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liiclciiscs cfu'on ne peut contcni]>lci- satis une espèce de dégoût, et souvent même sans une sorte d'effroi : toute la
lace en est lioin-iblement dégnidée. Ces végétations croûteuses, d'une forme pyramidale ou maminelonnéc, mettent
Ix^ancoup de temps h se développer, et à atteindre leur entier accroissement j quelquefois, elles sont disséminées
et là sur la périphérie de l'appareil tégimientaire, au point cpie le corps en paroît, pour ainsi dire, hérissé ;
quelquefois aussi, elles Ibi-mcnt des plaques étendues à la partie postérieure du Ironc ; plus souvent encore, les
membres du corps en sont tellement recouverts, qu'ils éprouvent une sorte de gêne dans les mouvcmens
articulaires. Les croûtes lépreuses sont assez constamment dans un état de siccité ; toutefois, on voit dans quelques
occasions, suùiter de leur base, une humeur purulente qui est d'une couleur jaunfttrc, et qui est d'une fétidité
insupportable. Lorsque les malades les arrachent avec violence, il s'en écoule un sang noirâtre; dès-lors des croûtes
nouvelles ne tardent point à se former.
La peau éprouve des altérations qu'il est intéressant de faire eonnoîlre. Elle devient rugueuse, raboteuse ,
inégale, acquiert une consistance épaisse , et quelquefois lardacée; la peau du visage sur-tout s'altère à un point
extraordinaire : elle prend une couleur bronzée, cuivreuse et livide. Pallas a vu des lépreux dont le visage éfoit
••devenu violet. On sent que de pareils désordres doivent rendre les tégumens imperméables, et interrompre
l'exercice de la transpiration. Les obstacles que trouve alors la ibnclion des exhalans, doit inlluer sur la nature de
l'exhalation pulmonaire qui, le plus souvent, est pestilentielle.
Il n'est pas rare de voir qu'il s'établit une irrilalton vive dans la membrane muqueuse qui tapisse les sinus
frontaux et les fosses nasales. Une jeune malade, dont je citerai plus bas l'observation, rendoit par celte voie une
matière qui paroissoit être éminemment acrimonieuse et prescjue corrosive; c'est sans doute cette irritation morbifîque,
plus ou moins continuée, qui épaissit les lèvx-es et dilate prodigieusement les narines : il y survient souvent
des ulcères d'une très-mauvaise nature; on en remarque pareillement sur la voûte du palais et dans toute la gorge.
Les fonctions intérieures s'exécutent avec une sorte de trouble et de difficulté ; l'estomac et le conduit intestinal
partagent les altérations morbifîques du système dermoïde : les forces digestives languissent. Les malades ont une
répugnance constante pour les meillem-s alimens. Par fois, l'organe du goût est dépravé et n'appette que des
substances nuisibles ; aussi les malades tombent-ils dans un état de marasme qui fait journellement des progi'ès.
••"Toutes lem-s sécrétions se pen'ertissent; celle des lai-raes contracte une telle dégénération, que les bords des pau-
|nères sont rongés et ulcérés. Les m-ines sont sales, terreuses, jumentcuses, etc.
Chez certains individus , aucun mouvement de fièvre ne se manifeste dans les premières années de la maladie;
chez d'autres, les désordres de la circulation s'annoncent dès le commencement. Lorsque la Lèpre est ti-ès-avancée,
le pouls est Ibible et d'une extrême petitesse; c'est à cette même époque des progi-ès de l'affection, que les malades
ue respii-ent qu'avec une douloureuse oppression, laquelle redouble par intervalles.
J ^ s ulcères lépreux sont d'une très-longue durée : la matière purulente qui s'en échappe, est d'une qualité si
caustique, que les tégumens, les cartilages, les os, en sont corrodés. M. Bonpland, au retour de ses voyages,
m'a remis des dessins de lépreux, dont les doigts avoient été successivement sphacélés. Est-il un spectacle plus
ailreux ! Cette horrible décomposition s'efTectue progressivement et toujours par des accidens inattendus. Un
lépreux vit un join- les doigts de ses deux mains se couvrir d'un exantliéme qui étoit d'un rouge foncé, mais qui ,
d'ailleurs, n'étoit point douloureux. La nuit suivante, ses doigts tombèrent en putréfaction. On a vu la peau
entière frappée de gangi'ène et tomJjer en lambeaux chez ces infortunés, ainsi que des membres entiers se détacher
du corps des individus.
