io8 M A L A D I E S DE LA PEAU.
Ohseivaiions relatives à l Ephclidc scorhidiqae.
CCCXXVIT. Vrcmière observation. La femme, chez Inquelle j'ai remarqué ccUc Éphélicle, avoit été sujelle
à des diirtrcs, qui s'éloient montrées avec une opiniâtreté peu commune. Ces darli-es oecaijjoienL les coudes,
les aisselles, les jaiTCls, les cuisses et presque toute la surface du corps. Après avoii- langui long-lonips dans
les remèdes , il lui survint des laclies à la partie externe des hras, aux mains, au col, à la poilrinc, etc.
Une tache très-considérable lui couvi-it le ventre. On en observoit pareillement au dos, à la poilrine, i\ la
partie interne des cuisses, etc. Ces taclies, qui étoicnt d'abord d'xm jaune clair, devenoient plus brunes, i\
mesui-e que la maladie faisoit des progrès. Ce qu'il y avoit ici de très-remarquable, c'est que la malade
souifroit considérablement, lorsqu'elle étoit dans le bain; liors du bain, elle n'éprouvoit aucujîe douleur:
seulement elle resloit foible pendant quelques heures.
Deuxième obsermtion. Le nommé Honoré Grandery, commissionnaire, âgé de soLxantc-six ans, est entré à
l'hôpital Saint-Louis, et nous a présenté le tableau d'une maladie aussi rare que sui-prenante. Ce fui au sein de
la mistn-e et de la détresse cpie cette maladie prit naissance. L'individu dont il s'agit, doué d'ini (cnnpéranicnt
lymphatique, habitoit Arras avant la révolution. C'est dans cette ville qu'il fut employé c\ des travaux trèspénibles,
durant le régime de la teiTeur. Depuis cette époque , il a langui dans les rues et les carrefours
demandant l'aumône, ou faisant des commissions, et manquant quelquefois des choses les plus nécessaires
à la vie. Dans le mois de juillet de l'an 1806, il éprouva des démangeaisons très-incommodes dans toutes
les parties du corps. A ces démangeaisons succédèrent des taches , d'abord grisâtres, puis d'un brun de café.
Elles s'élargirent au point d'occuper une étendue considérable. Toute la surface cutanée eu étoit m;u'quéc.
Dans certains endi'oits, elles étoieut ti'ès-larges : dans d'autres endroits, elles étoient d'une petite cii-conféreucc.
Il est à considérer que dans les endroits sains, la peau étoit d'un blanc d'albâtre, analogue à celui de la
peau des cadavi-es. Ce contraste étoit vraiment surprenant : le malade paroissoit chamarré comme un zèbi'e
ou comme certaines vaches des campagnes de la Bretagne ; cet homme éprouvoit des démangeaisons considérables
sur différentes parties du coi-ps. Sa peau offroit aussi des écailles furfuracées qnï proveuoicnt des frottemens
réitéi'és qu'il exerçoit sur la peau, pour appaiser le prurit dont il étoit dévoré- La face du malade
étoit d'un jaune plombé. II chanceloit en marchant, tant sa foiblesse étoit extrême.
Troisièi7ie ohse?vation. Un mendiant, qui couchoit dans les gi-anges , dans les écuries, et dans tous les
lieux mal-sains, n'avoit point changé de linge depuis plus de huit mois : quand ¡1 se présenta à l'hôpital
Saint-Louis, on lui ôta ses vêtemens pour lui administrer des soins de propreté ; sa peau s'étoit nou-cie
comme celle d'un ramoneur. Cette même peau étoit raboteuse, et granulée dans plusiem-s points de sa
sm-face : elle olïi-oit l'aspect du maroquin, ou de la peau d'un quadrupède qui auroit été desséchée au soleil,
CCCXXYIII. L'Îlphélide scorbutique étoit sans contredit celle qu'il importoit le plus de décrire avec tous
les accidens qm lui appartiennent. En eflet, cette maladie fomioit encore une sorte de lacune dans les
systèmes méthodiques des liosographes. Us n'en ont fait aucime mention.
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M A L A D I E S DE L A PEAUSECONDE
PARTIE.
Des faits relatifs à l'histoire générale des Epliélides.
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CCCXXIX. Présentons sous un point "de vue rapide et général les principaux caractères des Éphélides.
