formation de la graisse
sous-cutanée si abondante chez le porc, par exemple, ne coîncidcroit-elle pas avec cette circonstance.^
DCCCCXLIIL Indépendamment des deuxmodes d'exhalation séreuse que nous venons de considérer, il en est un troisième
qui fournit à la peau un fluide onctueux nommé sébacé ou folliculaire. Plus ou moins abondant suivant les
espèces animales, et môme chez fhomme, dans les différentes races, il présente encore des variations très-sensibles,
suivant les parties oii on l'examine. Dans l'espèce humaine, il abonde particulièrement à la tète où il est destiné à
garantir non-seulement les tégumens, mais [)lus particuhèrement encore leurs élémens accessoires, les poils. Ce fluide
étoit extrcmoment nécessaire dans cette partie, afin de préserver les cheveux de l'humidité à laquelle on sait qu'ils sont
très-exposés à cause de leur propriété hygrométrique. On sait d'ailleurs que c'est sur cette propriété qu'est fondé leur
emploi dans la construction d'un instrument dès plus utiles pour les observations météorologiques. L'utilité du Iluide
sébacé n'est pas moins évidente chez quelques animaux, dans les oiseaux aquatiques, par exemple. La manière d'ailleurs
dont il se répand à la surface de leur enveloppe, explique parfaitement la disposition si connue qui empêche
fhumidité de pénétrer et par conséquent d'altérer leur plumage.
DCCCCXLIV. L'organe sécréteur de ce fluide est l'appareil glanduleux cjue nous avons décrit sous le nom de cryptes
ou follicules, en indiquant leur ressemblance avec ceux qu'on trouve dans les membranes muqueuses. Outre les usages
que nous lui avons assignés, on lui attribuoit encore une qualité dépuratrice, purement gratuite, à moins qu'on ne
fasse de ce mot le synonyme dexcrémentiticlle, en renonçant à l'idée humorale qu'il rappelle naturellement. Il est
versé sur l'enveloppe tégumentaire par l'orifice i[ui termine le canal des organes sécréteurs. Ce mode d'excrétion paroît
laisser moins d'incertitude que celui de la transpiration insensible et de la sueiir elle-même. Les vaisseaux exhalans en
effet admis par Bichat, par M. Chaussier et beaucoup d'autres anatomistes non moins recommandables, ne sont guère
en réalité susceptibles d'une autre démonstration que celle qui découle de l'existence de l'exhalation elle-même. Celleci
né pourroit-elle pas se faire, comme le pcnsoit Hunter, à travers les interstices naturels, ou pores de l'enveloppe
tégumentaire? De nouvelles recherches, des expériences réitérées et directes sont encore indispensables pour éclaircir
l'obscurité dont cette question importante est encore enveloppée. Il faut bien l'avouer, le.s deux sentimens n'ont pas
d'autre valeur que toute idée conjecturale, basée sur des probabilités que combattent d'autres probabilités et des raisonnemens
également spécieux; il est donc bien à désirer que de bons observateurs reprennent les travaux au point
oil les ont laissés les dernières découvertes ; car il est peu de sujets plus remplis d'un véritable intérêt dans ce qui touche
aux principes les plus féconds de l'anatomie, de la physiologie, et de la médecine pratique.
MALADIES DE LA PEAU. »71
ARTICLE 111.
DE I.'ABSORI'TIOÏS' CUTANÉlii
DCCCCXLV. Il n'est peut- être aucune question physiologique un peu importante qui n'ait été plus ou moins
agitée, et résolue souvent par des explications contraires; de ce nombre est particulièrement la propriété que la
peau possède d'absorber par sa iiice externe : démontrée par des faits et des expériences irrécusables, elle n'en est
pas moins niée encore par beaucoup de physiologistes. La première condition à constater étoit la réalité du passage des
corps à travers l'enveloppe cutanée recouverte de son épiderme , et ce point est précisément celui qui a fait naître le
plus de dissidence. Mais les antagonistes de l'absorption cutanée n'ont jamais détruit à cet égard certaines observations
qui paroissent établir le fait sans réplique. Ainsi, le sentiment de la soif a pu quelquefois être apaisé, au rapport
des voyageurs, par l'application à la surface du corps de linges trempés dans l'eau de la mer (¡u'il est impossible de
prendre en boisson. Il est constant qu'après un bain plus ou moins prolongé, la quantité des urines est sensiblement
accrue, et rien n'indique que cette circonstance arrive autrement que par l'effet de l'absorption. On ne peut pas invoquer
dans les deux cas que nous venons de citer l'intervention de la membrane muqueuse pulmouaire et gastrique,
ainsi qu'on l'a fait pour l'absorption de quelques substances, telles que la vapeur de l'essence de térébenthine qui,
comme on le sait, se manifeste ensuite par l'odeur de violette qu'elle communique aux uriues; ou bien encore pour
celle des miasmes marécageux, puisque la peau seule, dans les exemples cités par nous, s'est trouvée soumise à l'impression
des fiuides absorbés. iMais d'un autre côté, comme les agens dont nous avons fait mention sont incapables d'altérer
la substance de l'épiderme, il faut bien couclure de ces observations que celui-ci n'est point un obstacle aussi
gi-and qu'on l'a prétendu à l'inhalation dont la peau est véritablement le siège.