Panni les symptômes qui caractérisent cette Lèpre, en est-il un plus déplorable que cette insensibiUté devenue,
pour ainsi dire, générale sur tout le système tégumentaire; c'est sans doute parce que la peau s'épaissit considérablement,
que les nerfs perdent la faculté de sentir. On assure qu'on peut l'inciser, sans provoquer aucune
douleur. Toutefois, ce phénomène n'existe pas toujours dans la Lèpre crustacée, car la faculté sensitive n'avoit
subi aucune altération chez deux individus que nous avons observés à l'hôpital Saint-Louis. Ce qu'il y a de positif,
c'est que les énormes pustules qui se développent sur la peau, n'excitent presque pas de démangeaisons ; quelquefois
môme ces démangeaisons sont nulles. S'il y a des douleurs, elles sont obtuses : on diroit qu'elles n'ont lieu
que dans l'intérieur des os et des articulations.
La Lèpre crustacée reçoit une impression particulière du climat où elle se développe : elle est modifiée par les
inlluences atmosphériques. J'ai déjà fait mention des singularités remarquables qu'offre la Lèpre des Asturies.
Celte variété rappelle d'une manière parfaite la Lèpre rouge mentionnée par les auteurs Grecs. Ce sont des pustules
livides, rassemblées en coi^mbe, environnées de laclies jaunes qui se convertissent en croûtes sordides, irrégulières
et sanieuses, lesquelles occupent principalement lu face, les narines, etc. ; les gencives sont sanguinolentes,
fétides et fongueuses; la langue se couvre d'un gluten blanchâtre. Sur les lèvres et ù la lace interne des joues, se
développe une phlogose douloureuse, avec éruption de vésicules semblables à celles que Ibrme le contact de l'eau
bouillante : le scorbut a communiqué son empreinte à cette aiïection.
Dans les pays très-chauds, et dans la saison brûlante de Tété, la ])eau se puiifie et se netloye momentanément de
toutes ses croûtes ; sans doute parce que, dans cette saison , la transpiration augmente considérablement ; mais au
printemps, on voit reparoître dans toute leur intensité les stigmates de cette dégoûtante maladie. Les individus
frappés de cette variété de Lèpre, ont une telle inaptitude pour le mouvement, qu'ils ont beaucoup de peine
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ft ne pas chanceler dans les rues : il y en a dont les pieds sont comme glacés. La Lèpre crustacée se prolonge
plusieurs années. Il n'arrive guère que les malades meurent promptement. Lorsqu'ds parviennent h la guérison,
leurs cicati'ices restent toute la vie.
Ohscivatioiis relatives à la Lèpre crustacée.
CCCCII. Première observation. — La Lèpre crustacée vulgaire a été observée à l'hôpital Saint-Louis.
Dans le courant de l'an douze, nous reçûmes Anne Méthivier, étoÛière en soie, d'un tempérament bilieux,
et ayant les cheveux très-bruns. Elle étoit née d'une n)ère phthysÎque, et son grand-père étoit mort d'une
alfection lépreuse ; elle-même n'avoit joui que d'une santé très-foible dims son enfance. Elle ne fut réglée
qu'à l'âge de trente ans. Le flux menstruel fut toujours très-abondant ; et, à l'époque de sa cessation , cette
femme n'en fut aucunement incommodée. Cinq mois aj^rès, elle fut atteinte tout-à-coup d'une maladie fort
singulière, qui présenta des phénomènes différens dans les diverses parties où elle se développa. D'abord, il
se déclara spontanément sur les cuisses, dans le court espace d'une nuit, une douzaine à-peu-près de tubercules
rouges, de la grosseur d'une noix ou même d'un moindre volume, ne faisant éprouver aucune douleur,
et ayant quelque analogie avec des furoncles. Après avoir resté ainsi indolens pendant l'espace de cinq ou
six jours, ils se déchirèrent par leur sommet, s'épanouirent à la manière d'une gi-enade, pour me servir do
l'expression de la malade, et bientôt après il suinta, de leur intérieur, une humeur d'une couleur jaune,
vcrdâtre, assez épaisse, laquelle étant desséchée, forma des croûtes brunâtres, inégiiles , très-rluisantes dans
certains points où elles sembloient êti-e le produit d'une cristallisation. Quelques-unes de ces croûtes étoieut
contournées à la manière des coquilles des limaçons ; elles étoient environnées d'un cercle inilammatoire, se
dcsséchoient et tomboient après un temps plus ou moins long. Lorsque les croûtes s'étoieut détachées, oa
voyoit alors la peau à nud , ayant une couleur amaranthe; elle étoit beaucoup plus foncée vers les bords élevés
en foi-me de bourrelet, qu'au centre, où elle avoit ime teinte pâle, et ne paroissoit que très-peu gonflée.