Quoique les espèces particulières dont nous avons fixé l'existence soient revêtues de caractères tranchés qui
ne permettent pas qu'on les confonde, elles ont néanmoins des phénomènes communs cju'il est avantageux de
i-ccueillir et de placer sous les "yeux de mes lecteurs.
A R T I C L E PREMIER.
Des phénomènes généraux (¡ui caractérisent la marche des Ephélides.
CC.CXXX. Toiites les Ephélides ont pour caractère commun de produire des changcmens de couleur
dans Tune ou plusieurs parties des tégumens, sans élévation du moins apparente. Il ari-ive néanmoins dans
•certains cas qu'on apperçoit une légère proéminence sur la peau, principalement dans l'Éphélide hépatique,
CCCXXXI. Mais la peau ne sauroit être ainsi décoloi'ée par les Éphélides, sans qu'il s'opère un changement
physique dans son tissu. Toutefois comme ce changement n'est point absolument le même dans toutes les circonstances,
il a fallu nécessaii-emcnt indiquer des distinctions, et détenniner par conséquent plusieurs espèces
d'Éphélides.
CCCXXXII. Au surplus, les ÉphéHdes ne doivent point être uniquement envisagées comme le résultat
d'une altération du tissu tégumentaire, mais plutôt comme le résultat d'un désordre survenu dans les fonctions
de ce même tissu; ou, ce qui est la même chose, dans le mécanisme de l'exhalation. Ce qui prouve cette
vérité, c'est que les malades ne transpii-ent en aucime manière dans les endi-oits de la peau qui sont maculés
par les Éphélides. Cette observation est constante. Je l'ai réitérée un grand nombre de fois.
CCCXXXIII. Les Éphélides auxquelles la peau humaine se trouve sujette sont très-variables par leur foi-me.
Les unes sont petites, les autres ont beaucoup d'étendue; il en est qui s'étendent en larges plaques, qui recouvrent
de très-grandes surfaces, et qui finissent par envahir la totalité des tégumens, au point de laisser peu d'mtervalles
libres entr'elles. Cette disposition donne au corps l'aspect le plus liideux et le plus repoussant. .T'ai vu des
individus tachés et chamarrés comuie les zèbres ou les léopards.
CCCXXXIV. La couleur des Éphélides change selon les idio-syncrasics, les tempéramens et beaucoup
d'autres circonstances. Il en est beaucoup qui sont jaunes et safranécs. Il en est qui sont fauves comme des
feuilles d'arbre mortes et desséchées par le soleil. Plusieurs sont d'un brun noirâtre. Quelques-unes sont d'un
violet foncé. En observant les Éphélides sur les mêmes individus, on voit qu'elles n'ont pas toujours la même
intensité de couleur. Cette couleur est plus prononcée chez les jeunes filles qui sont près d'avoir leurs menstrues.
Elle s'affoiblit au contraire, lorsque les menstrues ont coulé. Les taches sont bien moins apparentes chez les
personnes âgées., à cause des rides et de l'épaississement de l'épiderme.
C.CCXXXV. Il est certaines Éphélides qui n'ont aucune odeur sensible ; mais il en est qui ont une odeur fétide
et repoussante : telle est, par exemple, celle que j'ai désignée sous le nom d'Éphélide scorbutique {EphcUs
scorhutica). On connoît la constitution physique des individus atteints de l'Ephélide lentifonne {Ephelis lentigoy,
leurs cheveux sont d'un rouge ardent, leurs yeux d'un bleu pâle, etc. L'odeur qu'ils exilaient aux aisselles, aux:
aines, aux oreilles, est rebútanle, et explique en quelque sorte l'état maladif de leur peau. Cette odeur devient
sur-tout insupportable, lorsqu'ils sont renfermés dans quelque appartement durant le fort de l'été. C'est alors
que leur sueur et toutes leurs excrétions sont excessivement fétides. On sait aussi que lorsque les femmes ont
un pareil défaut, les hommes craignent de s'unir à elles et de s'en approcher.
CCCXXXVI. Les Éphélides n'ont pas toutes la même marche. Plusieurs se développent avec une rapidité
extrême, et du soir au lendemain. Quelques-unes accomplissenl leurs périodes avec beaucoup de lenteur. On eu
voit même qui restent indélébiles pendant plusieurs années, tandis que d'autres s'efCacent par un simple Imin,
par de simples lotions, par un simple changement survenu dans l'almosphère. Il arrive aussi quelquefois que
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