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XXIJ D I S C O U R S PRÉLIMINAIRE.
§. XLIX. Au surplus, je ne saurois parler des difficultés sans nombre qui se sont opposées
¿1 mes travaux, sans faire mention en même temps des circonstances qui m'ont si heureusement
secondé. L'hôpital Saint-Louis est, sans cont redi t , celui de l'Europe qui offre le plus de moyens
pour l'étude approfondie des Maladies de la peau ; je dois même ajouter qu'aucun n'offre des
ressources plus elficaces pour les guérir. En effet, quel théâtre oDTre des objets plus nouveaux
à ceux qui procèdent d'après des méthodes philosophiques? Quel spectacle laisse des impressions
plus fortes, plus permanentes dans l'esprit des Observateurs? Ce précieux établissement
est, comme personne n e l'ignore, un modèle de construction en architecture : il eût été impossible
de lui assigner une exposition plus salubre. Le génie semble avoir présidé à la distribution
des salles, au placement des fenêtres qui laissent circuler librement l'air atmosphérique dans
l'intérieur de ce bâtiment si vaste et si régulier. Des bains commodes viennent se joindre à ces
moyens salutaires. La sagesse éclairée des Administrateurs, et le zèle actif d'un surveillant
habile, ajoutent tous les jours à la perfection de cet édifice. Puis-je en outre passer sous silence
les lumières des savans collègues qui partagent avec moi les fonctions augustes qui me sont
confiées, particulièrement de M. Delaporte, dont l'expérience plus mûre et plus âgée que la
mienne, m'a été infiniment utile dans le cours de cette grande entreprise; et de M. Richcrand,
dont les succès particuliers pour les recherches chirurgicales ont été constamment, pour moi,
u n puissant motif d'émulation et d'ardeur!
§. L. En publiant aujourd'hui ce fruit de tant de laborieuses recherches, je remplis un
devoir envers la noble profession que j'ai embrassée. Si chacun de ceux qui l'exercent, prenoit
à tâche de défricher les parties qui sont encore incultes, notre art feroit plus de progrès ; il
acquerroit plus de certitude, et ne se traîneroit pas depuis tant d'années sur des répétitions
fastidieuses. D'ailleurs, ce n'est pas assez, pour le Médecin, d'être utile à ses contemporains ;
il doit aspirer à étendre ses bienfaits jusque dans l'avenir, en laissant des ouvrages qui puissent
franchir les siècles liiturs, prolonger la mémoire de son nom, et le rendre cher à la postérité
1-econnoissante. J'acquitte également la dette que j'ai contractée envers la société. J'aime à me
rappeler ces paroles admirables de Platon, que la vie que nous respirons, ne nous a pas été
accordée uniquement pour nous; que nous en sommes redevables envers la pat r ie; que le but
suprême de la nature est de rendre l'homme utile à l'homme; qu'il est ici-bas de la destinée
des humains de commercer sans cesse de bons offices ; d e donner , de recevoir, de met tre, pour
ainsi dire, en commun leurs avantages. Cet échange réciproque de talens, de travaux, de services,
l'orme l'industrie universelle ; elle est le plus fort lien des empires, et l'un des plus sûrs
fondemens de la perfection sociale et de la félicité des peuples.
DESCRIPTION
DES
MALADIES DE LA PEAU.
LES TEIGNES.
C O N S I D É R A T I O N S GÉNÉRALES SUR LES TEIGNES.
I. QU E trouve-t-on dans les auteurs, touchant la nature et le caractère spécifique des Teignes? Des renseignemens
incertains, dos dissertations vaines, des détails vagues, toujours insuffisans. Il semble que les anciens
aient écrit au hasard sur cet exanthème aussi repoussant qu'opiniâtre. Les modernes môme n'ont pas délruil
la confusion qui règne dans son histoire. Murray seul a su se guider dans ce labyrinthe inextricable, parce
qu'il a suivi la marche rigoureuse et méthodique des sciences naturelles; mais il a laissé de vastes lacunes à
remplir.
IL J'élague de cet ouvrage les discussions futiles auxquelles se sont livrés mes prédécesseurs. Je transcris
ce que j'ai observé, m'inquiétant peu de ce qu'on a dit avant moi. Quand on voit de si près la nature, quel
besoin a-t-on de recourir aux travaux des Grecs et des Arabes? Tout étalage d'érudition ne seroit qu'un vain jeu
de l'esprit, sans avantage pour la science.
III. Pour coordonner de la manière la plus convenable les faits divers que j'ai rassemblés, j'adopterai pour
leur exposition une méthode absolument analogue à celle que j'ai suivie en les observant. Je commencerai
d'abord par déterminer les symptômes caractéristiques de chaque espèce de Teigne en particulier. Je donnerai
ensuite les résultats généraux qui concernent la nature, le siège, les causes et le traitement de cette
affection.
IV. L'exanthème chronique, communément désigné sous le nom de Teigne, doit donc constituer en
Nosographie un genre très-distinct des autres maladies cutanées. Ce genre comprend comme espèces particulières,
i". la Teigne favcuse ou alvéolée, connue des anciens, mais inexactement décrite par eux; 2®. la
Teigne granulée ou rugueuse, dont nous avons rendu l'histoire plus complète ; 5". la Teigne furfuracce ou
porrigineuse, dont nous avons pareillement mieux fixé la marche et le caractère; 4". la Teigne amiantacée,
qui s'oHre rarement à l'observation, et dont aucun auteur n'a lait mention avant nous; 5". cnlin la Teigne
muqueuse, qu'il ne faut pas confondre, à l'exemple de quelques médecins, avec cette éruption salutaire
ordinairement désignée sous le nom de croûte de lait, quoique, dans certains cas, elle puisse être regardée
conimc une sorte de dégénération de cette excrétion naturelle du cuir chevelu. Quant à la croûte laiteuse
proprement dite, je n'en traiterai qu'accessoirement dans le cours de cet ouvrage, parce qu'elle n'est point le
produit d'un état maladif de l'économie animale ; et que, sous ce point de vue, elle n'a point dû se présenter
souvent à mes recherches dans l'intérieur des hôpitaux.