La maladie se monti-a ensuite aux jambes, aux lombes et aux bras ; enfin ou vit bientôt suinter, des divers
points de la surface de la peau, qui n'étoit aucunement malade, du moins en apparence, et qui n'oifroit
aucune trace d'inllammation, un fluide ichoreux, semblable à celui fourni par les tubercules précédons, qui,
peu à peu, s'accumula, se consolida, en formant des croûtes rondes, déprimées vers leur centre, trèsproéminentes
il leur circonférence, de manière à représenter une espèce d'alvéole ou de godet. Cette élévation
des bords, qui étoit d'autant plus grande, que la maladie étoit plus ancienne, tenoit à ce que, dans ces
endroits, la peau s'étoit tuméfiée peu à peu sous les croûtes, restant intacte au centre. La Lèpre dont il s'agit,'
affecta encore différentes formes dans son développement : par exemple, au sourcil gauche, les croûtes s'avançoient
comme des pyramides, dont la base touchoit la peau et dont le sommet se dii-igeoit en avant ; après
leur chute, il restoit des tubercules rouges, arrondis, de la grosseur d'un pois. Aux deux côtés du col, elles
étoient allongées transversalement à l'axe de ces parties ; il y avoit des croûtes qu'on pou voit comparer à des
espèces de cristaux qui s'engrènent les uns dans les autres, ce qui leur donnoit un aspect tout rocailleux et
mural, si l'on peut ainsi parler. Elles se détachèrent plusieurs fois et se régénérèrent assez constamment avec
la même forme; lorsqu'elles tomboient sans se reproduire, la peau restoit flétrie et cicatrisée. Ce qu'il y avoit
de remarquable dans celte Lèpre , c'est qu'elle ne causoit aucune douleur, pas même le plus léger prurit.
Lo]-s de son développement, il ne survenoit aucun trouble dans l'exercice des fonctions ; la malade n'éprouvoit
qu'une prostration extrême dans le système des forces, et à peine pouvoit-elle se remuer. Cette femme a langui
pendant deux années dans le plus déplorable état; elle est morte avec tous les accidens de la fîè\Te hectique.
Deuxierne observation. — Ecu le professeur Leclere me conduisit un jour à l'hôpital Saint-Antoine, pour
me faire observer l'état de Marie-Claire Mathieu , âgée de cinquante-sept ans, célibataire. Son travail consistoit à
vendi-e des gâteaiLx dans les rues. Dans le temps de la disette, causée par les troubles de la révolution française,
les menstrues disparurent pour ne plus se montrer. Alors la malade habitoit une chambre obscure,basse et étroite:
la pénurie absolue où elle se ti-ouvoit, la plongea dans une malpropreté insigne. Huit mois s'étoient à peine
écoulés depuis la cessation des règles, lorsqu'elle fut atteinte d'une fièvre continue, à laquelle se joignoit un
érysipèle caractérisé par un gonflement considérable, qui étoit douloureux et cmpêchoit la progression. Ti'ansportée
alors à l'.Hôtel-Dieu , on apphquu des compresses baignées d'eau de sureau, sur la partie aflëctée. Au bout
de sept semaines, ce gonflement étoit diminué; mais il parut au bas de la jambe gauche, des espèces de végétations
dures, noirûti-es, etc. Cette singulière production n'occasionnoit ni douleur, ni démangeaison; aussi la malade
abandonna l'hôpital, reprit ses ti-avaux accoutumés, fit de longues courses, etc. La maladie s'accrut fort lentement
depuis sa première apparition : les croûtes tuberculeuses tomboient néanmoins, soit spontanément, soit que leur
chute fût accélérée par des bains, des lotions, etc.; dans tousles cas, elles se reproduisoient. Quelquefois il s'écoidoit
alors un peu de sang de la partie dénudée. Voici quel étoit l'état de la malade, le sept a\Til 1807. Gonflement
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