DCCCCXLVI. Placé aussi avantageusement qu'on peut désirer de l'être pour ce genre de recherches, nous n'avons cessé
de mettre îi profit les nombreuses occasions que l'hôpital Saint-Louis nous a fournies de constater de pareils phénomènes.
Ce n'est même pas sans étonnement que nous voyons les résultats dont il s'agit contestés par des auteurs, qui paroissent
croire que des expériences artificielles peuvent détruire les preuves péremptoires que fournit à cet égard une longue
pratique dans les hôpitaux. Il est bien permis à des écrivains qui n'ont jamais eu l'occasion d'observer l'effet dont nous
parlons, de soutenir que l'épiderme doit être nécessairement détruit ou enlevé pour que l'absorption de certaines
substances puisse s'opérer; mais peut-on encore recourir à ce subterfuge dans le cas, par exemple, dont nous sommes
témoins tous les jours, d'urines exhalant l'odeur caractéristique du soufre, après quelques frictions avec une pommade
dans la composition de laquelle entre cette substance, ou bien après l'exposition du tronc seul et des membres à sa
vapeur, dans la boîte fiimigatoire, alors qu'aucun changement appréciable ne se montre dans la couche épidermiquc?
Est-elle beaucoup plus altérée par des frictions légères avec l'onguent napolitain, faites même quelquefois dans les
parties ou la peau présente sa plus grande épaisseur, comme à la plante des pieds, et après lesquelles cependant,
outre les phénomènes organiques qu'elle détermine, l'absorption du mercure se manifeste encore par l'altération que
subissent alors les bijoux d'or ou d'argent? Il est donc prouvé que l'absorption peut réellement se faire à travers la surface
intacte de la peau, c'est-à-dire sans écartement préalable de l'épiderme, et bien entendu sans imbibition de cette couche
superficielle par les fiuides.
DCCCCXLVII. Ce n'est pas qaie nous méconnoissions le fait non moins positif de l'absorption phis facile là où la
couche épidermiquc ne lui oppose aucun, ou seulement un très-foible obstacle. Il n'y a, pour acquérir cette certitude
• qu'à voir l'activité de cette fonction dans les parties où l'épiderme est le plus mince, comme à la partie interne des
membres, aux creux des aisselles, etc.; ou bien il n'y a qu'à comparer la promptitude de ses effets dans les cas où la
peau en est totalement dépourvue, comme on le voit dans les plaies, et en général dans toutes les solutions de continuité
de cette membrane. L'un des premiers nous avons encore constaté à cet égard l'influence diverse d'un grand nombre
d'agens, suivant la propriété qu'ils ont de se combiner avec l'épiderme, ou d'altérer sa substance. Des purgatifs plus
ou moins forts, d'autres médicamens doués de propriétés actives ont été mis par nous et maintenus en contact avec
la peau de l'abdomen, et constamment leur action s'est montrée en rapport avec l'étendue de leurs effets sur l'épiderme.
Ou sait que la contagion de beaucoujj de maladies trouve en lui une barrière quelquefois insurmontable; car
il n'est guère possible d'attribuer la non-susceptibilité de certains individus, sous ce rapport, à une autre circonstance
organique. Le virus vaccin ne seroit pas introduit dans l'économie, et son action demeureroit totalement nulle, s'il
n'étoit déposé immédiatement au-dessous de l'épiderme et offert en quelque sorte aux bouches absorbantes qui abondent,
comme on voit, dans cette partie. Les faits de ce genre sont, pour ainsi dire, innombrables, et tous attestent
également la réalité d'une absorption plus active toutes les fois qu'elle s'exerce sur une peau délicate ou privée entièrement
d'épiderme; ce principe et le contraire nous paroissent établis d'une manière irrécusable.
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